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— Mais ce sera la dernière fois, se promettait-elle. La toute dernière ! Jamais plus je ne m'agenouillerai pour prier un être de chair et de sang ; seulement devant Dieu...

De toutes ses forces, pour préserver la douceur de ce soir de mai finissant, elle repoussa l'image d'une Catherine vêtue de noir et à genoux sur les pavés d'un parvis de cathédrale. Jacques, d'ailleurs, revenait. Il quittait l'ombre pour entrer dans la lumière jaune que dispensait le flambeau posé sur la table.

— Regardez ! dit-il.

Catherine crut voir un tour de jongleur. Le négociant avait approché ses mains fermées des chandelles allumées. Puis il les écarta lentement et, dans l'espace qui s'élargissait, la jeune femme vit s'étirer doucement une rangée de perles, les plus belles, les plus pures et les mieux appareillées qu'elle eût jamais vues. Bien rondes, toutes semblables dans leur perfection et d'une délicate teinte rosée, elles offraient à la lumière leur chatoiement irisé. Aucune monture ne brisait leurs petits globes parfaits. Un simple fil de soie les reliait les unes aux autres en les traversant et l'effet, ainsi, en était beaucoup plus séduisant que si elles eussent été, comme d'habitude, serties dans de lourds motifs d'or ou bien unies à quelques gemmes précieuses dont l'éclat, plus brutal, détournait l'œil de leur miroitement plus discret.

C'était, entre les mains de Jacques, comme un lien de douce clarté, un fragment de Voie lactée, un rayon de lune rose.

Le souffle coupé, Catherine regardait les doigts de son ami jouer avec ces joyaux qu'il s'amusait à faire luire dans la lumière.

— Qu'est-ce donc ? chuchota-t-elle comme s'il s'agissait d'un miracle.

— Vous le voyez : un collier de perles.

— Un collier de perles ? Mais je n'en ai encore jamais vu !

— Bien sûr ! Jusqu'à présent perso

charmante, ni d'ailleurs, il faut bien le dire, de grandes possibilités d'appareiller ainsi des perles de même teinte. Il faut, pour cela, vivre auprès d'eaux plus chaudes que celles de nos côtes. Ceci m'a été envoyé récemment par le Soudan d'Egypte.

— Le Soudan d'Égypte ? Vous entretenez des relations avec lui ?

Avec un Infidèle ?

— Fructueuses comme vous pouvez voir. Vous ne devriez pas être si éto

— Voilà donc la raison pour laquelle vous rouvrez ces vieilles mines romaines dont vous m'avez parlé... près de Lyon?

— Saint-Pierre-la-Pallu et Jos-sur-Tarare ? En effet ! On y trouve du fer, du kis, des pyrites et un peu d'argent, dans la première tout au moins. Quant à la seconde, elle contient de l'argent... et même un peu d'or, mais tellement difficile à exploiter que je préfère y renoncer.

D'ailleurs, l'argent seul m'intéresse vraiment pour mes échanges. Mais revenons à ce collier. Il vous plaît ? Catherine se mit à rire.

— Quelle question ! Co

— Alors, il est à vous. Votre visite m'évite de le faire porter à Montsalvy... et m'offre le plaisir inattendu de le voir sur vous.

Avant que Catherine ait pu s'en défendre, Jacques, d'un nouveau geste de prestidigitateur, avait passé le collier autour de son cou et en fermait, sur sa nuque, le simple crochet.

— Le soudan a envoyé le collier mais n'a pas pris la peine de le faire monter convenablement. Je vous ferai mettre une agrafe digne de cette rareté.

Sur sa gorge, Catherine n'avait senti qu'une fugitive fraîcheur. Déjà les perles avaient pris la température de sa peau. C'était une sensation nouvelle, comme si tout à coup les perles s'intégraient à elle.

Amusé par sa mine de fillette émerveillée, Jacques lui tendit un miroir :





— Elles sont faites pour vous, remarqua-t-il. Ou plutôt vous êtes faite pour elles.

Du bout des doigts, presque timidement, elle toucha les globes fragiles, doux comme une peau de bébé. On aurait dit qu'elle cherchait à s'assurer de leur réalité. Quelle merveille !... Jacques avait raison : son visage, reposé, prenait à ce voisinage une lumière nouvelle, tandis qu'au contact de sa chair, si délicatement dorée, les perles avaient l'air de vivre...

Mais, brusquement, Catherine reposa le miroir, se détourna.

— Merci, mon ami. Mais je ne veux pas de ces perles, dit-elle fermement.

Tout de suite cabré, Jacques Cœur s'insurgea :

— Et pourquoi donc pas ? Elles sont pour vous et pour aucune autre. Je vous l'ai dit : elles représentent une partie de vos revenus. Ce n'est pas un cadeau.

— Justement. La dame de Montsalvy n'a que faire d'une parure nouvelle quand ses gens et ses paysans sont dans le besoin. Je vous ai dit les ravages de ce printemps chez nous. Us sont tels que, cette a

Le regard du négociant, sombre et mécontent l'instant précédent, se chargea de tendresse.

— Vous aurez tout cela de surcroît, Catherine ! Me croyez-vous assez sot pour vous laisser endurer la faim et les rigueurs d'un hiver montagnard avec une poignée d'or et un rang de perles pour tout viatique ? Depuis que vous m'avez dit vos besoins, l'autre jour, j'ai déjà pris quelques dispositions. Votre fortune, vous n'avez pas l'air de vous en douter, augmente avec la mie

Vous l'ignorez, bien sûr, mais vous avez désormais des intérêts dans plusieurs maisons de banque : chez Cosme de Médicis, à Florence, à Augsbourg, chez Jacob Fugger et, depuis la paix d'Arras, à Bruges même chez Hildebrand Veckinghusen, de la Hanse de Lubeck, chez qui j'achète du blé prussien, des fourrures, des graisses et du miel de Russie, de la poix et du poisson salé. Bientôt, vous en aurez ici même, à Tours, où je m'occupe de fonder des ateliers de tissage de drap qui, je l'espère, pourront concurrencer les draps de Flandre et, surtout, les draps anglais.

Il était parti, maintenant. Rien ne passio

Catherine savait que, si elle le laissait aller, il pourrait continuer ainsi jusqu'au lever du soleil.

Déjà attirée par les éclats de sa voix, Dame Rigobert passait à l'embrasure de la porte sa figure mécontente et curieuse. Il était tard.

Mieux valait couper court à l'éloquence de son ami, car dans une minute il deviendrait lyrique.

— Jacques ! fit-elle en riant. Vous êtes un ami comme on n'en trouve pas. Et je vous soupço

Redescendu brusquement des hauteurs où il planait, Jacques Cœur eut un soupir découragé.

— Je crains que vous n'ayez jamais une idée bien exacte de la valeur de l'argent... ni des choses. Votre diamant valait la rançon d'un roi. J'en ai eu la rançon d'un roi, ou sa valeur. Les intérêts sont en proportion. D'ici quelques a

—- A condition que le Roi nous laisse nos biens.

— Ce qui est placé chez moi n'a rien à voir avec le Roi. À moins qu'il ne m'arrête moi-même et ne saisisse mes propres biens. Voilà, justement, à quoi est bon le commerçant que dédaigne tellement la noblesse : n'auriez-vous plus une seule acre de terre, plus un seul paysan, que vous seriez encore riche. C'est ça, le crédit ! Maintenant, mettez ces perles dans ce petit sac de peau et rangez-les dans votre aumônière.

Il essayait de les lui mettre de force dans la main, mais elle refusa encore. Du coup, la colère fit gonfler les veines aux tempes du négociant.