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Assurément, Morel était aussi troublé de cet événement que l’avait été l’intéressé lui-même l’infortuné marquis quand on lui avait mis les menottes.

Fantômas, en considérant le vieux magistrat qu’il allait remplacer, se rendait compte que le procureur général ne s’y était pas trompé, qu’assurément, Morel était un homme bien trop hésitant, et bien trop tenu par ses relations mondaines avec la ville et le voisinage pour pouvoir exercer ses fonctions avec la fermeté nécessaire.

Morel n’insista pas d’ailleurs, il proposa à son remplaçant :

— Je m’en vais vous conduire au Palais et vous installer dans mon cabinet, dans votre cabinet désormais… Puisque mes fonctions cessent du jour où vous commencez les vôtres.

Chemin faisant, Morel exposa, volubile, le détail des affaires en cours, sans en oublier une seule.

— Si je vous do

— Décidément, se disait le pseudo Pradier, les choses vont de mieux en mieux.

Et il répondit au magistrat avec un aimable sourire :

— Mais pas le moins du monde, mon cher collègue, trop heureux si je puis vous être agréable.

Et le faux Pradier s’était installé ce même matin, dans son cabinet de juge d’instruction, au Palais de Justice de Saint-Calais où désormais il était seul et il était le maître.

Morel, en s’en allant, lui avait présenté le greffier, petit homme maigre, sale, affublé d’une casquette de velours, et dont le visage émacié disparaissait derrière une barbe grise, hirsute.

Fantômas prenant son rôle tout à fait au sérieux, interpella son futur collaborateur :

— Comment vous appelez-vous, monsieur le greffier ?

Le petit homme râpé quittait son pupitre, et courbant le dos, dans une attitude, humble et respectueuse, s’approchait du juge :

— Croupan, pour vous servir, monsieur le juge d’instruction.

— C’est bien, Croupan, j’espère que nous ferons bon ménage. Co

— Sans me vanter, monsieur le juge, je le sais à peu près par cœur.

— À merveille, j’ai des défaillances monsieur le greffier, alors je compte sur vous, car, il m’arrive de dire une chose en pensant tout le contraire, vous rectifierez.

— Monsieur le juge veut plaisanter. Monsieur le juge en sait beaucoup plus long que moi. J’ai lu sur l’a

— Tiens, pensa Fantômas, voilà qui est encore bon à savoir.

Il esquissa un geste vague :

— Sans doute, sans doute, fit-il, mais il y a si longtemps que j’ai passé mes examens.

Les deux hommes s’interrompirent :

La porte venait de s’ouvrir, livrant passage à une femme, élégante, jolie, distinguée, qui s’arrêta net en apercevant Fantômas :

— Oh pardon, messieurs, dit-elle.

Puis, avisant le commis-greffier :

— Ce n’est donc pas le cabinet de M. Morel ?

Fantômas prit la parole, et avec une froide dignité :

— Vous êtes bien, madame, dans le cabinet de M. Morel, mais M. Morel n’est plus en fonctions, et je suis son remplaçant.

La jeune femme se mordit la lèvre, rougit :

— Oh, je vous demande pardon, fit-elle.



Elle balbutia quelques paroles incompréhensibles, puis, fixant Fantômas d’un regard inquiet :

— Le nouveau juge, murmura-t-elle. C’est vous, monsieur ? Alors, c’est vous qui avez arrêté mon mari ?

— À qui ai-je l’ho

La jeune femme baissa la tête, et déclara d’une voix imperceptible :

— Je suis la marquise de Tergall.

Le faux magistrat ne broncha pas.

La marquise, soudain, joignit les mains :

— Monsieur, s’écria-t-elle, grâce pour lui. Libérez-le.

— Le libérer, madame ? Et pourquoi donc ?

— Parce qu’il est i

— Madame, je voudrais vous croire, mais il me faudrait des preuves.

— Des preuves, mais j’en ai.

— Parlez, madame.

Fantômas, galamment, avait désigné un siège à la jeune femme qui s’y laissa choir, comme rompue de fatigue. Des larmes lui perlaient aux yeux. Avec des gestes nerveux, saccadés, elle se tapota les paupières de son mouchoir de linon.

— Monsieur, commença-t-elle, d’une voix entrecoupée par des sanglots contenus, je vais tout vous dire, quoi qu’il puisse en coûter à mon cœur de femme, à ma dignité d’épouse. Hélas je suis malheureuse en ménage, mon mari a une maîtresse, une fille de rien, une chanteuse, une chanteuse d’un café-chantant du Mans. Je le sais depuis longtemps. Hier, Maxime – Maxime, c’est mon mari, monsieur – est parti sitôt après le dîner sans me dire où il allait, il s’est rendu chez cette femme qui habite une maison à Saint-Calais même. J’ai suivi mon mari, je l’ai vu entrer chez sa maîtresse. Il n’en est pas ressorti, que je sache, de longtemps. Or, mon mari est resté à attendre cette femme, et cette femme a été absente toute la nuit, c’est donc qu’elle n’a pas passé la nuit chez elle.

— Mais quel rapport ?

— Vous allez comprendre, monsieur. Cette femme, cette actrice qu’on appelle Chonchon, a donc été absente toute la nuit, j’en ai la preuve. Il vous est facile maintenant de comprendre que c’est elle qui a assassiné Chambérieux.

— La conclusion est un peu rapide, madame. Du fait qu’une dame, qu’une chanteuse, découche de chez elle, même pendant toute une nuit, il est difficile de déduire qu’elle est l’auteur d’un crime. C’est tout à fait insuffisant.

Frémissante, la marquise s’était levée :

— Ça n’est pas insuffisant, monsieur, quand on sait que l’enquête faite ce matin sur le théâtre du crime a révélé des traces de bottines de femme, traces bien apparentes et se mêlant à celles laissées dans la forêt par l’infortuné Chambérieux. J’ajoute, monsieur, que cette… demoiselle Chonchon accordait également ses faveurs à l’infortuné bijoutier, qu’elle a certainement tué.

— Qui a découvert ces traces, madame ? Serait-ce vous, par hasard ?

— Ce n’est pas moi, monsieur, c’est un homme et un homme respectable, sérieux, co

— Ah, ah, fit Fantômas, que les propos de la marquise commençaient évidemment à intéresser. Et comment s’appelle ce monsieur ?

— C’est M. Jérôme Fandor, un journaliste de Paris.

Fantômas, un instant, se demanda s’il n’allait pas tout simplement prendre la porte et disparaître pour fuir ce nouvel adversaire, éviter les dangers de sa rencontre. Mais le bandit avait en lui-même une confiance admirable. En faisant sa toilette, il avait achevé de modifier l’aspect de son visage, et sans prétendre ressembler au véritable Pradier dont il avait pris la place, il était assuré du moins que le perso

Et dès lors, sans qu’un muscle de son visage eût bougé, le bandit répondit à la marquise :

— Ce monsieur Jérôme Fandor, madame, je serais fort heureux de faire sa co

— Ah merci, merci monsieur, je vois que vous n’avez aucun parti pris contre mon infortuné mari et que vous êtes disposé à faire toute la lumière. M. Fandor n’est pas ici, mais il est à l’hôtel. Voulez-vous que j’aille le chercher ? Ce sera l’affaire de quelques minutes.