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— Que savez-vous de Dieu ? gronda Catherine. Et comment osez-vous seulement prononcer son nom ? Gauthier, je vous en prie, essayez...

— J'ai peu de prise pour le saisir... et j'ignore si en l'arrachant je ne vais pas hâter la mort.

— De toute façon, il mourra. Essayez...

Le jeune homme se signa puis, entourant l'empe

La sueur coulait en grosses gouttes le long des joues maigres du garçon.

— Je ne peux pas, se lamenta-t-il. Je ne peux pas... Il me faudrait...

Brusquement, il abando

— Vous avez bien une forge ici ! Faites-moi chercher des tenailles, les plus longues que l'on trouvera.

— Des tenailles ? fit le Boiteux.

— Oui. Aussi longues que possible. Fais vite !

Mais l'homme était déjà parti. Il revint quelques instants plus tard armé d'une paire de tenailles qui avaient bien trois pieds de long.

Gauthier les regarda d'un air approbateur, les nettoya avec un linge trempé dans l'eau chaude, puis avec de l'huile pour en ôter les parcelles de limaille ou les poussières qui s'y collaient encore.

Ensuite, il revint vers le blessé et le prit aux épaules.

Aide-moi ! ordo

Sans protester, l'écorcheur s'exécuta. A eux deux, ils soulevèrent Arnaud et le déposèrent devant le feu, là où la pierre était chaude. Le grand corps à moitié nu paraissait vidé de son sang, déjà semblable à ces transis de pierre que la "piété des hommes sculpte sur les tombeaux.

Gauthier se baissa et, doucement, tourna la tête de manière qu'elle reposât sur la joue intacte.

— Tu veux que je le tie

— Non. Il faut que j'aie toute la force possible. Retournez-vous, Dame Catherine : ce que je vais faire ne vous plaira pas !

— Rien de ce que vous pourrez faire ne peut me déplaire, puisque c'est pour le sauver. Oubliez que je suis ici !

Il n'insista pas, saisit les tenailles d'une main ferme puis, avec décision, appuya son pied sur la mâchoire du blessé.

Catherine, qui ne s'attendait pas à cela, étouffa une exclamation sous son poing fermé qu'elle mordit. Les tenailles crissèrent sur la ferraille du carreau.

— Priez ! souffla Gauthier. Je tire...

Le temps parut s'arrêter. Catherine s'était laissée tomber à genoux devant les pieds de son époux et chuchotait des supplications sans suite. Les autres retenaient leur souffle. L'effort gonflait les veines aux tempes du jeune homme.

— Ça bouge ! haleta Gauthier.





L'arme meurtrière vint d'un seul coup, avec un filet de sang et, en même temps, toutes les poitrines se dégonflèrent. Mais déjà Gauthier se jetait à genoux pour écouter les battements du cœur.

— Il est lent et faible, fit-il en relevant un visage irradié de joie, mais il bat toujours.

— Tu fais un habile chirurgien, l'ami, apprécia le Damoiseau. Tu seras désormais à mon service.

— Je suis à celui de la dame de Montsalvy !

Le beau Robert eut l'un de ses lents sourires qui le faisaient paraître plus redoutable que dans la colère.

— Tu n'auras pas le choix. Et, dans un moment, la dame n'aura plus besoin de toi !

— Que voulez-vous dire ?

— Rien d'important ! Continue. Tu vas cautériser, j'imagine ?

— Non. Il ne pourrait supporter la brûlure. J'ai fait tout ce qu'il était possible de faire pour l'empêcher de mourir, mais sa vie ne tient tout de même qu'à un fil. Je vais seulement lui faire un pansement avec de l'huile de millepertuis dont Dame Catherine a une fiole dans ses bagages puis je mettrai des attelles à sa jambe brisée... ensuite, il nous faudra prier, de toutes nos forces, pour retenir sa vie. Si Dieu le veut, il sera sauvé... mais seulement si Dieu le veut !

