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LE DOCTEUR. M-m-m… Et vous ?

LE VISITEUR. Bien sûr. (Avec sentiment.) « La concrétion d’idées abstraites, dans la sphère de la plastique, génère la phase de l’esprit retournant dans soi, durant laquelle, se séparant de lui-même, il est potentialisé dans la sphère de la cognition figurative de l’immanence dans la beauté. »

LE DOCTEUR. Ce sont les mots de Hegel ?

LE VISITEUR. Oui, pourquoi ?

LE DOCTEUR. Non, rien. Si c’est le cas, peut-être, vous rappelez-vous, malgré tout, comment vous vous appelez ?

LE VISITEUR. Moi ?

LE DOCTEUR. (Perdant patience.) Vous ! Pas moi, bien sûr ! Ne pouvez-vous pas faire en sorte que, d’une manière ou d’une autre, votre nom refasse surface ?

LE VISITEUR. Bien sûr. Je m’appelle… j’ai oublié.

LE DOCTEUR. Et si nous appelions votre femme, nous apprendrions votre nom avec son aide ?

LE VISITEUR. Bo

LE DOCTEUR. Qui l’appelle, vous ou moi ?

LE VISITEUR. Il vaut mieux que ce soit vous. Sinon, elle va dire mon nom et je l’oublierai de nouveau.

LE DOCTEUR. (Regardant la note, il compose le numéro et parle.) Bonjour. Puis-je parler à Irène ? Enchanté. Je vous appelle de la clinique. Je voudrais savoir comment s’appelle votre mari. Oui, je comprends, que cette question vous paraisse quelque peu étrange… Non, je ne plaisante pas et ce n’est pas un gag… Je suis effectivement docteur et mon numéro de téléphone se trouve dans n’importe quel a

La conversation est interrompue. De dépit Le Docteur couvre le combiné du téléphone de sa main.

LE VISITEUR. Alors, qu’a-t-elle dit ?

LE DOCTEUR. Elle a dit qu’elle n’a pas du tout de mari !

LE VISITEUR. Ma femme n’a pas de mari ? C’est bizarre.

LE DOCTEUR. Bizarre, en effet.

LE VISITEUR. Mais alors, qui est-ce ?

LE DOCTEUR. Ça, j’aimerais que vous me le disiez.

LE VISITEUR. Mais pourquoi ne pas le lui avoir demandé ?

LE DOCTEUR. Parce qu’elle a raccroché. Excusez-moi, mais votre femme est une perso

LE VISITEUR. Probablement, sa nervosité vient-elle, justement, de ce qu’elle n’a pas de mari.

LE DOCTEUR. Mais elle est votre femme !

LE VISITEUR. (Perplexe.) C’est juste. Dites, comme ça, pourquoi avez-vous besoin de mon nom ? Ça facilitera la guérison, ou quoi ?

LE DOCTEUR. Pour ouvrir une fiche médicale. Pour vous suivre. Pour vous faire passer un examen. Pour vous envoyer la facture, que diable !

LE VISITEUR. La facture ? Alors, je crains de ne jamais me rappeler mon nom.

LE DOCTEUR. Avec vous, il y a de quoi perdre la raison !

LE VISITEUR. Ne prenez pas cela trop à cœur. Fumez une cigarette, détendez-vous. J’ai de bo

LE DOCTEUR. (Prenant le paquet.) Ce ne sont pas des cigarettes. Ce sont des jeux de cartes.

LE VISITEUR. Des cartes ? Tant mieux. Faisons une partie, ça vous distraira.

LE DOCTEUR. Je n’ai pas de temps à consacrer à de telles stupidités. De plus, je ne sais même pas jouer.

LE VISITEUR. Je vous apprendrai. (Il bat vite les cartes et les distribue.) Admettons que vous misiez dix euros sur la dame de pique. Alors…

LE DOCTEUR. (Il prend machinalement les cartes, mais, se ressaisissant les jette sur la table.) Vous vous trouvez dans un cabinet médical, et non pas au casino ! L’auriez-vous oublié ? Je suis médecin libéral, et mon temps, c’est de l’argent, beaucoup d’argent ! Vous voulez que je le perde au jeu ?

