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En maîtresse de maison économe, Delphine regrettait le plat supplémentaire qu’elle avait commandé, et Timoléon n’était pas autrement satisfait d’avoir à servir trois vieilles bouteilles, précieusement conservées dans sa cave, et dont seul le spahi pourrait lui vanter les mérites.

Quant à celui-ci, il était assurément de très mauvaise humeur et ne décolérait pas au sujet de l’absence incompréhensible des Borel.

— Ils auraient bien pu prévenir, grommelait-il, et si Borel n’était pas libre, il n’avait qu’à envoyer sa femme.

Ce n’était un secret pour perso

Que faisaient M. et M me Borel dans un pays perdu, en plein milieu des forêts de pins, dans la région des pignadas ? Nul n’aurait pu l’expliquer avec précision.

Il apparaissait que les Borel vivaient très simplement, appartenaient à une catégorie sociale assurément plus distinguée que les Fargeaux. C’était, croyait-on, des gens du grand monde qui ayant eu des revers de fortune s’étaient installés à la Bicoque par mesure d’économie.

M. Borel faisait de fréquentes absences, tandis que sa femme, au contraire, s’écartait peu de son habitation et ne fréquentait qu’un nombre restreint de perso

Les Fargeaux avaient co

On déplora leur absence, donc, puis on parla de la culture des pins.

— Moi, dit Timoléon, l’homme du nord, je trouve qu’un arbre est bon à saigner dès qu’il a passé la quatorzième a

— Avec ce système-là, répliqua le spahi, vous tuerez la poule aux œufs d’or, et dans quelques a

— Croyez-vous ?

— Je ne le crois pas, poursuivit le spahi, j’en suis sûr. Vous ne pouvez pas co

Mais, entêté, Timoléon hochait la tête :

— Moi, fit-il, je suis d’une autre école, il y en a même que j’ai saignés à la treizième a

La discussion s’éternisa. Cependant les deux hommes vidaient les bouteilles de bon vieux vin, et Delphine, elle, restait silencieuse. La petite femme semblait préoccupée. Perpétuellement elle regardait le cartel pendu au mur en face d’elle, et paraissait vivement s’intéresser à la marche régulière et constante des aiguilles. Lorsque dix heures so

— Où vas-tu ? demandèrent les deux hommes.

La jeune femme était déjà sur le seuil de la porte. Elle répliqua d’un air embarrassé :

— Je sors un instant, ne m’attendez pas, je m’en vais voir le bœuf malade.

— Qu’est-ce qu’il a ce bœuf ? demanda le spahi.

— Il a… est-ce que je sais ce qu’il a ? C’est toujours la même chose dans ce sacré pays avec les bêtes de travail. D’abord ce bœuf ne mange pas, c’est à peine si on peut le nourrir lorsqu’on est resté devant lui à l’appâter pendant deux heures, puis il doit avoir mal aux dents, il est tout le temps à déchiqueter le plâtre de l’étable, à mordiller les murs.

Le spahi interrompit son beau-frère :

— C’est co





Timoléon protestait qu’il avait déjà pris ses précautions et une longue discussion s’amorçait entre les deux hommes, qui ne négligeaient cependant point désormais, tout en causant, de déguster force verres d’un excellent Armagnac, dont Timoléon Fargeaux se faisait une gloire, justifiée du reste.

Cependant, Delphine, après s’être assurée d’un coup d’œil perspicace que son frère et son mari n’étaient point disposés à la suivre, avait en hâte jeté une mantille sur ses épaules et elle était sortie de la maison.

Comme si elle craignait d’être observée, la jeune femme, affectant de faire le plus de bruit possible, s’était directement rendue du côté de l’étable construite près de l’aile droite de la propriété. Elle avait ouvert tapageusement la porte du local réservé aux bœufs, mais ne s’y était pas introduite.

Elle écouta un instant les bœufs qui ruminaient doucement. De temps à autre un bruit de paille froissée révélait que l’une des puissantes bêtes s’étirait sur sa litière ou changeait de côté son corps lourd de sommeil.

Delphine regardait alors dans la direction du château et, certaine que nul ne lui emboîtait le pas, elle referma doucement la porte de l’étable, longea le mur, gagna la campagne.

Le château de Garros s’élevait au milieu d’une sorte de clairière de trois cents mètres carrés environ. Tout autour, la propriété était cernée par les pins s’étendant jusqu’à la mer d’un côté, de l’autre jusqu’à la voie du chemin de fer de Bordeaux à Bayo

C’était vers ce pavillon que Delphine se dirigea. La jeune femme marchait à pas précipités. De temps à autre, elle s’arrêtait brusquement, prêtait l’oreille, puis n’entendant rien, se remettait à courir. Si la nuit n’avait pas été obscure, si quelqu’un s’était trouvé là pour la regarder, il aurait constaté que M me Fargeaux était complètement transfigurée depuis quelques instants. Son air distrait et revêche avait fait place à une physionomie souriante, gaie, heureuse, rayo

Delphine s’approcha d’eux, les mains tendues.

— Tout est-il prêt ? demanda-t-elle.

Les deux hommes s’inclinèrent respectueusement, l’un d’eux prit la main de la jeune femme dans la sie

Ce galant interlocuteur répondit avec un fort accent espagnol :

— Tout est prêt, señora, vous pouvez compter sur nous.

Il disait quelques mots à son compagnon qui hochait la tête affirmativement, puis les trois perso

Ils ne parlaient plus français mais basque et semblaient discuter avec animation. L’entretien toutefois ne dura pas longtemps. Delphine fit volte-face, quitta ses interlocuteurs :

— Il faut que je rentre, déclara-t-elle.

Puis, se remettant à parler français, elle ajouta :

— Je serai exacte, mais ayez bien soin de faire comme je vous l’ai dit.

L’un des deux hommes sourit en découvrant une ligne nacrée de fort jolies dents et dit :

— Soyez certaine, señora, que nous agirons avec la plus grande brusquerie, les cris, les plaintes ne nous feront pas peur.

L’autre surenchérit, roulant les rterriblement :

— Au contraire, il en faut, nous do

— À tout à l’heure, répéta Delphine.

— Dans combien de temps ?