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La date de l'évasion avait été fixée au 18 grand maximum car l'atmosphère de la ville ne plaisait pas à Saint-Rémy qui n'excluait pas la possibilité d'être obligé d'aller plus vite. Auquel cas il faudrait s'arranger comme on le pourrait de l'état de Catherine.

Quoi qu'il en soit, dès le 12, Bérenger brûlant d'impatience s'installait dans l'embrasure de l'une des fenêtres de la grande salle, en compagnie d'un livre destiné à lui servir d'alibi. Mais son regard ne quittait guère la rive d'en face, cherchant à découvrir le premier la barque et le pêcheur distrait.

En dépit de ses soucis, la soudaine assiduité du page pour l'étude amusait Gauthier.

— Qu'est-ce que tu lis donc avec tant d'attention ? lui demanda-t-il un soir.

La Chanson de Roland ! C'est une bien belle histoire... répondit distraitement Bérenger l'œil sur le canal.

Gauthier se pencha puis se mit à rire.

— Je co

Le page regarda son livre, rougit, haussa les épaules, le retourna...

et recommença à regarder au-dehors.

— Il est déjà tard, soupira Gauthier. Ce ne sera pas pour ce soir.

En effet, trois jours passèrent ainsi, sans amener aucun signe nouveau.

La nervosité montait lentement entre les trois priso

Ils en eurent la confirmation quand, au soir du 15, Gertrude Van de Walle accourut, rouge, essoufflée et la coiffe de travers.

— C'est vous que je suis venue voir, dit-elle à Gauthier. Nous venons d'apprendre de terribles nouvelles de Gand. Une grave sédition y a éclaté. Le peuple accuse les échevins de l'avoir trahi, d'avoir do

— Ont-ils donc eu d'autres nouvelles de Lille ? demanda Catherine qui avait entendu.

— Oui et non ! Le Duc refuse toujours les privilèges mais il a fait savoir que prochainement il marcherait sur la Hollande, que son armée est prête et ceux de Gand tremblent à présent.

Malheureusement, quand ils tremblent le sang coule. Deux échevins ont été massacrés aujourd'hui, Gilbert Patteet, qui était un ami de mon époux, et Jacques Dezaghere...

— C'est cela que vous vouliez me dire ? demanda Gauthier avec un sourire. Cela ne nous concerne en rien. Nous n'avons pas l'ho

— Mais, malheureux, cela vous concerne plus que vous n'imaginez ! Il n'y a que onze lieues entre Gand et ici. Je gagerais que demain, ou après, l'émeute va également enflammer Bruges et si Bruges prend feu, votre maîtresse sera en grave danger. Il faudra la protéger. Avez-vous des armes ?

Gauthier ouvrit les mains.



— Je n'ai que la force de mon bras, l'ardeur de mon courage et la chaleur de ma parole, chère dame ! Quand votre époux nous a conduits ici, il a pris grand soin de nous ôter épées et dagues.

— Les voici.

Sans la moindre gêne, Gertrude retroussa sa longue et ample robe, découvrant des jambes dodues, en tira l'épée de Gauthier qu'elle avait fixée à même sa chemise puis fouillant dans une grande poche de toile cousue à ladite chemise en tira trois dagues : celles que l'on avait prises aux jeunes gens et celle de Catherine, la dague à l'épervier.

— Tenez ! Cachez-les et servez-vous-en le cas échéant... C'est tout ce que je peux faire pour vous.

— Ce n'est pas si mal ! dit Catherine en prenant les deux mains de la brave femme et en les serrant chaleureusement. Comment avez-vous fait pour les reprendre ?

— Je n'ai eu aucune peine. Mon époux lui-même me les a do

Seul mon fils aîné, Josse, restera ici avec son père.

— Où allez-vous donc ?

— Mon frère, Vincent de Schotelaere, le capitaine de la ville, possède un domaine du côté de Nieuport. Ce domaine a beaucoup souffert des ravages des Anglais mais nous y serons à l'abri. Ma bellesœur et ses enfants nous accompagnent. Vous n'imaginez pas à quel point je suis désolée de vous laisser dans ce péril. J'aurais... j'aurais tant voulu vous emmener avec nous !...

Visiblement sincère, elle avait des larmes plein les yeux et Catherine, spontanément, l'embrassa.

Partez en paix et ne vous tourmentez plus pour moi, dit-elle. J'espère sincèrement ne pas mourir ici. Mais je vous remercie du risque que vous avez pris pour nous porter ces armes. Qui est de garde, en bas, aujourd'hui ?

— Les huchiers avec maître Mettelgenden que je co

!... — Dieu vous garde aussi !...

Quand elle ne fut plus là, Catherine sentit un long frisson courir le long de son dos. La maison, pour une fois entièrement silencieuse, lui paraissait tout à coup menaçante dans la nuit qui venait. Elle alla tendre ses mains aux flammes du foyer et Gauthier vit que ces mains tremblaient. Mais, parce qu'il regardait ses doigts, Catherine s'obligea au sourire.

— Il fait froid, ce soir, ne trouvez-vous pas ?

— Si. Moi aussi, j'ai froid. Mais soyez tranquille, dame Catherine, nous saurons vous défendre. Désormais, nous dormirons ici Bérenger et moi, et, jusqu'à notre départ, nous veillerons à tour de rôle. Il ne faut plus nous séparer, ni nous éloigner des armes, ajouta- t-il en montrant le coffre dans lequel il les avait cachées sous une pile de nappes et de draps de réserve... Je dormirai là-dessus avec des coussins... quand je dormirai !

Catherine lui fit signe de se taire. La servante qui veillait aux repas venait d'entrer avec une nappe et des écuelles pour disposer le couvert du souper. C'était une fille d'une trentaine d'a

Pour meubler le silence gênant qui s'installait, elle interpella Bérenger :

— Apportez-moi votre livre, Bérenger, et lisons ensemble quelques lignes tandis que Marieke mettra le couvert. Je veux voir si vous avez bien compris ce que je vous ai dit hier...

Et la voix du jeune garçon emplit la chambre.

La nuit se passa sans incidents autres qu'un incendie, du côté de l'église Notre-Dame qui, vers le matin, agita le quartier mais le jour qui suivit fut curieusement calme. Aucun autre bruit que le carillon du beffroi et le tintement des cloches des églises. Bérenger, pour sa part, guetta en vain la barque.

— Ce sera donc pour demain, soupira-t-il, mais il n'ajouta pas le fond de sa pensée : « Il faut que ce soit pour demain... » Sans trop savoir pourquoi son esprit lui soufflait cela. Peut-être parce que, justement, cette ville trop tranquille l'inquiétait. Cela ressemblait à ces grands calmes qui précèdent les tempêtes...