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Rien d'autre que ce qu'a dit le seigneur d'Apchier... ou ai-je mal compris ? Ce qu'il veut, Dame Catherine, c'est de l'or... et c'est vous !

De l'or, vous pourriez lui en do

Tout en parlant, elle enlevait sa cruche pleine de la margelle et, d'un souple mouvement de reins, la jetait sur son épaule. Elle souriait toujours, jouissant visiblement de l'effet produit par ses paroles perfides qui, elle le savait bien, avaient frappé Catherine au plus sensible. Mais elle n'eut pas le temps de quitter la fontaine. Une maîtresse paire de gifles, assenée par Gauberte, et appuyée par ses cent quatre-vingts livres, l'avait jetée à terre dans les débris de sa cruche. Gauberte elle-même suivit et comme Azalaïs, à moitié assommée, tentait machinalement de se relever, elle se retrouva sous la toilière qui l'empoigna par les cheveux pour la maintenir à terre.

— Gauberte ! cria Catherine épouvantée par la rage qui convulsait la figure de la grosse femme. Laissez-la...

Mais Gauberte n'entendait rien. Un genou sur l'estomac de la fille dont elle tirait les nattes d'une main, elle lui cracha à la figure, puis gronda :

— Si je ne savais pas que ta pauvre défunte mère était une sainte femme, Azalaïs, je dirais que tu as été engendrée par une truie. Ça te soucie bien, le sort des hommes d'ici tout d'un coup ! Pourtant, tu fais assez la fière avec les garçons qui sont assez simples pour te parler d'amour. Ce que tu veux, hein, c'est un seigneur et, comme tu ne peux pas avoir messire Arnaud, tu te dis qu'un des loups d'Apchier ferait aussi bien l'affaire, hein ? C'est lequel que tu veux ? Mais dis-le, mais dis-le donc ?

De sa main libre, Gauberte déchaînée giflait la fille avec tant de fureur que Catherine eut peur qu'elle ne l'assomme complètement.

— Séparons-les, Babet ! cria-t-elle à sa voisine. Gauberte est capable de la tuer.

Bah ! fit la femme du cirier avec rancune, ça ne serait peut-être pas un si grand mal !... Mon cadet a assez pleuré pour elle, après la Saint-Jean d'été. Mais à vos ordres, Dame Catherine.

Aidées des autres femmes, assez mollement d'ailleurs, parce que ces ho

Rouge des coups qu'elle avait reçus et du sang qui coulait d'une coupure au bras due à l'un des morceaux de sa cruche, la dentellière se relevait en sanglotant. Sa robe trempée était maculée de boue et sa cotte déchirée était ouverte dans le dos. Mais son aspect pitoyable ne calma pas la fureur de Gauberte que l'on avait bien du mal à retenir tant elle se débattait.

— Laissez-moi ! criait-elle furibonde. Je veux qu'elle se traîne dans la boue, cette gaupe ! Dans la boue devant notre Dame pour lui demander pardon !

Puis, comme décidément les femmes crampo

— Tu entends, garce ? Tu demanderas pardon !

— Pardon de quoi ?

Attiré par le tapage qui avait fini par dominer son propre vacarme, Augustin, le charpentier, venait d'apparaître au seuil de son atelier, un maillet dans la main et des chevilles de bois dans l'autre. Il se heurta presque à sa fille adoptive qu'on lui ramenait trempée, sale et visiblement malmenée.

— C'est rien ! tenta d'expliquer Marie Bru qui sentait venir une nouvelle bagarre. Elle a eu des mots avec Gauberte...

Mais, sans l'écouter, Augustin l'écarta de la main et marcha vers le groupe des femmes. Les yeux presque sortis de la tête, la figure aussi rouge que son bo

— Pardon de ce qu'elle a osé dire à Dame Catherine ! hurla-t-elle.

C'est pas pour dire, Augustin, mais ton Azalaïs c'est une fichue bourrique ! Si tu lui avais caressé les côtes un peu plus souvent, elle serait pas si venimeuse.

— Et qu'est-ce qu'elle a osé dire, hein ? Est-ce que tu vas « oser »





me le répéter à moi ?

— Je vais me gêner-

Augustin approchait et, comme le maillet s'agitait dangereusement au bout de son bras nu, les femmes qui maintenaient Gauberte se replièrent en Don ordre avec un petit gémissement de crainte, persuadées qu'il allait s'abattre sur elles.

Catherine lâcha aussi la toilière, mais ce fut pour se jeter entre elle et le menuisier furibond.

— En voilà assez ! fit-elle sèchement. C'est à moi de parler maintenant et vous allez m'écouter l'un et l'autre ! Remettez ce maillet à votre ceinture, Augustin, et vous, Gauberte, calmez-vous !

Devant la jeune femme, le charpentier s'arrêta, hésita un instant, lui jeta un regard en dessous, puis, de mauvaise grâce, tira son bo

— J'ai le droit de savoir ce qu'on a fait à ma fille, grogna-t-il.

— D'accord ! concéda Gauberte dont la bo

— Elle a sûrement pas dit ça !

— Si, Augustin, elle l'a dit ! intervint Catherine. Elle pense que tout ce que vous et la ville allez avoir à souffrir, c'est moi qui en suis la cause... et moi seule ! Etes- vous aussi de cet avis ?

N... on, bien sûr. Perso

Ils sont durs et cruels. Seulement, si messire Arnaud ne revenait pas...

— Vous ne voyez aucune raison de défendre les siens, articula durement Catherine qui se sentit pâlir.

Elle regarda la figure butée du bonhomme. Visiblement, il lui en voulait de ce qui venait de se passer, mais un certain respect habituel le retenait de le lui dire en face. Une fois de plus, ce fut Gauberte, d'ailleurs incapable de rester longtemps hors du débat, qui trancha la question.

— Messire Arnaud reviendra ! affirma-t-elle. Et, même s'il ne revenait pas, il a un fils et nous avons l'abbé Bernard pour co-seigneur

! On n'a que faire des Apchier ! Et maintenant tu peux dire à ta fille qu'avant de livrer Dame Catherine, puisque c'est à ça que vous avez l'air de penser dans la famille, on l'enverra, elle, hors des murailles de la ville et on l'y enverra toute nue, histoire de voir ce qu'en feront les «

seigneurs » qui lui font tellement envie !

— Ne recommencez pas ! coupa Catherine. Augustin, je n'en veux pas à votre fille. Elle doit avoir peur et c'est son excuse. De votre côté, n'en veuillez pas à Gauberte. Elle n'a agi que par amitié pour moi !

Allons, faites la paix !...

De mauvaise grâce, Fabre marmotta qu'il n'en voulait plus à Gauberte et celle-ci de son côté mâcho

Catherine, flanquée de Gauberte qui rentrait chez elle comme les autres, se dirigea vers l'abbaye où elle devait rencontrer le seigneur spirituel de Montsalvy.

Malgré toutes les marques d'attachement qu'on venait de lui prodiguer, la comtesse se sentait maintenant l'âme lourde et noyée de tristesse, parce que dans ce bloc massif de dévouement et de fidélité qu'était sa ville elle venait de découvrir une mince fissure. Bien mince, sans doute, et peut-être sans danger, mais c'était trop encore à un moment où la cité n'aurait dû former qu'une âme, qu'une volonté.