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— Ils ont mis une chaîne, cria-t-il, et le treuil ne bouge pas ! Il faudrait briser le cadenas qui la retient !

À l'aide de son marteau il tapait dessus de toutes ses forces arrachant des étincelles, sans parvenir toutefois à faire céder le métal.

— Vous allez le fausser, dit Catherine qui l'avait rejoint avec Bérenger. Il faudrait des tenailles.

— Dépêche-toi ! cria Saint-Rémy qui s'escrimait toujours de sa hache, nous allons être massacrés.

Adossé à la herse avec le Duc et une poignée de survivants ils faisaient face à la mer humaine et hurlante tandis qu'au-dehors, les soldats de Bourgogne tiraient sur ceux qui occupaient le chemin de ronde et cherchaient à les empêcher d'approcher.

— Nous n'y arriverons jamais ! gémit Gauthier.

Mais soudain, quelqu'un fut à ses côtés : le bourgmestre qui tirait après lui un ouvrier armé d'énormes tenailles.

— Brise ce cadenas ! lui ordo

L'homme hésitait, visiblement terrifié.

— Si j'obéis, je serai massacré !

— Tu vas l'être tout de suite si tu n'obéis pas, gronda Saint-Rémy en lui posant sur la gorge une dague qu'il avait prise sur le corps d'un soldat.

Alors l'homme s'activa, aidé de Gauthier et de Bérenger, et réussit enfin à faire sauter le cadenas. Un instant plus tard, la herse remontait, saluée par le hurlement de triomphe des Picards restés hors de la ville.

Ceux-ci s'élancèrent, saisirent le Duc et la poignée de fidèles qui l'entouraient, puis voulurent s'élancer en avant pour charger la foule mais la voix éto

— En retraite ! Il faut nous replier : nous ne pouvons lutter contre cent mille fous !

Sans même regarder, comme s'il avait toujours su où elle se trouvait il saisit Catherine par le poignet, l'enleva de terre et elle se retrouva en croupe derrière lui. La troupe s'ouvrit devant lui tandis que, piquant des deux, il franchissait le pont-levis dont les planches réso

Mais, parvenu à quelques toises des larges fossés il arrêta son cheval, se retourna et do

— Tu m'obliges à fuir une fois encore, damnée ville, comme tu m'y as obligé devant Calais. Cette fois je ne te pardo

Quand je reviendrai...

et cela ne tardera guère, sache bien que tu n'auras à attendre de moi ni pitié ni merci1 !...

Et, fou de rage, il repartit au grand galop en direction de Roeselare, emportant Catherine qui sanglotait nerveusement, appuyée contre son dos et les bras noués autour de sa taille Derrière lui éclatèrent les cris de triomphe des Brugeois qui le huaient et juraient que bientôt le port de l'Ecluse leur appartiendrait de nouveau...

Au château de Roeselare où il était revenu, le duc Philippe ne décolérait pas. Durant toute l'interminable chevauchée, il n'avait pas desserré les dents mais, dès son arrivée, en pleine nuit, il s'était jeté à bas de son cheval fourbu et, traînant Catherine à peine moins exténuée à sa suite, il avait couru s'enfermer avec elle dans sa chambre en hurlant qu'il interdisait à quiconque de venir le déranger, quelle que puisse être l'importance de ce que l'on aurait à lui dire.

Arrivé là, il se mit à tourner en rond, comme un fauve en cage, les mains nouées derrière son dos, remâchant sa fureur et sa honte.



Catherine qui, transie, s'était approchée du grand feu flambant dans la cheminée, pouvait l'entendre grommeler entre ses dents des mots apparemment sans suite. Elle ne l'avait jamais vu dans un tel état et, un instant, elle craignit qu'il ne fût en train de devenir fou.

Mais comme, enfin, il revenait vers le feu et se laissait tomber sur un escabeau, enfouissant sa tête entre ses mains, elle risqua un timide :

1 Au mois de mars suivant, Bruges, complètement isolée par la défection de Gand qui s'était retournée contre elle, demandait le pardon de Philippe de Bourgogne qui le lui accorda du bout des lèvres. Le 11 mars 1438, son envoyé, Jean de Clèves, prenait en son nom possession de la ville et faisait exécuter les principaux meneurs de la révolte. Seule l'intervention de la duchesse Isabelle sauva in extremis Louis et Gertrude Van de Walle dont le fils avait été décapité la veille.

— Monseigneur ! Vous venez de subir une terrible journée...

Votre cœur et votre orgueil saignent mais vous ne devez pas vous abando

Il bondit comme si un essaim d'abeilles l'attaquait.

— Un grand prince qu'une poignée de boutiquiers et de ribauds peut chasser de son bien ? Un grand prince qui laisse ses gens au pouvoir des rebelles ? Sais-tu ce que me coûte cette journée ? Au moins deux cents priso

Et elle le sait, la garce !... Et elle me nargue, moi, moi que l'on appelle le grand-duc d'Occident !...

Brusquement il se tut, éclata en sanglots presque convulsifs et se mit à pleurer comme jamais Catherine n'avait vu pleurer un homme, même lui qui avait cependant la larme facile. Il y avait du crocodile en ce prince qui pouvait pleurer à la demande et qui avait d'ailleurs élevé les larmes à la hauteur d'une arme diplomatique. Mais ce soir elles n'avaient rien de calculé et se déversaient avec la violence d'un flot qui a rompu ses digues, ponctuées de hoquets furieux.

Épouvantée par la violence de cet accès, Catherine s'éloigna, gagna la profonde embrasure de l'une des fenêtres et s'efforça de regarder au-dehors. On n'y voyait rien sinon, sur l'ombre dense de la nuit, les minces stries d'une pluie incessante. La jeune femme pensait qu'il valait mieux laisser Philippe pleurer tout son saoul car les larmes bien souvent emportent l'amertume de l'âme. Si elle avait pu elle serait sortie, non pour s'éloigner mais pour ménager l'orgueil de ce prince vaincu si profondément car peut-être par la suite lui en voudrait-il d'avoir été témoin de son désespoir.

Peu à peu, d'ailleurs, les sanglots se calmèrent, s'espacèrent... Le silence à peine troublé par le crépitement du feu revint. Puis, soudain, ce fut la voix enrouée de Philippe :

— Où es-tu ? Viens près de moi...

Elle quitta presque à regret son refuge.

— Je suis là, monseigneur...

— J'ai cru que tu m'avais abando

Lui-même s'était levé, courait vers elle, l'enveloppait de ses bras et enfouissait contre son cou son visage mouillé.

— Il faut que j'oublie, il faut que tu m'aides, Catherine...

Il dévorait son cou, ses joues, son visage de baisers fous sans paraître seulement s'apercevoir qu'elle ne les lui rendait pas et qu'entre ses bras elle demeurait froide, insensible.

— Que puis-je faire ?...

La question posée d'une voix douce mais trop calme jeta de l'eau glacée sur sa passion. Il la lâcha et la regarda avec stupeur :

— Ce que tu peux faire ? M'aider à oublier et tu sais très bien comment. Do

Enlève cette horrible défroque, dénoue tes cheveux. J'ai besoin de la lumière de ta chair, de sa douceur, de sa chaleur...

De ses doigts fébriles il dénouait les cordons du froc noir, la corde qui le serrait à la taille, s'agaçait en découvrant dessous une autre robe noire.