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Chapitre V

Chaque jour j’appre

— C’est bien vrai, n’est-ce pas, que les moutons mangent les arbustes?

— Oui. C’est vrai.

— Ah! Je suis content.

Je ne compris pas pourquoi il était si important que les moutons mangeassent les arbustes. Mais le petit prince ajouta:

— Par conséquent ils mangent aussi les baobabs?

Je fis remarquer au petit prince que les baobabs ne sont pas des arbustes, mais des arbres grand comme des églises et que, si même il emportait avec lui tout un troupeau d’éléphants, ce troupeau ne viendrait pas à bout d’un seul baobab.

L’idée du troupeau d’éléphants fit rire le petit prince:

— Il faudrait les mettre les uns sur les autres…

Mais il remarqua avec sagesse:

— Les baobabs, avant de grandir, ça commence par être petit.

— C’est exact! Mais pourquoi veux-tu que tes moutons mangent les petits baobabs?

Il me répondit: «Ben! Voyons!» comme il s’agissait là d’une évidence. Et il me fallut un grand effort d’intelligence pour comprendre à moi seul ce problème.

Et en effet, sur la planète du petit prince, il y avait comme sur toutes les planètes, de bo

«C’est une question de discipline, me disait plus tard le petit prince. Quand on a terminé sa toilette du matin, il faut faire soigneusement la toilette de la planète. Il faut s’astreindre réguliérement à arracher les baobabs dès qu’on les distingue d’avec les rosiers auxquels ils se rassemblent beaucoup quand ils sont très jeunes. C’est un travail très e

Et un jour il me conseilla de m’appliquer à réussir un beau dessin, pour bien faire entrer ça dans la tête des enfants de chez moi. «S’ils voyagent un jour, me disait-il, ça pourra leur servir. Il est quelquefois sans inconvénient de remettre à plus tard son travail. Mais, s’il s’agit des baobabs, c’est toujours une catastrophe. J’ai co

Chapitre VI

Ah! petit prince, j’ai compris, peu à peu, ainsi, ta petite vie mélancolique. Tu n’avais eu longtemps pour ta distraction que la douceur des couchers du soleil. J’ai appris ce détail nouveau, le quatrième jour au matin, quand tu m’as dit:

— J’aime bien les couchers de soleil. Allons voir un coucher de soleil…

— Mais il faut attendre…

— Attendre quoi?

— Attendre que le soleil se couche.

Tu as eu l’air très surpris d’abord, et puis tu as ri de toi-même. Et tu m’as dit:

— Je me crois toujours chez moi!



En effet. Quand il est midi aux Etats-Unis, le soleil, tout le monde sait, se couche sur la France. Il suffirait de pouvoir aller en France en une minute pour assister au coucher de soleil. Malheureusement la France est bien trop éloignée. Mais, sur ta si petite planète, il te suffirait de tirer ta chaise de quelques pas. Et tu regardais le crépuscule chaque fois que tu le désirais…

— Un jour, j’ai vu le soleil se coucher quarrante-trois fois!

Et un peu plus tard tu ajoutais:

— Tu sais… quand on est tellement triste on aime les couchers de soleil…

— Le jour des quarante-trois fois tu étais donc tellement triste? Mais le petit prince ne répontit pas.

Chapitre VII

Le cinquième jour, toujours grâce au mouton, ce secrèt de la vie du petit prince me fut révélé. Il me demanda avec brusquerie, sans préambule, comme le fruit d’un problème longtemps médité en silence:

— Un mouton, s’il mange les arbustes, il mange aussi les fleurs?

— Un mouton mange tout ce qu’il rencontre.

— Même les fleurs qui ont des épines?

— Oui. Même les fleurs qui ont des épines.

— Alors les épines, à quoi servent-elles?

Je ne le savais pas. J’étais alors très occupé à essayer de dévisser un boulon trop serré de mon moteur. J’étais très soucieux car ma pa

— Les épines, à quoi servent-elles?

Le petit prince ne renonçait jamais à une question, une fois qu’il l’avait posée. J’étais irrité par mon boulon et je répondis n’importe quoi:

— Les épines, ça ne sert à rien, c’est de la pure méchanceté de la part des fleurs!

— Oh!

Mais après un silence il me lança, avec une sorte de rancune:

— Je ne te crois pas! les fleures sont faibles. Elles sont naives. Elles se rassurent comme elles peuvent. Elles se croient terribles avec leurs épines…

Je ne répondis rien. A cet instant-là je me disais: «Si ce boulon résiste encore, je le ferai sauter d’un coup de marteau.» Le petit prince dérangea de nouveau mes reflexions:

— Et tu crois, toi, que les fleurs…

— Mais non! Mais non! Je ne crois rien! J’ai répondu n’importe quoi. Je m’occupe, moi, des choses sérieuses!

Il me regarda stupéfiait.

— De choses sérieuses!

Il me voyait, mon marteau à la main, et les doigts noirs de cambouis, penché sur un objet qui lui semblait très laid.

— Tu parles comme les grandes perso

Ca me fit un peu honte. Mais, impitoyable, il ajouta:

— Tu confonds tout… tu mélanges tout!

Il était vraiment très irrité. Il secouait au vent des cheveux tout dorés:

— Je co