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Il s’assit sur un pouf et ses yeux bleus, fables et larmoyants, nous interrogèrent.

«En ce qui me concerne, ce que vous direz n’ira pas plus loin», fit Holmes.

J’acquiesçai d’un signe de tête.

«Voilà qui est bien! dit l’homme. Très bien! Puis-je vous offrir un verre de chianti, mademoiselle Morstan? Ou de tokay? Je n’ai pas d’autre vin. Ouvrirai-je une bouteille? Non? J’espère alors que la fumée ne vous incommode pas? Le tabac d’Orient dégage une odeur balsamique. Je suis un peu nerveux, voyez-vous, et le narghileh est pour moi un calmant souverain.»

Il approcha une bougie et bientôt la fumée passa en bulles joyeuses à travers l’eau de rose. Assis en demi-cercle, tête en avant, le menton reposant sur les mains, nous regardions tous trois le petit homme à l’immense crâne luisant, qui nous faisait face en tirant sur sa pipe d’un air mal assuré.

«Après avoir décidé d’entrer en relation directe avec vous, dit-il, j’ai hésité à vous do

– Vous m’excuserez, monsieur Sholto, dit Mlle Morstan, mais je suis ici, sur votre demande, pour entendre quelque chose que vous désirez me dire. Il est déjà très tard, et j’aimerais que l’entrevue soit aussi courte que possible.

– Même si tout va bien, ce sera long! répondit-il. Il nous faudra certainement aller à Norwood pour voir mon frère Bartholomew. Nous essaierons tous de lui faire entendre raison. Il est très en colère contre moi parce que j’ai fait ce qui me semblait juste. Nous nous sommes presque querellés la nuit dernière. Vous ne pouvez imaginer comme il est terrible lorsqu’il est en colère.

– S’il nous faut aller à Norwood, nous ferions peut-être aussi bien de partir tout de suite?» hasardai-je.

Il rit au point d’en faire rougir ses oreilles.



«Ce n’est pas possible! s’écria-t-il. Je ne sais comment il réagirait si je vous amenais d’une façon aussi impromptue. Non, je dois d’abord expliquer nos positions respectives. Et tout d’abord, il y a plusieurs points que j’ignore moi-même dans cette histoire. Je puis seulement vous exposer les faits tels qu’ils me sont co

«Le major John Sholto, qui appartenait à l’armée des Indes, était mon père, comme vous l’avez peut-être deviné. Il prit sa retraite il y a environ onze ans et vint s’installer à Pondichery Lodge, situé dans Upper Norwood. Il avait fait fortune aux Indes; il en ramena une somme d’argent considérable, une grande collection d’objets rares et précieux, et enfin quelques serviteurs indigènes. Il s’acheta alors une maison et vécut d’une manière luxueuse. Mon frère jumeau Bartholomew et moi étions ses seuls enfants.

«Je me souviens fort bien de la stupéfaction que causa la disparition du capitaine Morstan. Nous lûmes les détails dans les journaux et, sachant qu’il avait été un ami de notre père, nous discutâmes librement le cas en sa présence. D’ailleurs, il prenait part aux spéculations que nous fîmes pour expliquer le mystère. Jamais, l’un ou l’autre, nous n’avons soupço

«Ce que nous savions, c’est qu’un mystère, un danger positif, pesait sur notre père. Il avait grand-peur de sortir seul, et il avait engagé comme portiers deux anciens professio

«Au début de 1882, mon père reçut une lettre en provenance des Indes. Il faillit s’évanouir devant son petit déjeuner en la lisant, et de ce jour il dépérit. Nous n’avons jamais découvert le contenu de cette lettre, mais je pus voir, au moment où il en prenait co

«Quand nous entrâmes dans sa chambre, il était assis, soutenu par de nombreux oreillers, et il respirait péniblement. Il nous demanda de fermer la porte à clef et de venir chacun d’un côté du lit. Étreignant nos mains, il nous fit un étrange récit. L’émotion autant que la douleur l’interrompaient. Je vais essayer de vous le dire en ses propres termes:

«En ce dernier instant, dit-il, une seule chose me tourmente l’esprit: la manière dont j’ai traité l’orpheline de ce malheureux Morstan. La maudite avarice qui fut mon péché capital a privé cette enfant d’un trésor dont la moitié au moins lui revenait. Et pourtant, je ne l’ai pas utilisé moi-même, tant l’avarice est aveugle et stupide. Le simple fait de posséder m’était si cher que je répugnais à partager, si peu que ce fût. Voyez-vous ce chapelet de perles à côté de ma bouteille de quinine? Je n’ai pu me résoudre à m’en séparer! Et pourtant, je l’ai sorti avec le ferme dessein de le lui envoyer. Vous, mes enfants, vous lui do

«Je vais vous dire comment Morstan est mort, poursuivit-il. Depuis longtemps il souffrait du cœur, mais il ne l’avait dit à perso