Добавить в цитаты Настройки чтения

Страница 94 из 97

– Qu'est-ce qu on fait? hurla Travis.

Hugo continua d'arroser le pont du yacht. Puis, sans même tourner la tête, il cria:

– Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse, nom de dieu, épero

Cela faisait maintenant près d'une heure qu'Alice avait perdu tout espoir. Ni Hugo, ni Anita, ni son père ne pourraient jamais plus la retrouver. Sa mère était en train de gagner la partie.

Sa mère. Qui maintenant lui faisait face. Qui plongeait son regard d'acier jusqu'aux tréfonds de son âme. Sa mère, un petit rictus de squale rieur aux lèvres, qui la contemplait en silence, dans le salon principal du yacht, plongé dans la pénombre.

De l'extérieur lui parvint le bruit d'une fusillade mais elle n'y prit même pas garde.

Oui, maintenant, seigneur, elle faisait face à la chose qu'était devenue sa mère, qui ne disait toujours rien, se contentant de la détailler des pieds à la tête.

La fusillade se tut et sa mère se leva. Tétanisée, Alice la vit se lever de son luxueux fauteuil et tourner autour de la grande table du salon, venant lentement à sa rencontre. Un ongle rouge comme du sang glissa le long du bois précieux, dans une caresse crissante. Sa démarche souple et ondoyante semblait pleine d'une puissance redoutable. Son sourire même avait l'apparence d'une grimace carnassière. Sa beauté était celle d'une arme de destruction massive, Alice le comprenait désormais avec une sorte de précision tout à fait hors du commun, comme si elle pouvait lire dans les pensées de celle qui l'avait engendrée.

– Maman…, balbutia-t-elle sans vraiment le vouloir.

– Ma très chère fille…, susurra sa mère.

On aurait dit le sifflement d'un serpent venimeux.

Alice sentit un tremblement l'envahir de la tête aux pieds, irrépressible.

Sa mère s'arrêta à moins de deux mètres d'elle. Son regard luisait d'un bleu étincelant malgré la demi-obscurité. Alice savait qu'elle tenait ses propres yeux de sa mère. Celle-ci ne lui avait-elle pas maintes fois répété à quel point elles se ressemblaient toutes deux, combien le patrimoine génétique maternel avait modelé son propre visage? Cette similitude presque parfaite ne faisait qu'accentuer la terreur glacée qui l'étreignait. Comme si c'était une image d'elle-même qui se tenait devant elle. Une sorte de clone adulte, venu de son propre futur. Elle faillit bredouiller quelque chose mais le sourire de sa mère s'accentua.

– Je crois que j'ai laissé de très nombreuses lacunes dans ton éducation, ma petite chérie… Tout ça n'est pas vraiment de ta faute. Mais je vais pallier ça dans le tout proche avenir, rassure-toi.

Alice ne comprit pas vraiment de quoi sa mère voulait parler, mais elle perçut un sous-entendu voilé, qui ne lui disait rien de bon.

Elle se rendit compte qu'elle reculait, peu à peu, alors que sa mère avançait, gardant une distance constante entre elles.

Sa mère allait de nouveau dire quelque chose, quand la fusillade reprit sur le pont, ce qui, cette fois, lui fit redresser un sourcil. Un plissement d'inquiétude se lisait sur son front. Alice entendit un bruit de pas précipités dans l'escalier, puis dans la coursive et la porte s'ouvrit brusquement.

L'homme qui l'avait aidée à grimper à bord fit son apparition sur le seuil du salon, dégoulinant de flotte, les cheveux trempés, en plaques humides contre les joues. Il tenait un pistolet à la main.

– Qu'est-ce qui se passe Lucas? jeta sa mère de sa voix autoritaire.

– Y a un problème, madame Eva…

– Quel problème?

– Vot'mari et le Sicilien ils s'accrochent on dirait, ils ont pris leur foutu bateau, ils sont là à moins de cent mètres sur le côté et ils foncent vers nous…

– Bon dieu, mais coulez-les, nom de dieu, comme les autres…

– Ils maintie

– Les fumiers… Reste là, Alice.

Sa mère la poussa sur le côté et se dirigea vers un râtelier d'armes, situé derrière la porte. Elle l'ouvrit et empoigna un gros fusil, muni d'un chargeur sous la culasse.

Elle ouvrit un tiroir et en extirpa une poignée de balles qu'elle fourra dans une poche de son manteau de cuir avant de se ruer à l'extérieur.

Alice la vit courir dans la coursive puis monter l'escalier. La porte était restée grande ouverte. Le vacarme de la fusillade couvrait le bruit des éléments déchaînés et elle voulut aller jeter un coup d'œil au hublot, pour voir le bateau de son père. Mais un corps dégringola brutalement l'escalier, avec une plainte étouffée et des éclats de verre.

