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«Non, tu as raison, Thérèse, nous ne pouvons pas… Ta tante le décrochera demain.»
Il reprit sa marche de long en large, baissant la tête, sentant que le portrait le regardait, le suivait des yeux. Il ne pouvait s’empêcher, par instants, de jeter un coup d’œil du côté de la toile; alors, au fond de l’ombre, il apercevait toujours les regards ternes et morts du noyé. La pensée que Camille était là, dans un coin, le guettant, assistant à sa nuit de noces, les examinant, Thérèse et lui, acheva de rendre Laurent fou de terreur et de désespoir.
Un fait, dont tout autre aurait souri, lui fit perdre entièrement la tête. Comme il se trouvait devant la cheminée, il entendit une sorte de grattement. Il pâlit, il s’imagina que ce grattement venait du portrait, que Camille descendait de son cadre. Puis il comprit que le bruit avait lieu à la petite porte do
«Il y a quelqu’un dans l’escalier, murmura-t-il. Qui peut venir par-là?»
La jeune femme ne répondit pas. Tous deux songeaient au noyé, une sueur glacée mouillait leurs tempes. Ils se réfugièrent au fond de la chambre, s’attendant à voir la porte s’ouvrir brusquement en laissant tomber sur le carreau le cadavre de Camille. Le bruit continuant plus sec, plus irrégulier, ils pensèrent que leur victime écorchait le bois avec ses ongles pour entrer. Pendant près de cinq minutes, ils n’osèrent bouger. Enfin un miaulement se fit entendre. Laurent, en s’approchant, reco
«Ne lui fais pas de mal», s’écria Thérèse.
Ce cri lui causa une étrange impression. Une idée absurde lui emplit la tête.
«Camille est entré dans ce chat, pensa-t-il. Il faudra que je tue cette bête… Elle a l’air d’une perso
Il ne do
Thérèse s’était assise de nouveau devant le foyer éteint. Laurent reprit sa marche du lit à la fenêtre. C’est ainsi qu’ils attendirent le jour. Ils ne songèrent pas à se coucher; leur chair et leur cœur étaient bien morts. Un seul désir les tenait, le désir de sortir de cette chambre où ils étouffaient. Ils éprouvaient un véritable malaise à être enfermés ensemble, à respirer le même air; ils auraient voulu qu’il y eût là quelqu’un pour rompre leur tête-à-tête, pour les tirer de l’embarras cruel où ils étaient, en restant l’un devant l’autre sans parler, sans pouvoir ressusciter leur passion. Leurs longs silences les torturaient; ces silences étaient lourds de plaintes amères et désespérées, de reproches muets, qu’ils entendaient distinctement dans l’air tranquille.
Le jour vint enfin, sale et blanchâtre, amenant avec lui un froid pénétrant.
Lorsqu’une clarté pâle eut empli la chambre, Laurent qui grelottait se sentit plus calme. Il regarda en face le portrait de Camille, et le vit tel qu’il était, banal et puéril; il le décrocha en haussant les épaules, en se traitant de bête. Thérèse s’était levée et défaisait le lit pour tromper sa tante, pour faire croire à une nuit heureuse.
«Ah ça, lui dit brutalement Laurent, j’espère que nous dormirons ce soir?… Ces enfantillages-là ne peuvent durer.»
Thérèse lui jeta un coup d’œil grave et profond.
«Tu comprends, continua-t-il, je ne me suis pas marié pour passer des nuits blanches… Nous sommes des enfants… C’est toi qui m’as troublé, avec tes airs de l’autre monde. Ce soir, tu tâcheras d’être gaie et de ne pas m’effrayer.»
Il se força à rire, sans savoir pourquoi il riait.
«Je tâcherai», reprit sourdement la jeune femme.
Telle fut la nuit de noces de Thérèse et de Laurent.
Chapitre 22
Les nuits suivantes furent encore plus cruelles. Les meurtriers avaient voulu être deux, la nuit, pour se défendre contre le noyé, et, par un étrange effet, depuis qu’ils se trouvaient ensemble, ils frisso
La nature sèche et nerveuse de Thérèse avait agi d’une façon bizarre sur la nature épaisse et sanguine de Laurent. Jadis, aux jours de passion, leur différence de tempérament avait fait de cet homme et de cette femme un couple puissamment lié, en établissant entre eux une sorte d’équilibre, en complétant pour ainsi dire leur organisme. L’amant do
Avant de co