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Au seuil de la chambre, elle s'arrêta, hors d'haleine et saisie par le spectacle qui s'offrait à ses yeux. À peine vêtue d'une chemise qui découvrait largement ses épaules et sa gorge, la dame de La Trémoille fouillait un coffret et en sortait des joyaux qu'elle accumulait dans une soierie posée près d'elle. À en juger par l'invraisemblable désordre qui régnait et qui n'était pas dû uniquement à l'attentat, elle avait déjà visité d'autres coffres. Catherine eut un sourire de mépris... Cette femme ne changerait jamais. On pouvait tuer ses époux, elle se préoccuperait toujours davantage de leur héritage que de leur sort...

Toute à ses rapines, l'autre ne la voyait pas. Catherine entra doucement et saisit la dague qui traînait sur le sol à quelques pas d'elle, en réprimant une grimace de dégoût. Elle était encore toute poissée de sang.

Soudain, elle sursauta. La comtesse s'était immobilisée et haletait doucement, comme si l'air tout à coup lui avait manqué. Catherine la vit élever dans sa main, vers la flamme de la veilleuse qui brûlait toujours, une chose qui étincela de mille feux sombres. Le diamant noir ! Son diamant noir à elle, Catherine !... Jamais elle n'avait vu, sur un visage humain, pareille expression de cupidité. Les yeux de la femme étaient exorbités, ses lèvres étaient sèches. C'était cela surtout qu'elle était venue chercher. Elle tremblait d'excitation... La voix glaciale de Catherine la fit sursauter.

— Rendez-moi cela ! dit-elle froidement. Ce diamant m'appartient

!

L'autre tourna vers elle un regard hébété, mais dont les prunelles peu à peu se rétrécirent, où revinrent bientôt la ruse et la cruauté.

— A vous ? Qui êtes-vous ?

Catherine eut un rire sec et s'avança au milieu de la pièce. La lumière de la veilleuse l'enveloppa, dessinant sa mince silhouette moulée dans le costume masculin.

— Regardez-moi ! Regardez-moi bien ! Ne m'avez- vous jamais vue ?

Avec méfiance, serrant le diamant contre sa poitrine nue, la comtesse s'approcha, dévisageant ces traits, ce visage que le camail noir sertissait comme un écrin. Déroutée sans doute par le costume masculin, elle secoua la tête.

— On m'appelait Tchalaï, commença Catherine railleusement.

L'autre éclata d'un rire fêlé et se détourna avec emportement.

— C'est bien possible, ton visage avait si peu d'importance pour moi. Tu as eu de la chance de m'échapper, mais passe au large, ma fille, j'ai à faire. Quant à ce diamant...

Le sourire s'effaça des lèvres de Catherine. Elle saisit le poignet de son e

— Écoute-moi bien, maudite ! J'ai dit que ce diamant m'appartenait parce que c'est à moi que vous l'avez volé, toi et ton pourceau d'époux.

— Au large ! répéta la comtesse avec fureur. Depuis quand les filles de ta sorte ont-elles des diamants ?

— Je ne suis pas une Tzigane. Je n'ai feint de l'être que pour consommer ta perte et celle de ton mari. Regarde-moi mieux. Je n'ai plus rien des filles d'Egypte... Mes cheveux sont clairs, mes sourcils aussi.

— Qui es-tu alors ? Dis-le et va-t'en au Diable, tu me fais mal !

Lentement, Catherine appuya la pointe de sa dague sur la gorge blanche.

— Au Diable, c'est toi qui vas y aller. Et c'est moi, Catherine de Montsalvy, qui t'y enverrai.

— Montsalvy !

La comtesse avait balbutié le nom tandis qu'une peur abjecte se levait dans ses yeux glauques. La pointe de la dague appuya un peu. Le sang parut. Les doigts de Catherine se crispèrent nerveusement sur le poignet de l'autre qui gémit de douleur. La jeune femme serra les dents.

— A genoux, siffla-t-elle... A genoux ! Et demande pardon à Dieu pour le mal que tu as fait, pour mon époux torturé, pour Jeha

— Grâce ! hurla l'autre. Ne me tue pas ! Ce n'est pas moi...

— Et, en plus, tu es lâche ! fit Catherine avec dégoût. Allons, à genoux !