Il y eut un bruit mou lorsque le corps stoppa sa course au bas des marches. Alice vit que l'homme était recouvert de sang et qu'un gros fusil-mitrailleur avait accompagné sa chute, barrant sa poitrine. Un autre objet avait roulé sur le sol de la coursive. Un objet qui avait glissé d'une de ses poches et tournoyait comme une petite toupie à côté de sa tête. Une petite toupie noire, et quadrillée, munie d'une goupille de métal.

Elle savait parfaitement de quoi il s'agissait et elle n'hésita que quelques secondes avant de s'élancer dans le corridor.

C'est à ce moment-là qu'un choc terrible ébranla tout le bateau, dans un to

Elle s'affala de tout son long à quelques centimètres de la grenade.



Travis l'avait d'abord regardé fixement, n'en croyant pas ses oreilles, puis Hugo avait vu le vieil instinct de pirate brita

Travis lui hurla:

– Prenez les sangles, à mes pieds, et attachez-vous… faut pas que vous soyez éjectés au moment du choc!

Puis il avait fait face au yacht, vers lequel ils fonçaient, droit sur bâbord. Hugo saisit les sangles et ils se retrouvèrent attachés en quelques secondes. Puis il replaça l'arme à l'épaule. Sur le bateau les deux hommes reprenaient le tir eux aussi, mais avec une précision très moye

Il n'aurait jamais cru qu'un tel choc fût concevable.

Travis avait su parfaitement manœuvrer, doublant le yacht par bâbord avant de foncer droit sur la poupe, là où se trouvait le moteur. La collision fut spectaculaire. Ils furent tous trois éjectés de leur place, malgré leur préparation à l'inévitable et à leurs sangles. Anita tomba et roula sur son mauvais bras, en poussant un cri de souffrance aiguë. Travis ne lâcha que d'une main la barre, se retenant par miracle. Hugo bascula vers l'avant, perdant l'équilibre et manquant de lâcher son arme dans la chute. Il s'agrippa à elle comme à une bouée.

Un trou énorme avait déchiré la coque du Red Siren, dont il voyait le monogramme, une sirène écarlate et les deux mots en lettres gothiques. La percussion avait également fait éclater l'avant de la Manta, tordant l'acier-titane et le polycarbonate en une sculpture surréaliste.

Vite, maintenant, très vite.

– Take the gun and the bullets in the bag. Quickly!

Il se relevait déjà à toute vitesse, dérapant à moitié sur le pont trempé d'eau de mer. Il replaça aussitôt son œil derrière le viseur.

Les vagues puissantes s'engouffraient par l'ouverture béante.

Le moteur du yacht s'éteignait en toussotant pitoyablement, ses turbines stoppèrent. Seule la symphonie impressio

Il se pencha vers Anita.

– Comment ça va?

– Ça ira, émit-elle d'une voix blanche en se relevant.

Travis avait empoigné le Remington calibre 12 et armait la pompe. Hugo discerna une détermination farouche sur ses traits. Nul doute qu'il serait prêt à tuer.

Bien, pensa-t-il, allons donc affronter le monstre dans son antre puisque c'est de cela qu'il s'agit.

– Et maintenant qu'est-ce qu on fait? demanda Anita en essayant de ne pas trop couvrir le vent.

– Il faut monter… Mais j'ai peur qu'ils nous attendent avec l'échelle de bord en ligne de mire…

Travis avait compris, lui aussi.

– Qu'est-ce qu'on fait alors?

C'est vrai que son plan avait dû être improvisé en quelques secondes. Il n'avait pas eu le temps de prévoir cette alternative. Il fallait donc continuer. Continuer à improviser.

– Si on passait par l'intérieur? Par l'orifice qu'on a fait… Avant que le yacht n'ait coulé…

Deux secondes de réflexion, hachées par les rafales chargées de pluie.

– Non, dit Travis, trop dangereux, il faut réussir à s'amarrer, comme le canot, et pour ça y a qu'un moyen…

– Et lequel? demanda Hugo.

– Faire confiance à la Manta et aux durs enseignements de la Navy.

Travis était de nouveau à la barre et il enclencha une grosse manette à sa droite. Hugo entendit un vague bourdo

Travis réussit à stabiliser le voilier contre le flanc du yacht qui dérivait. Hugo attrapa un barreau de l'échelle et se hissa, la Steyr-Aug en bandoulière. Il détestait cette impression d'être suspendu à quelques mètres au-dessus des flots déchaînés, par cette nuit d'encre. Heureusement que ses quatre mois de «tourisme» dans les Balkans lui avaient redo