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— C'est alors que j'ai vu celui qui commandait... Le capitaine La Foudre... mon époux ! Arnaud !... Lui !...

Un silence s'établit. Landry ne disait rien. Gauthier et Bérenger s'étaient retirés par discrétion à l'autre bout de la pièce, presque cachés par les rideaux du lit, et ils s'efforçaient même de retenir leur souffle.

Au bout d'un moment, le moine se pencha, toucha du doigt le genou de son amie d'enfance.

— Qu'as-tu éprouvé, alors, Catherine ?

Elle écarta ses mains, lui livrant un regard malheureux.

Je ne sais pas... Je ne sais plus très bien. De l'horreur, oui, et puis une déception... Oh ! Ce n'est pas le mot et je ne peux pas traduire. C'était atroce, tu comprends... Un peu comme le soir où Caboche a tué Michel devant chez nous. As-tu vu ce que la foule en avait fait quand Legoix a do

— Tu as compris, dis-tu ? Es-tu certaine de ne pas l'avoir su depuis longtemps ?

Elle réfléchit un instant puis, ho

— Tu as raison. Depuis toujours, je crois bien, il se méfie de moi.

J'ai d'abord été pour lui une fille Legoix et cela suffisait pour que je lui fisse horreur. Ensuite il y a eu mes... relations avec le duc Philippe qu'il a toujours considéré comme son e

— Tous ceux qui servent le roi Charles avec quelque fidélité pensent ainsi, remarqua Landry. Seulement, chez ton époux, la haine politique se double d'une haine particulière, une haine d'homme. Cette force mauvaise dont tu parlais à l'instant, ne crois-tu pas qu'elle s'appelle d'abord jalousie ?

— C'est par jalousie qu'il a incendié un village, violé une femme, torturé un homme ? Lorsque j'évoque cela, je sens revenir la rancune.

Parce que toi aussi tu es jalouse. Ce que tu lui pardo

Landry tourna les yeux vers le gisant du lit et le considéra un instant avec attention.

— J'aurais aimé qu'il ne fût pas au-delà de la confession, soupira-t-il. Les âmes de cette trempe, où l'orgueil règne plus que Dieu, ont des replis étranges, obscurs comme tous les replis. Une jalousie forcenée, un profond dégoût de l'homme... ou de la femme, quand on l'a quelque peu idéalisée, peuvent les mener aux pires excès dont le besoin de détruire n'est qu'une réaction, celui de faire souffrir un apaisement ! Je sais des exemples... Mais, dis-moi, Catherine, avant le combat de tout à l'heure, qu'avais-tu décidé de faire ?

Elle n'eut pas une seconde d'hésitation.

— Je voulais voir ma mère. Aucune force humaine n'aurait pu m'en empêcher parce que c'était tout naturel et que c'était mon droit absolu. J'avais fait tout ce chemin uniquement dans ce but. En outre, l'ultimatum d'Arnaud était inique, odieux...

— Pas à son point de vue ! Lui, je crois, n'avait devant les yeux qu'une image, insupportable : toi, sa femme, franchissant l'enceinte du château et retrouvant derrière, les bras tendus, l'homme qu'il exècre le plus au monde : ton ancien amant. Il ne voyait que ça. Rien d'autre !

Et il le voyait encore lorsqu'il s'est jeté si follement au-devant de la mort...

— Veux-tu dire... qu'il l'a cherchée ?

Non pas ! Il était, comme tu dis, au-delà de tout raiso



Une lente rougeur envahit les joues et le cou de la jeune femme, tandis qu'elle réalisait la signification exacte des paroles de Landry.

Mais elle ne détourna pas les yeux.

— Tu veux savoir si j'éprouvais... une joie quelconque à l'idée de revoir le duc ? Non, Landry, aucune ! Sur mon salut éternel, je te le jure ! Je n'ai jamais eu pour lui de véritable amour. Je voulais seulement embrasser ma mère... et protester contre la violence qui m'était faite. Je hais les contraintes et Arnaud n'avait aucun droit de...

— Si ! Il les avait tous ! dit fermement Landry. Et tu le sais parfaitement ! Même celui de t'interdire purement et simplement l'entrée du château, même celui d'employer la force pour t'obliger à obéir. Il est ton époux devant Dieu et devant les hommes d'où vie

— Je sais tout cela, fit Catherine amèrement. Les hommes ont tous les droits et ne nous en laissent qu'un seul : celui d'obéissance inconditio

— Et maintenant ?

— Maintenant ?

Les yeux de Catherine s'emplirent de larmes lourdes qui débordèrent en même temps que sa douleur.

— Il n'y a plus de maintenant pour moi. Comment pourrais-je ne pas lui pardo

Le moine se leva, alla jusqu'au lit, se pencha sur le blessé, prit sa main et le considéra longuement, sourcils froncés, cherchant apparemment quelque chose qu'il ne trouvait pas. Puis, il hocha la tête.

— Il est aux portes de la mort, dit-il, mais... s'il en revenait ?

— Que dis-tu ?

— Rien ! Ce n'est qu'une hypothèse pour t'obliger à descendre jusqu'au fond de toi-même. Cet homme, ce mourant auquel tu pardo

Elle se laissa tomber à genoux, les mains tendues vers le moine en qui, à cette minute, elle ne voyait plus que l'homme de Dieu, celui dont les prières, peut-être, avaient assez de pouvoir pour arracher la clémence divine.

— Pour le savoir vivant, je pourrais accepter n'importe quoi...

même la séparation, même l'obéissance muette.

— Tu l'aimes à ce point ?

— Je n'ai jamais aimé que lui, affirma-t-elle d'un ton presque sauvage. Je t'en conjure, s'il y a un espoir, une chance, même toute petite, même une chance sur un million, que Dieu me le laisse, dis-le-moi !

Le moine eut un sourire plein de tristesse et de pitié.

— Tu parles comme si tu voyais en moi une espèce d'ambassadeur ou d'intermédiaire capable de négocier avec le Tout-Puissant ?

— Tu viens de le dire : Il est le Tout-Puissant et tu es son prêtre.

— Mais je ne fais pas de miracles. Ne rêve pas, Catherine. Certes, j'ai vu, un jour, lorsque j'étais à l'abbaye de Saint-Seine, un homme survivre à une blessure dans le genre de celle-ci : c'était une lance qui l'avait causée et l'homme, comme celui-ci, était solide. Mais le mire était habite... et nous n'avons ici, dans notre pauvre prieuré, qu'un petit frère un peu i