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– Et tu as payé le morceau vingt-cinq francs? reprit-elle en examinant chaque maille de la dentelle. Hein? tu dis à Luc, chez une ouvrière du pays?… Non, non, ce n'est pas cher… Mais il a fallu que tu le fisses monter.

– Sans doute, répondit Mme Desforges. La monture ne coûte deux cents francs.

Alors, Mme Bourdelais se mit à rire. Si c'était là ce qu'Henriette appelait une occasion! Deux cents francs, une simple monture d'ivoire, avec un chiffre! et pour un bout de chantilly, qui lui avait bien fait économiser cent sous! On trouvait à cent vingt francs les mêmes éventails tout montés. Elle cita une maison, rue Poisso

Cependant, l'éventail faisait le tour de ces dames. Mme Guibal lui accorda à peine un coup d'œil. Elle était grande et mince, de cheveux roux, avec un visage noyé d'indifférence, où ses yeux gris mettaient par moments, sous son air détaché, les terribles faims de l'égoïsme. Jamais on ne la voyait en compagnie de son mari, un avocat co

– Oh! murmura-t-elle en passant l'éventail à Mme de Boves, je n'en ai pas acheté deux dans ma vie… On vous en do

La comtesse répondit d'une voix finement ironique:

– Vous êtes heureuse, ma chère, d'avoir un mari galant.

Et, se penchant vers sa fille, une grande perso

– Regarde donc le chiffre, Blanche. Quel joli travail!… C'est le chiffre qui a dû augmenter ainsi la monture.

Mme de Boves venait de dépasser la quarantaine. C'était une femme superbe, à encolure de déesse, avec une grande face régulière et de larges yeux dormants, que son mari, inspecteur général des haras, avait épousée pour sa beauté. Elle paraissait toute remuée par la délicatesse du chiffre, comme envahie d'un désir dont l'émotion pâlissait son regard. Et, brusquement:

– Do

Mouret était resté debout, au milieu des cinq femmes, souriant, s'intéressant à ce qui les intéressait. Il prit l'éventail, l'examina; et il allait se prononcer, lorsque le domestique ouvrit la porte, en disant:

– Madame Marty.

Une femme maigre entra, laide, ravagée de petite vérole, mise avec une élégance compliquée. Elle était sans âge, ses trente-cinq ans en valaient quarante ou trente, selon la fièvre nerveuse qui l'animait. Un sac de cuir rouge, qu'elle n'avait pas lâché, pendait à sa main droite.

– Chère madame, dit-elle à Henriette, vous m'excusez, avec mon sac… Imaginez-vous, en venant vous voir, je suis entrée au Bonheur, et comme j'ai encore fait des folies, je n'ai pas voulu laisser ceci en bas, dans mon fiacre, de peur d'être volée.

Mais elle venait d'apercevoir Mouret, elle reprit en riant:

– Ah! monsieur, ce n'était point pour vous faire de la réclame, puisque j'ignorais que vous fussiez là… Vous avez vraiment en ce moment des dentelles extraordinaires.



Cela détourna l'attention de l'éventail, que le jeune homme posa sur un guéridon. Maintenant, ces dames étaient prises du besoin curieux de voir ce que Mme Marty avait acheté. On la co

– Vous savez, expliqua-t-elle, on fait cet hiver aux jeunes filles des robes garnies d'une petite dentelle… Naturellement, quand j'ai vu une valencie

Elle se décida enfin à ouvrir le sac. Ces dames allongeaient le cou, lorsque, dans le silence, on entendit le timbre de l'antichambre.

– C'est mon mari, balbutia Mme Marty pleine de trouble. Il doit venir me chercher, en sortant de Bonaparte.

Vivement, elle avait refermé le sac, et elle le fit disparaître sous un fauteuil, d'un mouvement instinctif. Toutes ces dames se mirent à rire. Alors, elle rougit de sa précipitation, elle le reprit sur ses genoux, en disant que les hommes ne comprenaient jamais et qu'ils n'avaient pas besoin de savoir.

– M. de Boves, M. de Vallagnosc, a

Ce fut un éto

– Comment! c'est toi, Paul!

– Tiens! Octave!

Mouret et Vallagnosc se serraient les mains. À son tour, Mme Desforges témoignait sa surprise. Ils se co

Cependant, les mains toujours liées, ils passèrent en plaisantant dans le petit salon, au moment où le domestique apportait le thé, un service de Chine sur un plateau d'argent, qu'il posa près de Mme Desforges, au milieu du guéridon de marbre, à légère galerie de cuivre. Ces dames se rapprochaient, causaient plus haut, toutes aux paroles sans fin qui se croisaient; pendant que M. de Boves, debout derrière elles, se penchait par instants, disait un mot avec sa galanterie de beau fonctio

– Ah! ce vieux Paul! répétait Mouret.

Il s'était assis près de Vallagnosc, sur un canapé. Seuls au fond du petit salon, un boudoir très coquet tendu de soie bouton d'or, loin des oreilles et ne voyant plus eux-mêmes ces dames que par la porte grande ouverte, ils ricanèrent, les yeux dans les yeux, en s'allongeant des tapes sur les genoux. Toute leur jeunesse s'éveillait, le vieux collège de Plassans, avec ses deux cours, ses études humides, et le réfectoire où l'on mangeait tant de morue, et le dortoir où les oreillers volaient de lit en lit, dès que le pion ronflait. Paul, d'une ancie