Добавить в цитаты Настройки чтения

Страница 21 из 77

L’impression qu’il éprouvait était étrange. Deux ans plus tôt, aux environs de la même date, il se trouvait à la même place, brûlant d’envahir l’hôtel voisin pour en arracher la dame de ses pensées, la ravissante et fragile Anielka Solmanska qu’un père avide et autoritaire livrait au Minotaure du trafic d’armes, le riche et puissant Eric Ferrals, beaucoup plus âgé qu’elle. Aujourd’hui le décor était peut-être inchangé mais les perso

Ce soir, pourtant, elle était là de nouveau, derrière la double épaisseur des murs, faisant Dieu sait quoi, dormant peut-être, bien que ce fût peu probable : c’était plutôt un oiseau de nuit. À Venise, quand elle ne sortait pas – seule le plus souvent, Aldo ne tenant nullement à consacrer par sa présence une union dont il ne voulait pas –, la lumière restait allumée très tard dans sa chambre où elle bavardait avec Wanda, sa femme de chambre, en fumant, en jouant aux cartes et même en buvant du Champagne, ce qui entretenait chez Cecina une colère latente.

– Non seulement c’est une garce mais en plus elle boit ! roncho

En fait, Anielka devait boire modérément car son comportement diurne ne se ressentait jamais de ses libations nocturnes.

À propos d’alcool, Aldo se servit un autre verre, mais il ne retourna pas s’asseoir. Saisi d’une soudaine envie de voir ce qui se passait dans l’hôtel voisin, il ouvrit doucement la porte-fenêtre, descendit les quelques marches, et marcha jusqu’au bout du jardin afin d’apercevoir la façade voisine. Comme il l’espérait, il y avait de la lumière à deux des fenêtres du rez-de-chaussée, celles dont il se souvenait qu’elles éclairaient un petit salon. La décision d’Aldo fut immédiate : il était venu pour voir, il allait voir ! Il rentra poser son verre, puis marcha sans bruit vers les buissons de rhododendrons, d’hortensias et de troènes qui traçaient, avec une courte grille contre le mur, la frontière entre les deux hôtels mitoyens.

Ce n’était pas la première fois qu’il franchissait cette muraille végétale. Il l’avait fait déjà le soir où Eric Ferrals fêtait ses fiançailles avec la belle Polonaise, et c’était même à cette occasion qu’il avait failli recevoir sur la tête Adalbert Vidal-Pellicorne, invité de la soirée mais occupé sur les balcons du premier étage à des activités n’ayant pas grand-chose à voir avec le comportement normal d’un homme du monde

Rien de tel à craindre, cette fois : Adalbert devait lire en train de se préparer à partir pour Londres.

La traversée des buissons effectuée sans bruit, Morosini s’approcha des fenêtres à pas de loup. Le spectacle qu’il découvrit avait quelque chose de paisible, presque de familier : Anielka, une cigarette aux doigts, était assise sur un canapé, les jambes repliées sous elle dans une attitude qui lui était coutumière. Elle parlait avec quelqu’un qu’Aldo ne vit pas tout de suite. Il pensa qu’il s’agissait de Wanda mais, pour mieux s’en assurer, glissa jusqu’à la fenêtre voisine et, là, retint de justesse une exclamation : assis dans un fauteuil et fumant lui aussi, il y avait un homme, et cet homme n’était autre que John Sutton, le fils bâtard, l’e

Les fenêtres étant fermées, il était impossible d’entendre ce que se disaient ces deux-là, d’autant qu’ils ne devaient pas parler très haut. Seul le rire d’Anielka parvint à franchir le vitrage. Soudain, la scène changea : Sutton jeta sa cigarette à demi consumée dans un cendrier, se leva, vint jusqu’au canapé et prit les deux mains de la jeune femme pour la faire lever puis l’enlaça avec une fougue qui en disait long sur le désir qu’il éprouvait.

Tandis qu’il enfouissait son visage contre le cou mince, elle s’abando

Morosini resta là, sans bouger, éto

Pour l’instant, mieux valait ne pas se manifester et observer plus que jamais les manigances de ce beau monde.

Une idée soudaine traversa l’esprit d’Aldo tandis qu’il se frayait de nouveau un chemin au milieu les buissons fleuris : Adalbert partait dans quelques heures pour rencontrer Gordon Warren. Il fallait à tout prix qu’il sache que John Sutton était passé avec armes et bagages dans le camp e

Rentré sur les terres Sommières, il trouva Marie-Angéline assise sur les marches, ses bras encerclant ses genoux. Il aurait dû se douter qu’elle n’irait pas se coucher avant son retour.



– Vous avez trouvé quelque chose ?

– Oui… et quelque chose que je dois faire savoir à Vidal-Pellicorne. Le téléphone est toujours chez le concierge ?

– Eh oui ! Nous n’avons pas changé d’avis à ce sujet !

En effet, Mme de Sommières détestait jusqu’à l’idée qu’une vulgaire machine pût la so

– Bon, alors j’y vais !

– Ce n’est pas prudent ! Nous avons pris tellement de précautions pour vous amener ici. Si l’on vous voit de la maison d’à côté ?

– Croyez-moi, il n’y a aucune chance, ricana-t-il. Do

Quelques secondes plus tard, il prenait sa course vers la rue Jouffroy, en regrettant que le parc soit fermé, ce qui eût raccourci le trajet mais pour un homme aussi bien entraîné que lui ce n’était pas une affaire.

C’en fut une, par exemple, que se faire ouvrir. Adalbert et son valet devaient dormir du sommeil du juste en attendant l’heure du train, et il fallut un bon moment avant que la voix ensommeillée de l’archéologue demande qui était là :

– C’est moi, Aldo ! Ouvre, s’il te plaît ! Il faut que je te parle…

La porte s’ouvrit :

– Qu’est-ce qui te prend ? Tu as vu l’heure ?