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LUI. Et pourquoi ne me demandez-vous pas mon nom?

ELLE. Parce que je le co

LUI. (Stupéfait.). Comment ça?

ELLE. Comme ça. Je ne sais pas, cependant, comment je dois vous appeler. Il est un peu tôt pour vous appeler Serge, et « Monsieur Odintsov » me paraît trop formel.

LUI. Prenons un juste milieu. Vous pouvez m’appeler Serguéï.

ELLE. J’espère mériter le droit de vous appeler de façon plus intime.

LUI. Mais, tout de même, comment co

ELLE. Peu importe. Je le co

Quelqu’un frappe légèrement à la porte.

LUI. (Éto

ELLE. Non, vous ne rêvez pas.

LUI. (Troublé.). Qui cela peut-il être?

ELLE. Ouvrez, vous saurez bien.

LUI. Non.

ELLE. Vous craignez que l’on me voie dans votre chambre? N’ayez crainte, maintenant il n’y a pas de police des mœurs.

Après quelque hésitation, l’homme part. On entend un bruit sourd, des voix puis le bruit de la porte qui se ferme. L’homme réapparaît, poussant devant lui un chariot sur lequel il n’est pas difficile d’apercevoir une bouteille de champagne dans un seau à glace, des flûtes et quelques hors-d’œuvre. L’homme a l’air très perplexe.

LUI. Voici… Le champagne… Il nous vient du restaurant. Le garçon a même refusé l’argent. Il dit que c’est réglé. Bizarre. Je n’ai rien commandé.

ELLE. Il n’y a rien de bizarre. C’est un don du ciel.

LUI. (Comprenant.). Voilà pourquoi vous cherchiez le garçon, lorsque nous sortions!… Vous m’obligez à rougir. C’était à moi de le faire, mais ça ne m’est pas venu à l’esprit. Je suis un âne.

ELLE. Essayez de rectifier ça à l’avenir. (Elle prend son sac à main et se dirige vers la sortie.)

LUI. Attendez, où allez-vous de nouveau?

ELLE. Rassurez-vous, je reviens.

LUI. Vous revenez, c’est sûr?

ELLE. Pensez-vous que je veuille rester sans champagne? (Elle sort.)

L’homme, ne sachant que penser, regarde dans le couloir, revient, ôte sa veste, va à nouveau à la porte mais, à ce moment-là, la femme revient. Elle est vêtue d’une robe de soirée et tient dans ses mains une boîte et un petit bouquet de fleurs.

LUI. (Réjoui et éto

ELLE. J’ai décidé de réactiver votre curiosité. (Embrassant du regard la pièce :) Eh bien, qu’attendez-vous? Pourquoi rien n’est-il prêt?

LUI. Et que faut-il préparer?

ELLE. Tout de même, quel empoté! Mettons la table ici.

Ils transportent la table au centre de la pièce.

ELLE. À présent, versez de l’eau dans le vase.

La femme sort une nappe de la boîte, en recouvre la table, pose des chandeliers et des chandelles sortis de la même boîte. L’homme, apportant un vase rempli d’eau, y met les fleurs, aide la femme à enlever du chariot le champagne, le couvert et le hors-d’œuvre. La femme installe le vase et allume les chandelles. À présent la table prend un vrai air de fête.

LUI. Où vous êtes-vous procuré tout cela? Votre absence n’a duré que deux minutes.

ELLE. C’est un secret.

LUI. Vous êtes un vrai mystère. Et d’où vie

ELLE. De la forêt. Que pouvais-je faire d’autre quand vous-même n’y avez pas pensé?

LUI. Vous êtes une femme rare.



ELLE. Visiblement, c’est qu’avant vous n’avez pas eu de chance avec les femmes, c’est tout. Éteignez la lumière.

LUI. Maintenant c’est confortable et beau. J’aurais été incapable de faire pareil.

ELLE. Mais vous voyez notre rencontre comme un arrangement alors que moi je veux qu’elle soit un rendez-vous. Eh bien? C’est vous l’hôte. Peut-être, allez-vous m’inviter à m’asseoir et allez-vous ouvrir la bouteille?