La fureur communiquait à ses doigts une force insoupço

Malheureusement, la voix de Gaucourt derrière Catherine fit relâcher son attention un instant.

— Vous ne pouvez pas tuer cette femme, dame Catherine. Elle nous appartient.



Si faible qu'eût été ce relâchement, son adversaire en profita. Se tordant avec la souplesse d'une couleuvre, elle échappa à Catherine, lui saisit la main et lui arracha la dague. Catherine se retrouva seule, et désarmée, en face d'une véritable furie. Les yeux de la femme flamboyaient, ses dents grinçaient.

— Cette fois, tu ne m'échapperas pas, siffla-t-elle.

Catherine, les yeux rivés sur ceux de son adversaire, recula d'un pas. Prévoyant l'élan des deux hommes qui allaient se jeter sur la comtesse, elle les retint d'un mot :

— Arrêtez ! Quoi que vous en pensiez, c'est à moi qu'elle appartient.

Derrière elle, Catherine sentit le trépied sur lequel était posée la veilleuse... En face, elle voyait se rapprocher le visage grimaçant de la dame de La Trémoille qui avançait, la dague haute. Sa main glissa derrière elle, saisit la lampe à huile. Puis, de toute sa force, elle la lança au visage de son e

Un hurlement d'agonie lui répondit. L'autre recula, les mains à son visage que l'huile enflammée brûlait. Dans sa chevelure une langue de feu courait, une autre dévorait sa chemise transparente. La femme hurlait de souffrance... Catherine, le regard dilaté, vit Gaucourt arracher une couverture du lit, la jeter sur les flammes, rouler la.

comtesse dans le tissu. Lentement, elle se baissa, ramassa la dague que l'autre avait laissé échapper. Ses jambes tremblaient maintenant que tout était fini. Il fallut que Pierre de Brézé l'aidât à se relever ; sinon, elle serait tombée à genoux. Sous la couverture, les cris étaient devenus des plaintes... La blessée geignait comme une bête malade.

Catherine leva sur Gaucourt un regard vide.

— Je vous la laisse maintenant. Qu'allez-vous en faire ?

Il se baissa, chargea le paquet gémissant sur son épaule, puis regarda Catherine bien en face.

— C'est à vous d'en décider. Vous aviez raison, ce droit vous appartient. Brézé m'a dit... Je voulais l'envoyer rejoindre son mari, mais je la jetterai aux oubliettes si tel est votre désir. C'est tout ce qu'elle mérite.

La femme secoua la tête, soudain vidée de ses forces.

— Non. Laissez-la vivre... laissez-les vivre tels qu'ils sont maintenant puisque Dieu a jugé et n'a pas voulu qu'ils meurent par nous. Qu'ils vivent ensemble, l'un en face de l'autre, avec la lèpre de leurs âmes et l'horreur de ce qu'ils sont devenus. Elle est défigurée...

lui impotent à force de graisse, couvert de blessures dont peut-être il ne guérira pas... Laissez-les bâtir eux-mêmes leur enfer. Que le monde les oublie. Moi, je suis vengée.

Ses nerfs, trop tendus, lâchaient maintenant. Elle s'agrippa au bras de Brézé, s'y crampo

— Emmenez-moi, Pierre. Emmenez-moi d'ici...

— Voulez-vous rejoindre les autres à Montrésor ? demanda-t-il doucement.

Elle fit signe que non.

— Je ne veux plus les revoir. Achevez sans moi votre tâche, la mie

Mais, au moment de quitter la chambre dévastée, elle aperçut, brillant d'un éclat sinistre sur la pile de joyaux, le diamant noir de Garin. Elle tendit la main, le saisit... La pierre maléfique se logea au creux de sa paume comme un animal familier.

— Il est à moi, murmura-t-elle. je reprends mon bien.

Le bras de Brézé entoura ses épaules frisso

On dit que ce joyau merveilleux est maudit et porte malheur.

Vous n'en avez que faire, Catherine.

Elle considéra un instant la pierre funeste qui habillait sa main d'éclats nocturnes.

C'est vrai, dit-elle gravement. Cette pierre sème la mort et le malheur. Mais celle à qui je l'offrirai a le pouvoir de chasser le malheur et de faire reculer la mort.