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Mais, avec Bérenger, qu'il rudoyait souvent, il avait des gestes pleins de délicatesse, comme si lui et le page eussent été frères. Des gestes que, certainement, les aînés Roquemaurel n'auraient pas eus...

Néanmoins, en rentrant chez elle, Catherine était soucieuse. Ces jours qui restaient à vivre avant le mariage royal l'inquiétaient. La chaleur de cette fin de printemps semblait faire éclore les appétits secrets encore beau coup plus vite que les églantines sur les buissons des chemins. L'inaction ne valait rien à perso

Quant à Jacques, malgré son labeur de la journée, réussirait-il à tenir la promesse qu'il venait de lui faire, et, encouragé par cette intimité dans laquelle ils vivaient, saurait-il retenir les mots qui, ce soir, lui étaient montés si facilement aux lèvres ?

Et puis, il y avait elle-même. Tout à l'heure, elle avait bien failli se laisser surprendre et il lui avait fallu faire appel à toute son ho

Elle se déshabilla, brossa ses cheveux longuement, opération qui, sans l'aide de Sara, se révélait singulièrement fatigante, les tressa pour la nuit, puis s'agenouilla au pied de son lit afin de dire sa prière du soir.

Elle y puisait, en général, un certain réconfort. Ses résolutions en sortaient mieux trempées. Mais ce soir-là - était-ce après tout la chaleur ? - elle ne parvint même pas à fixer son esprit sur les paroles qu'elle murmurait. Elle défilait les oraisons l'une après l'autre comme une mécanique, sans que son esprit y prît la moindre part. Tant et si bien même qu'elle se trompa, s'embrouilla, voulut recommencer, se trompa encore et, finalement, découragée, souffla sa chandelle et se glissa dans son lit.

Là, étendue sur le dos, les mains croisées sur sa poitrine, elle ferma les yeux et s'efforça de trouver le sommeil sans y parvenir.

De l'autre côté de la cloison où s'appuyait la tête de son lit, quelqu'un marchait en s'efforçant d'assourdir le bruit de ses pas et ce quelqu'un, elle savait parfaitement que c'était Jacques. Il arpentait sa chambre lentement, régulièrement, faisant craquer toujours la même lame du plancher sous le tapis qui le couvrait.

Catherine, la gorge sèche, écoutait, suspendue à cette cadence qui traduisait si bien l'agitation intérieure de son ami. Ce plancher craquait au rythme d'un désir qui se faisait entendre ainsi beaucoup mieux que par des paroles et, derrière le voile de ses paupières closes, Catherine suivait, comme si elle eût été dans la chambre, la marche automatique de Jacques.

Il s'arrêta un instant et elle entendit couler de l'eau. Sans doute cherchait-il à se rafraîchir ou buvait-il quelque chose... Puis la marche reprit, interminable, hallucinante...

Le corps trempé de sueur, Catherine, à coups de pied impatients, rejeta draps et couvertures afin que le vent léger de la nuit vînt la rafraîchir.

Elle avait envie de crier, de frapper, de se déchirer elle-même pour éteindre ce feu qu'elle sentait monter de ses entrailles. Rageusement, elle bourra son oreiller de coups de poing, y enfouit sa tête et serra ses mains sur ses oreilles pour ne plus entendre, appelant de toutes ses forces à son secours le souvenir d'Arnaud, son mari, l'homme qu'elle aimait... le seul !

Comment Jacques osait-il seulement la tenter ? Une femme dont l'époux en fuite, proscrit, risquait sa tête ne devait pas, ne pouvait pas se laisser seulement effleurer par l'amour d'un autre. Mais, cet autre, c'était Jacques et Catherine était bien forcée de comprendre enfin qu'il était plus près de son cœur qu'elle ne l'avait imaginé.

— Qu'il s'arrête ! Mon Dieu, faites qu'il s'arrête ! gémit-elle dans l'épaisseur des plumes. Est-ce qu'il ne comprend pas qu'il me rend folle ?... Oh ! Je le hais... je le hais. Arnaud !... C'est toi que j'aime...

c'est toi, rien que toi ! Mon amour ! Mon unique amour...

