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– C'est bien, mademoiselle, dit-elle majestueusement, pour réserver son autorité. On vous écrira.

L'embarras tint encore Denise immobile, pendant un instant. Elle ne savait de quel pied sortir, au milieu de tout ce monde. Enfin, elle remercia Mme Aurélie; et, lorsqu'elle dut passer devant Mouret et Bourdoncle, elle salua. Ceux-ci, d'ailleurs, qui ne s'occupaient déjà plus d'elle, ne lui rendirent pas même son salut, très attentifs à examiner avec Mme Frédéric le modèle du manteau à taille. Clara eut un geste vexé, en regardant Marguerite, comme pour prédire que la nouvelle vendeuse n'aurait pas beaucoup d'agrément au rayon. Sans doute Denise sentit derrière elle cette indifférence et cette rancune, car elle descendit l'escalier avec le même trouble qu'elle l'avait monté, en proie à une singulière angoisse, se demandant si elle devait se désespérer ou se réjouir d'être venue. Pouvait-elle compter sur la place? elle recommençait à en douter, dans le malaise qui l'avait empêchée de comprendre nettement. De toutes ses sensations, deux persistaient et effaçaient peu à peu les autres: le coup porté en elle par Mouret, profond jusqu'à la peur; puis, l'amabilité de Hutin, la seule joie de sa matinée, un souvenir d'une douceur charmante, qui l'emplissait de gratitude. Quand elle traversa le magasin pour sortir, elle chercha le jeune homme, heureuse à l'idée de le remercier encore des yeux, et elle fut triste de ne pas le voir.

– Eh bien! mademoiselle, avez-vous réussi? lui demanda une voix émue, comme elle était enfin sur le trottoir.

Elle se retourna, elle reco

– Mon Dieu! je n'en sais rien, monsieur, répondit-elle.

– C'est comme moi, alors. Ils ont une manière de vous regarder et de vous parler, là-dedans!… Je suis pour les dentelles, je sors de chez Crève-cœur, rue du Mail.

Ils étaient de nouveau l'un devant l'autre; et, ne sachant de quelle façon se quitter, ils se mirent à rougir. Puis, le jeune homme, pour dire encore quelque chose dans l'excès de sa timidité, osa demander, de son air gauche et bon:

– Comment vous nommez-vous, mademoiselle?

– Denise Baudu.

– Moi, je me nomme Henri Deloche.

Maintenant, ils souriaient. Ils cédèrent à la fraternité de leurs situations, ils se tendirent la main.

– Bo

– Oui, bo

III

Chaque samedi, de quatre à six, Mme Desforges offrait une tasse de thé et des gâteaux aux perso

Justement, ce samedi-là, comme un domestique allait l'introduire dans le grand salon, Mouret aperçut de l'antichambre, par une porte restée ouverte, Mme Desforges qui traversait le petit salon. Elle s'était arrêtée en le voyant, et il entra par là, il la salua d'un air de cérémonie. Puis, quand le domestique eut refermé la porte, il saisit vivement la main de la jeune femme, qu'il baisa avec tendresse.

– Prends garde, il y a du monde! dit-elle tout bas, en désignant d'un signe la porte du grand salon. Je suis allée chercher cet éventail pour le leur montrer.

Et, du bout de l'éventail, elle lui do

– Viendra-t-il?

– Sans doute, répondit-elle. J'ai sa promesse.



Tous deux parlaient du baron Hartma

– Est-il au courant? reprit-il.

– Non, vous lui expliquerez vous-même l'affaire, répondit-elle, cessant de le tutoyer.

Elle le regardait, elle songeait qu'il ne devait rien savoir, pour l'employer ainsi auprès du baron, en affectant de le considérer simplement comme un vieil ami à elle. Mais il lui tenait toujours la main, il l'appelait sa bo

– Chut! on m'attend… Entre derrière moi.

Des voix légères venaient du grand salon, assourdies par les tentures. Elle poussa la porte, dont elle laissa les deux battants ouverts, et elle remit l'éventail à une des quatre dames qui étaient assises au milieu de la pièce.

– Tenez! le voilà, dit-elle. Je ne savais plus, jamais ma femme de chambre ne l'aurait trouvé.

Et, se tournant, elle ajouta de son air gai:

– Entrez donc, monsieur Mouret, passez par le petit salon. Ce sera moins sole

Mouret salua ces dames, qu'il co

– Mais il n'est pas vilain du tout, ce chantilly! s'écria Mme Bourdelais, qui tenait l'éventail.

C'était une petite blonde de trente ans, le nez fin, les yeux vifs, une amie de pension d'Henriette, qui avait épousé un sous-chef du ministère des Finances. De vieille famille bourgeoise, elle menait son ménage et ses trois enfants, avec une activité, une bo