LUI. C’est vous qui avez tout organisé et c’est moi qui me sens invité.

ELLE. En ce cas, je m’assois sans cérémonie.

La femme s’assoit. L’homme ouvre la bouteille de champagne et remplit les flûtes.

LUI. Vous m’offrez une fête remarquable.

ELLE. Alors buvons à cette fête. Faisons de ce jour notre première fête et nommons cette fête séparation.

Ils boivent.

LUI. Je dois avouer que, quand vous le voulez, vous savez être très charmante.

ELLE. C’est ce que je veux toujours, mais ça ne réussit pas toujours.

LUI. Ça réussit, croyez-moi. (Il veut à nouveau l’étreindre.)

ELLE. (S’écartant calmement de ses étreintes.). Si vous ne savez pas où mettre vos mains, versez plutôt du vin. Mon verre est vide, ne le voyez-vous pas?

LUI. (Regagnant sa place et remplissant les flûtes.). À quoi buvons-nous, à présent?

ELLE. (Haussant les épaules.). À l’amour. Au succès. À la rencontre. (Avec un ton légèrement moqueur :) Ou bien, vous pouvez boire debout à la santé des belles femmes. N’êtes-vous pas un amateur follement expérimenté et co

LUI. Eh bien… Alors, je propose de passer au tutoiement.

ELLE. Pas la peine. Je n’aime pas le tutoiement entre deux perso

LUI. J’entends votre reproche. Mais maintenant ce « tu » sera tout autre, rien à voir avec celui d’avant. Pas méprisant, mais amical. Et il sera mutuel. Vous êtes d’accord?

ELLE. Attendons un peu. Le temps n’est pas encore venu pour cela. À propos, au sujet du «tu» méprisant. Je crois comprendre que vous n’avez pas aimé que je vie

LUI. Eh bien, pour être ho

ELLE. Comme vous l’avez dit auparavant, c’était immoral. Pour vous, seules les femmes d’une certaine catégorie peuvent se conduire ainsi.

LUI. En gros, oui.

ELLE. Mais si ça n’avait pas été moi mais vous qui étiez venu vous asseoir à ma table, vous étiez mis à me dire des compliments et à m’inviter à passer la nuit avec vous, ç’aurait été moral?

LUI. Eh bien… Oui, ç’aurait été moral.

ELLE. Pourquoi?

LUI. (Haussant les épaules.). Il faut bien que quelqu’un fasse preuve d’initiative, sinon le genre humain s’éteindrait.

ELLE. Fasse preuve d’initiative? Parfait. Mais pourquoi pas moi? Quand j’ai commencé à parler avec vous au restaurant, vous avez pris cela pour du dévergondage. Et si j’avais tenté aussi de vous étreindre, comme vous venez de le faire vous-même? Qu’auriez-vous pensé alors de moi?

LUI. À chaque jeu ses règles.

ELLE. Il en résulte que, dans ce jeu, il est juste permis aux femmes d’être la proie mais pas le chasseur. Je ne reco

LUI. Les femmes aussi chassent. Simplement, elles ont leurs propres procédés.

ELLE. Laissons ces plaisanteries. Je vois que toutes ces discussions sur l’égalité des sexes, les préjugés éculés, la liberté sexuelle et ainsi de suite ne valent pas un clou. Au fond, la morale reste inchangée : l’homme peut tout, la femme très peu. Elle doit rester assise, baisser timidement les yeux et attendre qu’on s’intéresse à elle. Et si je n’accepte pas cette morale, on me traite de je ne sais trop quoi. C’est bien ça?

LUI. Oui et non.

ELLE. Alors pourquoi, lorsqu’il est question de moralité, attend-on immanquablement d’une femme de la discrétion, de la pureté, de la pudeur et cætera? Pourquoi n’exige-t-on pas la même chose d’un homme? Pourquoi, pour le dire dans un style soutenu, y a-t-il des femmes déchues mais pas d’hommes déchus?

LUI. Selon vous, les normes de conduite des femmes ont été inventées par les méchants et affreux hommes? Mais elles ont leur origine dans la nature elle-même. C’est justement de ça qu’il était question, aujourd’hui, à notre conférence.