Mais son esprit, rebelle, refusait de s'attacher à l'image familière. Dieu était sourd et le Diable au travail ! Alors qu'elle cherchait, de toutes ses forces, à retrouver ses heures d'amour avec son époux, sa mémoire, sur le rythme de ce pas inlassable, ne lui restituait qu'une sensation : la chaleur de la main de Jacques, tout à l'heure, sur la sie

Incapable de demeurer plus longtemps sur ce lit qui lui semblait brûlant et où elle se retournait comme saint Laurent sur son gril, Catherine se leva et regarda la porte close. Elle était si proche... et si proche aussi la chambre où l'homme tournait comme un fauve en cage...

Quelques pas et la porte s'ouvrirait, encore quelques pas... et une autre porte serait sous sa main. Et ensuite ?...





Le sang battait comme une cloche aux tempes de Catherine. Cette porte l'hypnotisait. Elle fil un pas vers elle, puis un second... et un autre encore. Le vantail de bois sculpté se dressa devant elle. Sa main se posa sur le loquet forgé...

Mais, dans la chambre voisine, le pas si lent venait de se précipiter.

La porte s'ouvrit, claqua sans que l'on prît aucune précaution pour en amortir le bruit. Puis ce fut, dans le couloir, une course, dans l'escalier, une dégringolade et, au bout d'un temps très court, la porte de la rue retombant lourdement.

Incapable de se maîtriser, Jacques venait de fuir la tentation.

Quelque chose craqua en Catherine. Elle se laissa glisser à genoux et appuya sa tête contre le bois de la porte. Elle se sentait vidée de ses forces, mais délivrée, tandis que regrets et reco

— Sauvée ! balbutia-t-elle, sauvée pour cette fois ! Mais il était temps !...

Il était aussi dommage qu'à ce sauvetage inattendu elle trouvât si peu de charme... et même un assez désagréable goût de cendre...

Catherine finit par s'endormir, d'un mauvais sommeil qui la laissa les yeux cernés et la figure pâle. Elle se sentait si lasse et si défaite, au matin, qu'en baignant son visage dans une cuvette d'eau fraîche elle comprit que cet état de choses ne pouvait durer.

L'assaut subi la veille l'avait épuisée plus qu'une longue chevauchée. De plus, elle en sortait découragée, le cœur triste, avec ce goût de cendre dans la bouche...

Il était impossible de vivre encore près de trois semaines en équilibre instable entre l'amour de Jacques et sa volonté propre de demeurer fidèle à son époux.

« Je vais prier Jacques de garder Bérenger et Gauthier, se dit-elle.

Moi, je vais aller attendre les noces au couvent de Sainte-Radegonde, de l'autre côté de la Loire. Le danger est trop grand. Il faut au moins un fleuve et les murailles d'un monastère pour m'en protéger. Et puis, ce sera plus convenable. Il normal qu'une femme dans ma situation fasse retraite. »

Mais quand, forte de cette belle résolution, elle descendit à la cuisine pour s'enquérir du maître de maison, Dame Rigoberte ne lui en laissa même pas le temps.

Avec une petite révérence, elle lui apprit que « Maître Jacques » avait été obligé de partir pour Bourges dès l'aube, appelé par ses affaires.

— Il vous prie, gracieuse Dame, ajouta la gouvernante, de vous considérer maîtresse de cette maison où tous noirs avons reçu ordre de vous obéir en toutes choses. Il espère que vous vous y trouverez bien et il s'est permis d'emmener avec lui, en échange, vos deux jeunes serviteurs.

— C'est une excellente idée ! Les deux garçons tournaient en rond ici, ne sachant trop que faire. L'exercice des grands chemins leur fera tous les biens du monde !

Dame Rigoberte eut un sourire aimable qui révéla des manques fâcheux dans sa dentition.