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Il plongea son regard dans celui d'Hugo.

– J'ai commencé à planifier son enlèvement, disons sa «récupération».

Il caressait à nouveau la tête d'Alice.

– Vous comprenez, il était hors de question qu'elle puisse rester avec sa mère et que celle-ci finisse par la pourrir…

Évidemment, pensait Hugo, dans ce type de conditions il n'aurait sans doute pas agi autrement.

– J'ai donc commencé à prévoir et organiser la chose… je savais qu'avec Eva Kristensen il fallait être prudent. J'ai décidé de disparaître quelques mois avant la réalisation effective du projet et de me fabriquer une nouvelle identité. Avec le Grec on a acheté ce bout de terrain et on a fait monter le hangar. C'était assez loin de l'Algarve pour qu'Eva ne le détecte pas tout de suite au cas où elle apprendrait quelque chose sur le bateau… On a testé la Manta deux ou trois fois, puis j'ai vendu ma maison à Albufeira et je me suis tiré…

– Où ça, ici dans le coin? Sous le nom de O'Co

– Non. Je me suis tiré en France, dans le Sud-Ouest. Puis je suis revenu en Espagne, dans les Asturies. J'ai pris mon matériel de peinture et j'ai peint sur les plages, en vivant dans mon van. Je vendais mes toiles mais sans trop me soucier du prix. J'avais un compte en banque bien fourni. Mon plan c'était de revenir vers avril-mai. Entretemps, l'a

Hugo réfléchissait à toute vitesse, comme une cocotte-minute en surchauffe.

– Attendez, mais comment auriez-vous contacté Alice?

Travis ne répondit pas et mit lentement son verre de bourbon aux lèvres.

– Comment faisiez-vous pour communiquer avec Alice? insista Hugo.

Ça c'était un putain de mystère.

– Hmm… Je savais, bien sûr, qu'Eva lisait son courrier, mais je ne pouvais rien faire contre ça. Pendant la première a

– Pensez-vous qu'Eva Kristensen ait pu être au courant de ce manège?

– Et qu'elle ait continué de faire semblant dé ne rien savoir? Comme si de rien n'était? Tout en espio

Une longue rasade de bourbon ponctua le discours.

Hugo intégrait les do

Quelle histoire de dingue…

– Bon, ça fait plusieurs fois que vous dites que vous co

Là, Travis se renfrogna.

Sans doute abordait-on ce qui n'était pas encore admissible pour le cerveau d'une jeune adolescente. Surtout si on parlait de sa propre mère. Hugo s'en voulut de s'être laissé emporter par l'émotion et la curiosité. Mais il n'y pouvait rien. Il fallait qu'il sache.

– Vous savez, monsieur Travis, votre fille a vu cette cassette et à mon avis elle est déjà tout à fait au courant de ce dont sa mère est capable.

Elle avait vu le hit-squad à l'œuvre, plusieurs fois, et de près, sous-entendait-il.

D'épaisses volutes bleues tourbillo



– J'peux pas dire qu'y a vraiment eu un commencement, voyez? C'était progressif et sans doute était-elle déjà comme ça quand je l'ai co

Hugo se retint de demander quoi.

Un autre nuage de fumée s'élevait dans l'air.

– Le Grec m'a appris qu'elle fréquentait tous ces dealers et autres mafieux dans ces boîtes à la mode. Moi, je ne voulais plus y aller, mais donc j'ai su qu'elle s'y rendait parfois sans moi. Je me suis dit qu'elle sortait peut-être avec un des mecs… J'ai commencé à boire… Un soir, je me rappelle, je lui ai parlé de cette proposition que m'avait faite un des truands, pour piloter leur bateau… Je lui ai dit que j'avais refusé et elle m'a dit que j'avais eu tort… Que ç'aurait pu être excitant. On s'est violemment engueulé.

Un nouveau nuage.

– Un autre jour, c'était peu avant notre départ à Barcelone, ça n'allait vraiment plus, j'avais commencé à prendre de la poudre et le Grec est venu me voir à la Casa Azul. Eva était en voyage je n'sais plus où… Le Grec m'a parlé d'un truc, d'une rumeur qui courait dans le milieu. Enfin un truc que lui avait dit un dealer dans une boîte…

Un autre nuage.

– On disait qu'y avait une femme qui payait pour assister à des exécutions. Deux ou trois fois, d'après ce qu'il savait. La description qu'on avait de la femme correspondait trait pour trait à Eva. Le soir même l'engueulade a viré à la bagarre, vaisselle et miroirs brisés, tout le bazar… j'ai l'impression qu'à partir de ce jour-là Eva a franchi un cap… elle est devenue plus prudente et n'a jamais réitére cette expérience pendant notre séjour à Barcelone… Mais j'sentais bien qu'elle continuait à faire des trucs pas clairs… On se voyait presque plus, elle était constamment en voyage d'affaires. Faut dire que sa fortune a littéralement explosé durant les a

Un ultime nuage vint conclure son récit, tandis qu'il embrassait du regard le hangar.

Hugo enregistrait les informations. Se créant un film mental rassemblant la vie de cet homme. Il ne savait trop quoi dire.

Pinto lui sauva la mise.

– Bon, et quand est-ce qu'on voit ce prodige d'architecture navale, hein?

Travis se laissa aller à un sourire et Hugo aussi, en se détendant de tout son long

– Venez, dit l'homme en se levant, je vais vous montrer…

Hugo allait les suivre vers la coursive qui dominait le bateau lorsqu'il s'arrêta net.

– Excusez-moi, monsieur Travis, mais il faut que je do

Angoissé, il regarda sa montre. Putain, ils avaient rendez-vous avec Anita à l'auberge et il était déjà huit heures.

Travis le scruta longuement avant de répondre.

– La flic d'Amsterdam, c'est ça? Vous savez, je ne tiens pas trop à la voir.

Hugo insista.

– Écoutez, Anita Van Dyke fait tout son possible pour arrêter votre femme. Elle nous a beaucoup aidés et a pris des risques, je veux dire, des risques en tant que flic, vous voyez, pour sa carrière et tout ça. Nous ne pouvons pas la laisser tomber comme une vieille chaussette. À cette heure-ci elle doit se morfondre à notre rendez-vous en se demandant ce qui se passe… Je dois la prévenir.

Travis cilla devant la fermeté un peu autoritaire d'Hugo mais finit par lui lâcher un faible sourire, en haussant un sourcil, d'une manière étrangement aristocratique.

– Elle viendra seule?

– Je vous en fais la promesse.

– Alors appelez-la. Et rejoignez-nous en bas. Travis prit sa fille par une épaule et poussa amicalement Pinto sur le pas de la porte.

Hugo se rua sur le gros a

Lorsqu'elle reprit la route, Anita n'arriva pas à déloger l'angoisse qui la tenaillait au ventre. Elle suivit les indications d'Hugo et retrouva la N390, traversa Cercal, puis Tanganheira, sur la N120, et fonça droit vers le cap de Sines.

La nuit tomba rapidement sur le paysage. La route était déserte. Ses phares ne croisaient qu'un véhicule de temps à autre, et elle ne doubla qu'un gros camion quelques kilomètres avant de prendre le chemin que lui avait indiqué Hugo. Une petite piste caillouteuse qui descendait vers les plages, au départ même de la petite péninsule.

Au détour d'un virage, dans un décor de roches et d'arbres clairsemés, elle vit le hangar dont lui avait parlé Hugo. La piste de cailloux devenait sableuse aux abords du haut bâtiment de métal. Ses phares éclairèrent l'arrière du hangar puis la rampe de béton et se fixèrent enfin sur la plage avant de disparaître.