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            Heureusement, la psychothérapie qu’elle suivait depuis quelques mois l’avait aidée à prendre du recul et à se méfier de ses émotions. Désormais, elle savait qu’elle devait penser à se protéger et à se tenir éloignée des individus néfastes.

            Elle arriva au terminal de la ligne : la station World Trade Center. Ce quartier du sud de la ville avait été complètement dévasté par les attentats. Aujourd’hui, il était toujours en travaux, mais bientôt, plusieurs tours de verre et d’acier domineraient la skyline new-yorkaise. Un symbole de la capacité de Manhattan à sortir plus fort de toutes les épreuves, pensa Emma en montant les escaliers pour rejoindre Greenwich Street.

            Un exemple à méditer…

            Elle marcha d’un pas vif jusqu’au croisement de Harrison Street et s’engagea sur l’esplanade d’un complexe d’habitations constitué de hauts bâtiments de brique marron construits au début des a

            Pendant longtemps, le 50 North Plaza avait abrité des centaines d’appartements à loyers modérés dans ses trois tours de quarante étages. Aujourd’hui, les prix avaient flambé dans le quartier et l’immeuble allait être rénové. En attendant, le hall avait une allure triste et délabrée : murs décrépis, éclairage terne, propreté douteuse. Emma prit le courrier dans sa boîte aux lettres et emprunta l’un des ascenseurs pour rejoindre l’avant-dernier étage où se trouvait son appartement.

            – Clovis !

            À peine avait-elle franchi le seuil que déjà son chien rebondissait devant elle, lui faisant fête.

            – Laisse-moi au moins refermer la porte ! se plaignit-elle en caressant la peau ample du shar-pei qui ondulait en plis secs et durs.

            Elle posa son sac et joua quelques minutes avec le chien. Elle aimait sa silhouette compacte et robuste, sa truffe épaisse, ses yeux francs enfoncés dans sa tête en triangle, son air gentiment boudeur.

            – Toi, au moins, tu me seras toujours fidèle !

            Comme pour le remercier, elle lui servit un gros bol de croquettes.

            L’appartement était petit – à peine 40 mètres carrés –, mais il avait du charme : parquet clair en bois brut, murs de briques apparentes, grande baie vitrée. La cuisine ouverte s’articulait autour d’un comptoir en grès noir et de trois tabourets en métal brossé. Quant au « salon », il était envahi de livres classés sur des étagères. Fictions américaines et europée

            Emma retira manteau et écharpe, pendit son tailleur sur un ma

            Le miroir lui renvoya l’image d’une jeune femme de trente-trois ans aux cheveux bruns légèrement ondulés, au regard vert clair et au nez pointu sur lequel s’égrenaient quelques taches de rousseur. Dans ses (très) bons jours, on pouvait lui trouver une vague ressemblance avec Kate Beckinsale ou Evangeline Lilly, mais aujourd’hui n’était pas un bon jour. Ultime effort pour ne pas se laisser envahir par la tristesse, elle adressa au miroir une grimace moqueuse. Elle ôta ses lentilles de contact qui lui piquaient les yeux, chaussa sa paire de lunettes de myope et gagna la cuisine pour se préparer du thé.

            Brrr, ça caille ici, frisso

            Elle mourait de faim. Elle se co

            Elle reçut un e-mail de confirmation, vérifia sa commande et l’heure de livraison, puis en profita pour parcourir ses autres messages, redoutant un courrier de son ancien amant.

            Heureusement, il n’y avait pas de message de François.

            Mais il y avait un autre courrier, énigmatique, écrit par un certain Matthew Shapiro.

            Un homme dont elle n’avait jamais entendu parler auparavant.

            Et qui allait bouleverser sa vie…





 3

            Le message

            Quand la souffrance est ce que l’on co

            Michela MARZANO

            Boston

            Quartier de Beacon Hill

            20 heures

            – Maman ne va pas revenir, hein, papa ? demanda Emily en bouto

            – Non, elle ne reviendra jamais,confirma Matthew en prenant sa fille dans ses bras.

            – Ce n’est pas juste, se plaignit la gamine d’une voix tremblante.

            – Non, ce n’est pas juste. La vie est comme ça, parfois, répondit-il abruptement en la hissant sur son lit.

            La petite pièce mansardée était chaleureuse et accueillante, et elle évitait les tons mièvres ou pastel qu’on trouvait trop souvent dans les chambres d’enfant. Lorsque Matthew et Kate avaient restauré la maison, ils avaient cherché à restituer pour chaque pièce le cachet d’origine. Pour celle-ci, ils avaient abattu une cloison, décapé et ciré le vieux parquet pour lui redo

            Matthew caressa la joue d’Emily en lui adressant un regard qu’il espérait rassurant.

            – Tu veux que je te lise une histoire, chérie ?

            Les yeux baissés, elle secoua la tête tristement.

            – Non, ça va.

            Il grimaça. Depuis quelques semaines, il sentait sa fille très angoissée, comme s’il lui avait transmis son propre stress, et cette constatation le culpabilisait. Devant elle, il s’employait pourtant à masquer sa peine et son angoisse, mais ça ne fonctio

            La vérité, c’est qu’il était un père dépassé. Dans les premières semaines, il avait été déstabilisé par la quasi-indifférence affichée par Emily. À l’époque, l’enfant semblait imperméable à la douleur, comme si elle ne comprenait pas vraiment que sa mère était morte. À l’hôpital, la psychologue qui suivait la petite fille avait toutefois expliqué à Matthew que ce comportement n’était pas anormal. Pour se protéger, certains enfants gardaient volontairement à distance un événement traumatique, attendant inconsciemment de se sentir plus solides pour pouvoir s’y confronter.