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— Ma faim peut attendre. Pas mon anxiété... J'ai davantage besoin de savoir ce qui s'est passé que de me nourrir... et vous le savez parfaitement. Or, vous me laissez languir, imaginer... Dieu sait quoi !

Le pire, bien sûr ! Et si je vous écoutais, vous me lanterneriez encore.

Ce n'est pas l'attitude d'un ami.

Le ton était raide. Un début de colère y vibrait. Le Prévôt ne s'y trompa pas et la chaleur d'autrefois reparut sur sa figure. Il étendit le bras, saisit la main de Catherine posée sur la table et la serra sans paraître remarquer qu'elle avait crispé le poing.

— Je suis toujours votre ami, affirma-t-il chaleureusement.

— Est-ce bien certain ?

— Vous n'avez pas le droit d'en douter. Et je vous le défends !

Elle haussa les épaules avec lassitude.

1 Les raisins d'Aunis servent maintenant à la confection du cognac.

L'amitié est-elle donc toujours possible entre le prévôt des maréchaux... et la femme d'un assassin ? Car c'est bien cela, n'est-ce pas, que vous m'avez laissé entendre ?

Tristan, qui, peut-être pour se do

— Par Saint-Quentin, Saint-Omer et tous les saints de Flandres !

Vous ne changerez jamais, Catherine ! Votre imagination galopera toujours devant votre joli nez, avec autant d'ardeur qu'au temps où sous la défroque et les tresses noires d'une fille de Bohême vous vous êtes jetée à l'assaut du gros La Trémoille et l'avez mené à sa perte.

Vous allez ! Vous allez !... Mais, Pâques-Dieu, je ne vous ai jamais do

— Matière non... mais tentation, oui ! Vous me co

— Je vous l'ai dit ! Il a tué un homme ! Mais de là à le traiter d'assassin, il n'en a jamais été question. Ce faisant, il aurait plutôt agi en justicier.

— Et vous mettez les justiciers à la Bastille, maintenant ?

— Si vous n'arrêtez pas de m'interrompre pour protester, je ne dis plus rien.

— Pardo

— En fait, ce meurtre lui est reproché parce qu'il constitue surtout une désobéissance grave et un mépris patent de la discipline et des ordres reçus. Si je vous ai fait attendre un peu, c'est parce qu'effectivement je cherchais comment vous raconter cela sans vous faire pousser les hauts cris. Je voudrais que vous compreniez bien ma position... et aussi celle du Co

Le Co

— Mais, bon sang, comprenez donc qu'avant d'être parrain de Mademoiselle de Montsalvy, il est d'abord le chef suprême des armées du Roi. Un chef à qui même les princes du sang doivent obéissance absolue ! Votre Arnaud n'est pas frère du Roi, que je sache, et, cependant, il a désobéi aux ordres do

Puis, comme il voyait les yeux de Catherine s'emplir de larmes et ses doigts jouer nerveusement avec une boulette de pain, il ajouta, bourru :





— Maintenant, cessez de bouder contre votre ventre ! Laissez-moi vous servir un peu de cet appétissant palmipède et ne vous croyez pas déshonorée ou simplement trahie parce nous aurons partagé le pain et le sel ! Nourrissez-vous, que diable ! Et puis écoutez-moi...

Vaincue, elle se laissa faire et, tout en emplissant l'écuelle de son invitée, Tristan fit enfin le récit de ce qui s'était passé, le 17 avril au matin, aux abords de la Bastille.

— Quand la ville fut nôtre et que l'espoir abando

Catherine eut un sursaut et s'écria :

— Pierre Cauchon ? Guillaume Legoix ? Vous êtes sûr?

— Très sûr, voyons ! Pourquoi ? Vous les co

— Les co

Comment est-ce possible ? Passe encore pour Cauchon dont chacun en France sait la part criminelle qu'il a prise et la responsabilité qu'il porte dans la mort de Jea

— Ne vous imaginez pas que la vie à la campagne m'a rendue stupide, Tristan ! coupa Catherine avec impatience. Si je dis que je les co

Instantanément, la figure de Tristan l'Hermite se figea dans la stupeur.

— Votre cousin ? articula-t-il. Comment cela ?

— Parce qu'avant de me nommer Catherine de Brazey, puis Catherine de Montsalvy, j'ai été Catherine Legoix, tout uniment. Mon père et Guillaume Legoix étaient cousins germains. Seulement le cousin est aussi l'homme qui, voici vingt-trois ans, au mois d'avril 1413, au temps de la grande émeute cabochie

— Qui est maintenant l'épouse du Co

— Exactement ! Michel est mort au seuil de notre maison où je l'avais caché. La populace l'a déchiré et Legoix... d'un coup de tranchoir... l'a achevé. Il y avait du sang... du sang partout et j'ai vu cette horreur avec mes yeux de treize ans. J'ai failli en devenir folle, mais Dieu m'a fait la charité de m'ôter la conscience tandis que les furieux pendaient mon père et mettaient le feu à ma maison. Ma mère et moi... avons trouvé refuge dans la Cour des Miracles, tandis que Caboche enlevait ma sœur et la violait ! C'est là que j'ai rencontré ma bo

Au fil des paroles se renouait celui des souvenirs.

Devant les yeux de Catherine, les images d'autrefois renaissaient et, au fond de sa mémoire, elle retrouvait, comme un trésor enfoui depuis longtemps, ses impulsions adolescentes dans leur fraîcheur première.

Vingt-trois ans pourtant !... vingt-trois ans que son cœur d'enfant avait lancé son premier cri d'amour, sitôt suivi d'une plainte d'agonie.

C'était hier, en vérité, qu'elle avait vu Michel abattu sous ses yeux, alors qu'elle avait tout risqué pour l'arracher à la mort. Elle l'avait aimé spontanément, au premier regard, comme la fleur en bouton éclate au soleil levant. En une seconde, il était devenu tout son univers et elle avait cru mourir de sa mort atroce.

Longtemps, longtemps ensuite, elle avait gardé la certitude que son cœur si profondément navré ne revivrait plus jamais... jusqu'à ce soir pluvieux où, sur une route du Nord, la trame relâchée du destin avait brusquement resserré ses fils en jetant, presque sous ses pas, le seul être capable de lui faire oublier le tendre et cruel amour de ses treize ans, remplacé à cette minute par la plus insensée, la plus brûlante et la plus merveilleuse des passions.

Des larmes coulaient silencieusement sur le visage de la jeune femme, chaudes et salées, pour glisser doucement de ses yeux clos aux commissures tremblantes de ses lèvres. L'homme et l'adolescent qui la regardaient osaient à peine respirer, craignant de troubler cette douloureuse rêverie. Ils se regardaient sans oser manifester leur présence, persuadés l'un et l'autre que Catherine les avait oubliés.