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            – Tu as poursuivi ta réflexion au sujet de ton orientation ? demanda-t-elle en mordant dans la pita. C’était une plaisanterie, ce que tu m’as dit avant-hier ?

            – Pas du tout, je veux devenir psychiatre. Ou policier.

            – Toi ?

            – Oui, aujourd’hui je pense que les êtres humains sont définitivement plus intéressants que les ordinateurs. Leurs histoires d’amour, leurs pulsions de vengeance ou de violence…

            Elle lui adressa un sourire complice.

            – Délicieux, tes sandwichs, fit-elle, la bouche pleine.

            – Je pensais que tu apporterais le vin, plaisanta-t-il. Avec un verre de bourgogne, ça doit être mortel !

            Elle lui fit un clin d’œil. Il poursuivit :

            – Bon, tu m’as assez fait mariner ! Comment s’est passé ton voyage à Boston ?

            – Pas exactement comme je l’espérais, grimaça la jeune femme.

            – Tu as revu Matthew ?

            – Oui, il est bien venu au vide-grenier et il a même acheté mon ordinateur. J’étais émue, c’était tellement étrange de le retrouver après tout ce temps.

            – Donc vous vous êtes parlé !

            – Brièvement.

            – Il ne t’a pas reco

            – Non, et ça vaut mieux ! Il y a un an, il ne m’a aperçue que quelques minutes et je portais un passe-montagne.

            – Tu lui as laissé tes coordo

            – Oui, mais il ne m’a pas appelée.

            – Il le fera, assura Romuald.

            – Je ne crois pas, répondit-elle. Peut-être que c’est mieux comme ça, d’ailleurs.

            – Mais pourquoi ne pas lui raconter la vérité ?

            – C’est impossible, tu le sais bien. D’abord parce que la vérité est incroyable, et puis…

            – Quoi ?

            – Tu te vois tomber amoureux de la femme qui a tué la mère de ta fille ?

            – Mais tu lui as aussi sauvé la vie, Emma !

            La jeune femme haussa les épaules et tourna le regard pour que Romuald ne s’aperçoive pas que ses yeux brillaient.

            Son trouble ne dura pas. Déjà, elle interrogeait son ami sur ses propres amours. Romuald progressait tous les jours dans la conquête d’Erika Stewart, une étudiante en philo de Harvard, de trois ans son aînée, qu’il avait rencontrée au farmers marketd’Union Square un mois plus tôt et dont il était tombé follement amoureux. Au départ, la jeune fille ne lui avait prêté aucune attention : pour rien au monde elle n’aurait accepté de sortir avec quelqu’un de plus jeune. Romuald avait réussi à trouver son adresse et, sur les conseils d’Emma, il s’était mis à lui écrire une lettre par jour. Une « vraie » lettre, rédigée au stylo-plume sur du papier chiffon. L’art de la séduction épistolaire n’étant pas le fort du jeune garçon, Emma, tel Cyrano de Bergerac, tenait souvent la plume à sa place. Et cette entreprise de conquête « à l’ancie

            – Tu sais qu’il faut trois mois d’attente pour obtenir une table dans ce restaurant, lui fit remarquer Emma d’un ton sérieux.

            – Oui, je sais, fit-il d’un air dépité. Mais j’avais pensé que…

            – Bien sûr que je t’aiderai à avoir une place ! Une belle table en bordure de fenêtre avec vue sur l’Empire State Building !

            Il la remercia chaleureusement et elle le raccompagna à pied jusqu’au bâtiment de l’université.

            *

            Boston

            13 heures





            Matthew termina son jogging hors d’haleine. Il avait couru plus d’une heure, faisant une boucle complète autour du bassin de la Charles River, poussant jusqu’aux bâtiments du MIT avant de revenir vers le Public Garden.

            Les mains sur les genoux, le dos courbé, il reprit son souffle avant de traverser en marchant les pelouses du Boston Common.

            Les jambes tremblantes et le ventre serré, il ne parvenait pas à ralentir les battements de son cœur dans sa poitrine. Que lui arrivait-il ?

            Cela n’avait rien à voir avec l’effort. Depuis qu’il s’était levé, un sentiment nouveau le submergeait ; une sensation grisante et inattendue qui l’avait pris de court. Quoi qu’il fasse, où qu’il aille, Emma Lovenstein ne quittait pas ses pensées. Impossible de la fuir. Impossible de lui échapper. Et cette présence faisait de lui quelqu’un d’autre. Un homme libéré d’une gangue et capable de se projeter enfin vers demain. L’évidence lui sauta aux yeux…

            Il s’assit sur un banc, observa le bleu métallique du ciel, les reflets du soleil sur la surface du lac, et offrit son visage au vent léger.

            Autour de lui, des enfants jouaient.

            La vie était de nouveau là.

            *

            Après avoir quitté Romuald, Emma prit un taxi pour revenir à l’Imperator et passa le début d’après-midi avec son équipe à mettre au point les accords de vins à suggérer aux invités pour les repas du soir de Noël et du Nouvel An.

            À 15 heures, son téléphone vibra dans sa poche. Elle le consulta discrètement.

            De :Matthew Shapiro

            À :Emma Lovenstein

            Objet :Franc-jeu

            Chère Emma,

            C’est depuis la messagerie de votre ancien ordinateur que je vous envoie ce courrier. Il fonctio

            Je co

            Pour une sommelière aguerrie, je ne sais pas ce que vaut leur carte des vins, mais si vous aimez les arancini à la bolognaise, les lasagnes au four, les tagliatelles au ragoût et les ca

            Matt.

            Emma sentit son cœur faire des bonds dans sa poitrine. Elle répondit immédiatement :

            J’en serais ravie, Matthew.

            À ce soir donc !

            P-S : J’adore les lasagnes et les arancini… Et le tiramisu aussi !

            *

            – Allô, tête de blatte ?

            – Je suis en cours, Emma… chuchota Romuald.

            – Il faut que tu m’aides. Co

            – Le coiffeur ? Encore ?

            – Oui, j’ai besoin d’un rendez-vous dans deux heures.

            – Mais, j’avais pris la résolution de me tenir tranquille et de ne plus pirater de…

            – C’est ça ou tu peux dire adieu à ta réservation à l’Imperator avec Erika.

            *

            Portée par une douce euphorie, Emma sortit sur Rockefeller Plaza et remonta la 5 eAvenue jusqu’au magasin Bergdorf Goodman.

            Elle avait l’impression d’être dans la peau d’une actrice tournant une seconde prise, mais cette fois, elle espérait pouvoir changer la fin du film. Ignorant les vendeuses, elle déambula parmi les stands du grand magasin new-yorkais. Même si la mode avait légèrement changé depuis l’an dernier, elle retrouva ce qu’elle cherchait : un manteau en brocart avec son étoffe de soie rehaussée de dessins brochés d’or et d’argent, ainsi qu’une paire d’escarpins en python, aux reflets violets et aux talons vertigineux.