Добавить в цитаты Настройки чтения

Страница 5 из 20

Youri était un as des computers, ce qui lui avait valu quelques grosses embrouilles durant l’époque de la Fronde nationale, quand le régime avait essayé d’interdire les paraboles, les modems et les premiers neuro-ordinateurs, avec leur cortège de drogues fractales. Il avait finalement rejoint un groupe de dissidents qui publiait des samizdats sur le Net, puis un des tout premiers réseaux de résistance ayant conduit des opérations de sabotage électronique contre les institutions du régime “ social-national ”. De cette époque, il avait gardé un talent certain pour la confection de logiciels de communication très élaborés, et d’une sécurité à toute épreuve. Son message était contenu dans un programme de type ADN, hyper-compact, et qui se recombinait dans le cerveau de la neuromatrice contactée, comme une de ses propres émanations.

Le joker à tête de clown signé John Wayne Gacy s’est animé dans l’écran de la console. Il a grimacé un sourire et la voix de Youri s’est élevée, déformée par un filtre nasillard.

– Salut… Dis-moi, tu croules sous le boulot, là?

– Non, que j’ai fait, je peux dial (sur le mode compact, branché archéo-techno, comme Youri).

– T’es sur quoi en ce moment? (je reco

– Pas grand-chose, la routine.

– Y’a pas de routine dans ton boulot, me fais pas marcher.

– J’t’assure, Youri… la surveillance du Fonds McKenzie, le siège de la Eastern Kodak-Fuji à Budapest, l’ordinaire.

– Vous êtes pas sur le truc de l’aéroport?

– Le truc de l’aéroport? j’ai répondu doucement, de la manière la plus détachée possible. Ça faisait trois-quatre jours que les patrons nous avaient câblé un message clair, net et concis. Les agences privées de la Ceinture Sud étaient mises à contribution pour pister, collecter et trier toutes les informations possibles et imaginables sur l’affaire de l’aéroport. Une semaine auparavant le corps mutilé d’une jeune adolescente de quatorze ans, disparue depuis un bon mois, avait été retrouvé sur les pistes désaffectées de l’ancien aérodrome d’Orly-Sud.

L’opération devait être menée avec un code de confidentialité maximum, stipulait fermement le message. Fermez vos gueules, en clair.

– Ouais, le truc de l’aéroport, alors, vous êtes dessus, y parait? a repris le clone de Youri, en grimaçant. Tu sais que mes communications sont ultra sûres, tu peux dial sans prob’.

– J’vois pas à quoi tu fais allusion, j’ai lâché, glacial, en éprouvant le goût amer du mensonge sur ma langue.

– Y’a des bruits qui courent sur le réseau, depuis ce matin, t’as pas vu? On dit que les agences privées sont envoyées au charbon sur l’affaire du tueur de l’aéroport…

– Des co

Un instant de silence. Le clown pencha la tête sur le côté, m’observant d’un air perplexe.

– J’comprends pas que tu puisses manquer de confiance à ce point-là. Je sais que vous êtes sur le truc du tueur, je sais même que les flics et vous, vous soupço

Putain de nom de Dieu, que je me suis dit, conscient du blasphème, les sources d’information de Youri étaient toujours aussi sûres. Les crimes du fleuve s’étaient déroulés pendant toute l’a

J’ai rapidement élaboré une chimie de vérité et de fiction, afin de m’en sortir. Evidemment, j’avais conscience que j’allais continuer de mentir à un ami, tout en trahissant le contrat de confidentialité qui me liait à l’agence.

– Le truc classique, Youri, on nous demande d’ ouvrir l’oeil et de communiquer toute information un peu bizarre qu’on pourrait capter…

– Et alors, t’en captes?



– Non, pour moi, c’est le boulot des flics, on n’a pas à s’ en mêler.

J’ai vu le clown hocher la tête en signe de dénégation.

– Incroyable, tu t’intéresses pas au cas d’un tueur en série alors que t’en as un sous la main? Tu fais même pas de petites vérifs croisées, avec les disparitions récentes ou d’autres vagues de crimes non résolus sur le territoire eurofédéral?

J’ai poussé un soupir. J’allais devoir m’embourber dans le mensonge. Ce type de statistiques, c’est très exactement ce qu’on nous demandait d’établir, dans la plus totale confidentialité , évidemment.

– Mon job, c’est le contre-espio

Le clown s’est marré.

– Oublie le Fonds McKenzie, faut que tu passes au Centre.

Le Centre, c’était le nom de code pour l’immeuble semi-désaffecté de la fin du XXe siècle dans lequel Youri vivait, avec quelques poètes mi-scientifiques, mi-clochards mystiques, qui expérimentaient drogue sur drogue et déliraient mécanique quantique et religions comparées pendant des heures. J’aimais bien le “ faut ”.

– Aujourd’hui?

– C’est ça. Ce soir, si tu peux pas faire autrement. Tout de suite, ce serait mieux.

J’ai observé le clown de synthèse qui conservait l’anonymat au visage de Youri. Il ne permettait pas de lire la moindre trace d’émotion qui aurait pu renseigner sur son état intérieur. Youri étant un vrai pote, j’ai concédé sur une ligne équitable.

– Je passe ce soir. Tu peux me dire de quoi il s’agit, express?

– Des amis, m’a répondu le clown. Une co

J’ai essayé de sonder le visage virtuel, dans un réflexe voué à l’échec.

– C’est pas pour tes co

– Non, a répondu le visage du clown-tueur, impassible. Elle a vraiment de gros e

Elle. Une amie, j’ai corrigé mentalement.

Le visage aux couleurs criardes restait immobile au centre de l’écran, attendant une réponse, comme un gag qui tardait à venir de la part du compère.

– Je passe ce soir, j’ai lâché.

Puis j’ai abrégé la communication.