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– Comment, au nom du Ciel, y êtes-vous parvenu?

– Consultez les registres, monsieur. Cela vaut la peine de les lire. Frankland contre Morland; j’ai dépensé deux cents livres, mais je l’ai eu.

– En avez-vous tiré un avantage?

– Aucun, monsieur, aucun! Je suis fier de dire que je n’avais pas le moindre intérêt dans l’affaire. J’agis entièrement sous l’inspiration du droit public. Je suis sûr, par exemple, que les voyous de Femworthy me brûleront en effigie ce soir. La dernière fois qu’ils le firent, je déclarai à la police qu’on devrait interdire ces exhibitions déplacées. La police du comté, monsieur, est déplorable: elle ne m’a pas accordé la protection à laquelle j’ai droit. L’affaire Frankland contre la reine attirera l’attention du public. J’ai dit à la police qu’elle regretterait son manque d’égards, et déjà je tiens parole.

– Comment cela?»

Le vieil homme prit un air fin.

«Parce que je pourrais dire aux policiers ce qu’ils meurent d’envie de savoir; mais pour rien au monde je n’aiderais cette racaille.»

J’étais en train de chercher une excuse pour prendre congé, mais j’eus soudain envie d’entendre la suite de ce bavardage. Je co

– Une affaire de braco

– Ah! ah! mon garçon, une affaire beaucoup plus importante! Tenez, le forçat sur la lande…»

Je sursautai.

«Vous ne prétendez pas co

– Je ne co

Il paraissait se rapprocher très désagréablement de la vérité.

«Sans doute, répondis-je. Mais comment savez-vous qu’il est quelque part sur la lande?

– Je le sais parce que j’ai vu de mes propres yeux le messager qui lui apporte de la nourriture.»

J’eus pitié de Barrymore. C’était grave de tomber au pouvoir de ce vieux touche-à-tout! Mais la phrase suivante me soulagea.

«Vous serez bien éto

La chance me souriait! Mais je me gardai bien de manifester le moindre intérêt. Un enfant! Barrymore m’avait dit que notre inco

«Cet enfant doit plutôt être le fils d’un fermier des environs qui apporte à son père le repas de midi; vous ne croyez pas?» La moindre contradiction faisait exploser le vieil autocrate. Il me jeta un regard venimeux et ses favoris se hérissèrent comme le poil d’un chat en colère.

«Vraiment, monsieur? me dit-il en me montrant la lande. Voyez-vous le pic noir là-bas? Bon. Voyez-vous la petite colline coiffée d’un roncier derrière le pic? C’est l’endroit le plus pierreux de la lande. Est-ce là qu’un berger ferait paître son troupeau? Votre supposition, monsieur, est idiote!»

Je me bornai à répondre que j’avais parlé sans co

«Vous pouvez être sûr, monsieur, que mon opinion repose sur des bases solides. J’ai vu et revu l’enfant avec son paquet. Chaque jour, parfois à deux reprises dans la journée, j’ai été capable… Mais attendez donc, docteur Watson! Mes yeux me trompent-ils, ou bien quelque chose ne se déplace-t-il point sur le flanc de la colline?»

La distance était de plusieurs kilomètres, mais distinctement je pus voir un petit point noir contre le gris et le vert.

«Venez, monsieur! cria Frankland en se précipitant dans l’escalier. Vous venez de vos propres yeux et vous jugerez par vous-même!»

Le télescope, formidable instrument monté sur un trépied, dressait sa lunette sur le toit plat de la maison. Frankland colla son œil contre le viseur et poussa un petit cri de plaisir.

«Vite, docteur Watson, vite! Avant qu’il soit de l’autre côté de la colline…»

C’était lui, sans aucun doute: un jeune garçon, avec un petit ballot sur l’épaule, gravissait lentement la colline. Quand il eut atteint la crête, sa silhouette se détacha sur le froid ciel bleu. Il regarda autour de lui, comme quelqu’un qui aurait eu peur d’être suivi. Puis il disparut de l’autre côté de la colline.

«Alors, ai-je raison?

– Il est certain que voilà un jeune garçon qui parait effectuer une mission secrète.

– Et la nature de cette mission, même un policier du comté pourrait la deviner. Mais la police ne saura rien par moi, et je vous commande le secret à vous aussi, docteur Watson. Pas un mot à quiconque! Me comprenez-vous?

– Comme vous voudrez.

– La police m’a traité d’une façon honteuse! Honteuse… Quand les faits sortiront dans l’affaire Frankland contre la reine, je vous prie de croire que le pays sera secoué par une violente indignation. Pour rien au monde je n’aiderais la police. Car elle ne souhaiterait qu’une chose, c’est que ce soit moi, et non mon effigie, qui soit brûlé en place publique par ces voyous. Comment! Vous partez? Allons, vous allez m’aider à vider la bouteille pour fêter ce grand événement!»

Mais je résistai à son invitation et le dissuadai de me raccompagner. Je pris la route et m’y maintins tant qu’il pouvait me suivre du regard; puis je coupai par la lande et me hâtai vers la colline pierreuse où l’enfant avait disparu. Tout m’était à présent favorable, je me sentais le vent en poupe, et je jurai que ce ne serait ni par manque de persévérance ni d’énergie que je gâcherais la chance qui m’offrait la fortune.

Quand j’atteignis le sommet de la colline, le soleil était déjà bas; les longues pentes, au-dessous de moi, se montraient d’un côté d’un vert doré et toutes grises de l’autre. Une brume longeait l’horizon d’où surgissaient les contours fantastiques de Belliver et de Vixen Tor. Toute la vaste étendue était muette et immobile. Un grand oiseau, une mouette ou un courlis, planait très haut dans le ciel bleu. Lui et moi semblions être les deux uniques êtres vivants entre la voûte céleste et le désert de la terre. Le décor dénudé, le sentiment de solitude, le mystère de l’urgence de ma mission, tout cela se conjugua pour me faire frisso