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III
Chaque samedi, de quatre à six, Mme Desforges offrait une tasse de thé et des gâteaux aux perso
Justement, ce samedi-là, comme un domestique allait l'introduire dans le grand salon, Mouret aperçut de l'antichambre, par une porte restée ouverte, Mme Desforges qui traversait le petit salon. Elle s'était arrêtée en le voyant, et il entra par là, il la salua d'un air de cérémonie. Puis, quand le domestique eut refermé la porte, il saisit vivement la main de la jeune femme, qu'il baisa avec tendresse.
– Prends garde, il y a du monde! dit-elle tout bas, en désignant d'un signe la porte du grand salon. Je suis allée chercher cet éventail pour le leur montrer.
Et, du bout de l'éventail, elle lui do
– Viendra-t-il?
– Sans doute, répondit-elle. J'ai sa promesse.
Tous deux parlaient du baron Hartma
– Est-il au courant? reprit-il.
– Non, vous lui expliquerez vous-même l'affaire, répondit-elle, cessant de le tutoyer.
Elle le regardait, elle songeait qu'il ne devait rien savoir, pour l'employer ainsi auprès du baron, en affectant de le considérer simplement comme un vieil ami à elle. Mais il lui tenait toujours la main, il l'appelait sa bo
– Chut! on m'attend… Entre derrière moi.
Des voix légères venaient du grand salon, assourdies par les tentures. Elle poussa la porte, dont elle laissa les deux battants ouverts, et elle remit l'éventail à une des quatre dames qui étaient assises au milieu de la pièce.
– Tenez! le voilà, dit-elle. Je ne savais plus, jamais ma femme de chambre ne l'aurait trouvé.
Et, se tournant, elle ajouta de son air gai:
– Entrez donc, monsieur Mouret, passez par le petit salon. Ce sera moins sole
Mouret salua ces dames, qu'il co
– Mais il n'est pas vilain du tout, ce chantilly! s'écria Mme Bourdelais, qui tenait l'éventail.
C'était une petite blonde de trente ans, le nez fin, les yeux vifs, une amie de pension d'Henriette, qui avait épousé un sous-chef du ministère des Finances. De vieille famille bourgeoise, elle menait son ménage et ses trois enfants, avec une activité, une bo
– Et tu as payé le morceau vingt-cinq francs? reprit-elle en examinant chaque maille de la dentelle. Hein? tu dis à Luc, chez une ouvrière du pays?… Non, non, ce n'est pas cher… Mais il a fallu que tu le fisses monter.
– Sans doute, répondit Mme Desforges. La monture ne coûte deux cents francs.
Alors, Mme Bourdelais se mit à rire. Si c'était là ce qu'Henriette appelait une occasion! Deux cents francs, une simple monture d'ivoire, avec un chiffre! et pour un bout de chantilly, qui lui avait bien fait économiser cent sous! On trouvait à cent vingt francs les mêmes éventails tout montés. Elle cita une maison, rue Poisso
Cependant, l'éventail faisait le tour de ces dames. Mme Guibal lui accorda à peine un coup d'œil. Elle était grande et mince, de cheveux roux, avec un visage noyé d'indifférence, où ses yeux gris mettaient par moments, sous son air détaché, les terribles faims de l'égoïsme. Jamais on ne la voyait en compagnie de son mari, un avocat co
– Oh! murmura-t-elle en passant l'éventail à Mme de Boves, je n'en ai pas acheté deux dans ma vie… On vous en do
La comtesse répondit d'une voix finement ironique:
– Vous êtes heureuse, ma chère, d'avoir un mari galant.
Et, se penchant vers sa fille, une grande perso
– Regarde donc le chiffre, Blanche. Quel joli travail!… C'est le chiffre qui a dû augmenter ainsi la monture.
Mme de Boves venait de dépasser la quarantaine. C'était une femme superbe, à encolure de déesse, avec une grande face régulière et de larges yeux dormants, que son mari, inspecteur général des haras, avait épousée pour sa beauté. Elle paraissait toute remuée par la délicatesse du chiffre, comme envahie d'un désir dont l'émotion pâlissait son regard. Et, brusquement:
– Do
Mouret était resté debout, au milieu des cinq femmes, souriant, s'intéressant à ce qui les intéressait. Il prit l'éventail, l'examina; et il allait se prononcer, lorsque le domestique ouvrit la porte, en disant:
– Madame Marty.
Une femme maigre entra, laide, ravagée de petite vérole, mise avec une élégance compliquée. Elle était sans âge, ses trente-cinq ans en valaient quarante ou trente, selon la fièvre nerveuse qui l'animait. Un sac de cuir rouge, qu'elle n'avait pas lâché, pendait à sa main droite.
– Chère madame, dit-elle à Henriette, vous m'excusez, avec mon sac… Imaginez-vous, en venant vous voir, je suis entrée au Bonheur, et comme j'ai encore fait des folies, je n'ai pas voulu laisser ceci en bas, dans mon fiacre, de peur d'être volée.
Mais elle venait d'apercevoir Mouret, elle reprit en riant:
– Ah! monsieur, ce n'était point pour vous faire de la réclame, puisque j'ignorais que vous fussiez là… Vous avez vraiment en ce moment des dentelles extraordinaires.
Cela détourna l'attention de l'éventail, que le jeune homme posa sur un guéridon. Maintenant, ces dames étaient prises du besoin curieux de voir ce que Mme Marty avait acheté. On la co
– Vous savez, expliqua-t-elle, on fait cet hiver aux jeunes filles des robes garnies d'une petite dentelle… Naturellement, quand j'ai vu une valencie
Elle se décida enfin à ouvrir le sac. Ces dames allongeaient le cou, lorsque, dans le silence, on entendit le timbre de l'antichambre.
– C'est mon mari, balbutia Mme Marty pleine de trouble. Il doit venir me chercher, en sortant de Bonaparte.
Vivement, elle avait refermé le sac, et elle le fit disparaître sous un fauteuil, d'un mouvement instinctif. Toutes ces dames se mirent à rire. Alors, elle rougit de sa précipitation, elle le reprit sur ses genoux, en disant que les hommes ne comprenaient jamais et qu'ils n'avaient pas besoin de savoir.
– M. de Boves, M. de Vallagnosc, a
Ce fut un éto