Au son de sa voix, Catherine comprit qu'il ne comptait guère sur la mansuétude divine envers un homme qui venait de l'offenser si gravement et qu'il ne croyait pas à la guérison d'Arnaud, malgré toute la peine qu'il s'était do

On avait reporté le blessé sur la table où l'étudiant se mit à faire les pansements qu'il avait a

Catherine s'assit au bout d'un banc, près de la tête inerte de son époux et, doucement, avec une infinie tendresse, elle caressa les courtes mèches noires qui dépassaient la bande de toile blanche.

Depuis qu'il était parti si loin, presque de l'autre côté du miroir, elle ne se souvenait plus que de son amour. Elle ne voulait plus se souvenir que de lui ! Elle avait tout pardo

N'était-il donc qu'un mirage qui se dissipait dès qu'elle l'atteignait ?

Pourtant, avant ce jour de colère et de malheur, il y avait eu tant de doux moments, tant de belles nuits ! Elle n'imaginait pas, elle ne pouvait pas seulement imaginer une existence où il ne serait plus...

L'ombre de la mort ensevelissait les tragiques souvenirs et l'horreur de la veille...

Elle avait Jailli mourir de douleur quand on le lui avait arraché pour le conduire à la maladrerie de Calves, mais elle avait pu réagir à temps parce que, malgré tout, il était encore vivant. Malade, mais vivant ! Et c'était ça toute la différence. Car si, dans une heure ou dans la nuit, il s'éteignait il n'y aurait plus d'autres recours, plus rien à quoi se raccrocher, aux heures de découragement, qu'un peu de terre soulevée dans l'herbe d'un cimetière, ou bien une dalle gravée dans quelque chapelle, et une croix, symbole d'une éternité à laquelle, dans son désarroi, Catherine ne parvenait plus à croire. Qu'importait la vie de l'au-delà, si, sur cette terre, elle ne pouvait plus le tenir dans ses bras ! Les promesses des prêtres semblaient tout à coup vides et creuses.

Le bonheur, pour Catherine, s'incarnait dans l'image d'un homme en pleine force, les cheveux au vent d'un matin de soleil, riant du haut de son grand cheval moreau, des efforts maladroits d'un petit Michel au nez froncé d'application pour enfourcher un petit âne gris qui broutait placidement des pâquerettes dans le verger du château. Et voilà que cette douce vision s'achevait là, sur cette table souillée de sang où le même homme épuisait le peu de vie qui lui restait.

Comment croire que le ciel de Montsalvy serait encore si bleu, le printemps si triomphant, lorsque son maître ne serait plus qu'une ombre, un casque et des gantelets vides, des éperons d'or sur un coussin noir et une grande épée pendue à jamais au mur de la salle d'armes auprès de celle du défunt seigneur Amaury ?

Avec un soupir, Gauthier achevait son patient travail. Par-dessus le corps inerte, où l'odeur pénétrante des huiles aromatiques chassait celle du sang, fade et écœurante, il essaya de sourire à Catherine, mais ne put y parvenir. La vue de cette mince figure tragique, où les yeux formaient de grands lacs d'ombre, l'étranglait.

Essuyant ses mains à un morceau de linge, il rejeta d'un geste machinal les mèches rousses qui pendaient devant ses yeux, humides de sueur. Il s'aperçut alors que ses mains tremblaient maintenant que la terrible tension nerveuse qu'il leur avait imposée se relâchait.

Il était à la fois content de son travail et furieux de son impuissance, car il aurait voulu à cette minute posséder toute la science du monde afin d'arracher à Dieu le secret de la vie et de la mort. Bien sûr, il avait fait pour cet homme, qu'il avait détesté à première vue, tout ce qu'il pouvait, mais, pour cette femme accablée, dont la douleur muette était celle d'une douce bête des bois auprès du mâle frappé à mort, quel remède pouvait-on appliquer, quel miracle espérer ?