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ELLE. Non, pas vraiment. C’est Don Juan qui a dû faire des efforts pour séduire les femmes, parce qu’elles résistaient. Et elles résistaient parce que c’est cela qu’on attend d’elles. Mais les hommes ne songent même pas à résister. Tu t’offres, ils acceptent tout de suite. De plus, ils s’estiment vainqueurs. C’est même e

LUI. Comment précisément?

ELLE. Pas comme tu le penses. Il suffisait à Don Juan de coucher avec une femme, pour que cela soit perçu comme sa victoire. Mais pour moi, se do

LUI. Même pour une femme comme toi?

ELLE. La principale difficulté c’est que l’on permet à l’homme de prendre l’initiative, et pas à moi, comme tu l’as expliqué. Et il m’a fallu braver les convenances et me lancer. Le reste s’avéra assez simple.

LUI. Et comment, selon toi, rend-on les hommes amoureux?

ELLE. En gros, comme avec les femmes. Par la flatterie. Grossièrement, droit dans les yeux. Presqu’à la Hugo :

            « Comment, disaient-elles,

      Attirer Achille,

      Sans brûler nos ailes?»

      (Après une pause :)

«Flattez, disaient-ils. »

LUI. Et ça marche?

ELLE. Infaillible. Certes, il y a une différence. Si l’homme arrive à ses fins par des promesses d’amour éternel, la femme, au contraire, est obligée de promettre de ne pas s’imposer à jamais. Cela effraie l’homme. Non, rien qu’une nuit. Qu’une heure. Tu es libre. Tu n’es pas lié. Tu n’es tenu à rien. Tu peux disparaître, partir quand bon te semble, où bon te semble.

LUI. (Avec froideur.). Idée intéressante.

ELLE. Tellement rebattue, que s’en est même e

LUI. Et moi aussi, tu as tenté de me prendre de la même façon?

ELLE. (Sur un ton provocateur.). Et qu’est-ce qui te distingue des autres? À propos, n’est-il pas temps que tu ailles à l’aéroport?

LUI. Tu as beaucoup d’esprit, beaucoup de fiel mais peu de cœur.

ELLE. On voit tout de suite que la remarque émane d’un biologiste.

Pause.

LUI. Je crois que je vais y aller.

ELLE. N’est-il pas trop tôt?

LUI. J’attendrai l’avion à l’aéroport. De toute façon, je ne m’endormirai pas. (Il prend son porte-documents, y jette sa cravate, son rasoir électrique et ses autres rares affaires.)

ELLE. Tu pars comme ça? Sans aucune hésitation?

LUI. Je pars comme ça.

Pause.

LUI. Supposons que je reste et que je fasse l’amour avec toi. Peut-être que ça me plaira. Peut-être, cela éveillera-t-il en moi quelque chose de plus que la sympathie. Et ensuite, tu te mettras à rire, tu prendras ton carnet, tu noteras et diras : « C’est bon, tu es dans la liste. Numéro cent. Tu peux y aller. » C’est bien ça, non?

La femme se tait.

LUI. Non, je ne changerai pas mon programme. Tu te fais une fierté maintenant de ce que c’est toujours toi qui quittes, eh bien! cette fois-ci c’est toi qu’on quitte.

ELLE. Ce n’est pas grave, je survivrai. J’ai déjà co

LUI. Tant mieux. (L’homme fait claquer son porte-documents, fait quelques pas vers la sortie, mais s’arrête.) Je veux seulement demander… Comment es-tu au courant, quand même, de ce qui s’est dit à la conférence?

ELLE. C’est la seule chose qui te tracasse en ce moment?

LUI. Non, mais… Tu n’es pas obligée de le dire.



ELLE. J’y ai participé en tant qu’interprète. Quand tu lisais ton rapport, je le traduisais instantanément en français, et quand les Français ou les Espagnols lisaient leurs rapports, je les traduisais en russe.

LUI. Voilà donc pourquoi ta voix m’est familière!