LE VISITEUR. (Confus.) Pardon. (Il range les cartes.)

LE DOCTEUR. (Las.) Vous savez quoi ? Do

LE VISITEUR. Tenez, je vous en prie.

LE DOCTEUR. (Éto



LE VISITEUR. Eh bien, qu’est-ce que je vous disais ? J’ai une excellente mémoire.

LE DOCTEUR. (Regardant la carte d’identité.) Bien, cher Michel, nous avons, enfin, fait co

MICHEL. Et qui d’autre encore ?

LE DOCTEUR. Bon, d’accord. Venons-en, enfin, à votre affaire. De quoi vous plaignez-vous ? Soyez précis.

MICHEL. (Déterminé.) Il était temps. Vous me décevez. Je vous paie régulièrement des sommes exorbitantes et lorsqu’un poids-lourd m’a foncé dessus, vous n’avez même pas bougé le petit doigt.

LE DOCTEUR. Premièrement, vous ne m’avez versé aucune somme, encore moins exorbitante. Deuxièmement, je n’ai jamais eu vent qu’un poids-lourd vous ait foncé dessus.

MICHEL. Étrange oubli. Pourtant, je vous ai envoyé à ce propos une lettre, à laquelle vous n’avez même pas daigné répondre.

LE DOCTEUR. Je n’ai le souvenir d’aucune lettre.

MICHEL. Donc, vous souffrez d’amnésie. Le coup fut très fort, les conséquences lourdes. Vous avez été simplement obligé de prendre immédiatement des mesures.

LE DOCTEUR. (Ajoutant les do

MICHEL. Le côté droit a été sérieusement endommagé.

LE DOCTEUR. (Ajoutant les do

MICHEL. Et les deux phares cassés.

LE DOCTEUR. (En colère.) Qui a le côté endommagé ? Vous ou la voiture ?

MICHEL. La voiture, bien sûr.

LE DOCTEUR. Et que vous est-il arrivé ? Vous vous êtes cogné la tête ?

MICHEL. Pourquoi, tout à coup ? Je vais très bien. Pas une égratignure.

LE DOCTEUR. Alors, pourquoi devais-je prendre immédiatement des mesures ?

MICHEL. Et qui me paiera une compensation ?

LE DOCTEUR. Une compensation ? Pour quoi ? Ce n’est tout de même pas moi qui conduisais le poids-lourd.

MICHEL. Non. Mais vous êtes mon agent d’assurances. Quand avez-vous l’intention de me régler la réparation ?

LE DOCTEUR. Mon cher, je ne suis pas agent d’assurances. Je suis médecin libéral. Docteur. Vous comprenez ? Docteur.

MICHEL. (Perplexe.) Docteur ?

LE DOCTEUR. Docteur, docteur. (Il lui parle doucement et patiemment.) Vous êtes venu voir le docteur. Le docteur, pas l’agent d’assurances.

MICHEL. Oui, c’est vrai… J’avais complètement oublié. Pardon.

LE DOCTEUR. (Préoccupé.) Je sens que votre maladie est des plus sérieuses. Des plus sérieuses.

MICHEL. Mais on peut en guérir ?

LE DOCTEUR. Comment vous dire… C’est une chance que vous soyez venu me voir moi précisément. Un autre médecin pour rien au monde ne vous soignerait.

MICHEL. Oui, vous l’avez déjà dit.

LE DOCTEUR. Donc ça, vous vous en souvenez ?

MICHEL. Bien sûr.

LE DOCTEUR. C’est bien. Et d’une manière générale, vous souvenez-vous de quelque chose ?

MICHEL. Je me souviens de tout. De mon enfance, de l’école, du travail. Mais je peux complètement oublier ce qu’il m’est arrivé une semaine ou une heure plus tôt. Et puis soudain me rappeler. Et oublier à nouveau. C’est affreux.

LE DOCTEUR. Tout va bien, tout va bien, rien n’est irréparable.

MICHEL. Comment s’appelle ma maladie ?

LE DOCTEUR. C’est une des formes de la sclérose. Difficile de dire pour l’instant, laquelle précisément. Il en existe beaucoup. (Ajoutant les do

MICHEL. Normal.