ELLE. Oui, tu l’as entendue dans les écouteurs. Tu vois, que tout est simple.

LUI. Mais la traduction simultanée, qui plus est, de textes spécialisés, exige un haut degré de qualification.

ELLE. Oui. Et pour ça, on me paie bien. Tu voulais savoir comment je gagnais ma vie et combien je touchais, maintenant tu le sais. Au fait, ton rapport m’a beaucoup intéressée.

LUI. Tu y as compris quelque chose?

ELLE. Figure-toi qu’à l’université nous avons aussi étudié la psychologie, si bien que j’ai même trouvé intéressant de t’écouter. Ce n’est pas pour rien que sur Internet il y a des milliers de liens vers ton nom.

LUI. Je vois que tu t’étais bien préparée.

ELLE. « Co

LUI. Et tu le voulais?

ELLE. Beaucoup. Toute la soirée j’ai craint qu’à tout moment tu ne te lèves et partes et je m’efforçais de te retenir par tous les moyens. Au moins cinq minutes encore, une minute… Voilà pourquoi tantôt je jouais les prostituées, tantôt je simulais la femme ho

LUI. (Après avoir gardé le silence.). Oui, notre rencontre n’a pas été des plus faciles. Tu avais raison. (Il prend la clé.) Allons.

ELLE. (Sans bouger de sa place.). Tu pars quand même?

LUI. Et toi aussi tu pars. (Il fait tourner sa clé accrochée à un porte-clé.) Je dois fermer la porte à clé.

ELLE. Tu veux me mettre à la rue sous la pluie?

LUI. Tu ne peux pas rester ici. Je dois rendre la clé.

ELLE. Ne t’en fais pas pour moi. Va. Je vais ranger, puis je fermerai la porte et je rapporterai ta clé.

LUI. Et pour aller où en pleine nuit?

ELLE. Ça te tracasse? J’occupe la chambre contiguë avec la tie

LUI. Tous ces quatre jours, nous étions à côté l’un de l’autre?

ELLE. Oui, et maintenant la conférence est achevée et demain soir, moi aussi, je prends l’avion. Plus exactement, aujourd’hui déjà.

LUI. Alors… (Après hésitation.) Et puis, non… Au revoir.

ELLE. Un moment!

LUI. (S’arrêtant.). Quoi encore?

ELLE. (D’un ton libéré.). Rien de particulier. Je veux simplement te raconter une anecdote en guise d’adieux. Puisqu’il faut te distraire, allons jusqu’au bout. Un homme, épuisé et pâle, arrive chez son médecin : « Docteur, toutes les nuits le même cauchemar m’assaille. Une voix me dit en boucle quelque chose en italien, sûrement, quelque chose de très important. Je fais des efforts pour comprendre, mais c’est peine perdue. Ça me plonge dans une telle inquiétude que je me réveille et que je ne peux plus me rendormir ». ‒ Et vous comprenez l’italien? ‒ demande le médecin. ‒ Justement, non, ‒ répond le patient. ‒ Alors, la seule chose que je puisse vous conseiller, ‒ dit le médecin, c’est d’apprendre l’italien. Alors vous comprendrez ce que vous dit la voix et, peut-être, serez-vous rassuré. Deux mois ont passé et le médecin rencontre son patient, par hasard, dans la rue, joyeux, resplendissant et le teint coloré. ‒ Alors, vous avez appris l’italien? ‒ demande le docteur. Le patient répond : ‒ Non, je dors avec une interprète.

LUI. Pourquoi est-ce que tu me racontes ça? pour me relancer?

ELLE. (Moqueuse.). Pour que tu saches que tu es passé à côté d’une rare possibilité de te défaire de ta dépression. (Avec cruauté :) Et maintenant, va-t’en, va-t’en au plus vite. Je suis très fatiguée.

L’homme marche lentement vers la sortie et s’arrête à la porte.

LUI. Probable, qu’on ne se verra plus. Mais ça ne peut pas être autrement… Tu dois me comprendre…

La femme ne répond pas.