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— Un prince n’a pas le droit d’être vulgaire. Ce que je veux de toi c’est un accomplissement, celui qui a été écrit pour moi il y a bien longtemps et que toi seul peux me do

— N’y vois pas une offense à ta beauté mais je ne pourrai jamais !

— Je crois que si. Je vais t’aider… Bois encore un peu de café !

Il obéit machinalement tandis que, par trois fois, elle frappait dans ses mains. Une musique douce commença dans la pièce voisine et la servante reparut. Sans qu’un mot soit prononcé, elle vint ôter la tiare d’or ciselé qui coiffait sa maîtresse et qu’elle emporta. Salomé alors se dressa sur ses pieds nus où tintaient des a

Enfin le dernier voile tomba tandis que la danse atteignait un paroxysme. Le pectoral glissa à terre et aussi la ceinture avant que Salomé vînt s’abattre nue et haletante aux pieds de Morosini dont elle enlaça les chevilles. Dans un dernier sursaut, il se leva pour fuir l’enchantement mais elle était à genoux à présent et, tout en l’enveloppant de caresses, elle remonta le long de son corps comme une branche de lierre et commença à le dévêtir. D’un geste instinctif il voulut la repousser et, pour ce faire, posa les mains sur elle. Et cessa de résister… Sa peau était douce et le parfum qu’elle exhalait agissait lui aussi comme un philtre. Un instant plus tard ils s’abattaient ensemble au milieu des coussins. Aldo oublia tout. Mais lorsqu’il la prit, il eut la plus forte des surprises : Salomé était vierge…

Elle sentit son sursaut et l’enlaça plus étroitement encore :

— Chut ! souffla-t-elle. Il fallait qu’il en soit ainsi…

Plus tard, il demanda :

— Pourquoi fallait-il qu’il en soit ainsi…

— Parce qu’il y a très longtemps, un homme est mort d’avoir refusé le don que je t’ai fait aujourd’hui…

— Mais c’est stupide ! Je ne suis pas le Baptiste et tu n’es pas fille d’Hérodiade…

— Peut-être l’avons-nous été ? Qui peut savoir ?… En tout cas, lorsque je t’ai vu, l’autre soir, j’ai su aussitôt que tu étais celui qui devait venir, celui pour qui je me gardais…

Il s’écarta d’elle aussitôt.

— Quelle folie ! Entendons-nous bien, Salomé ! Je t’ai aimée parce que tu l’as voulu, parce que tu as mis ce prix à ce que j’ai désespérément besoin d’apprendre… et aussi parce que tu es très belle et que je ne suis qu’un homme.

— Tu regrettes ?

Il haussa les épaules, se releva, drapant ses reins d’un des voiles abando

— Je mentirais si je niais que tu m’as fait vivre un moment… inoubliable, mais sache-le bien, nous ne le renouvellerons jamais…

— Tu as peur que je m’accroche ? Non, sois sans crainte ! Tu partiras libre et je ne te demanderai plus rien. Au contraire, c’est à moi de remplir ma part… du marché !

Le mot était venu avec tant de tristesse qu’Aldo revint s’asseoir au bord du divan et prit l’une des mains de la jeune femme sur laquelle il posa un baiser rapide.





— Le mot est trop laid pour ce que tu m’as fait vivre. Accord lui conviendrait mieux, quand deux êtres composent ensemble une telle symphonie.

Elle le regarda au fond des yeux et sourit avec une sorte de tendresse :

— Merci.

Elle se levait à son tour pour étirer lentement son corps magnifique dans la chaleur du brasero offrant un si voluptueux spectacle que Morosini jugea plus prudent de fermer les yeux. Il ne voulait pas céder une nouvelle fois à la tentation… Quand il les rouvrit, elle avait revêtu une dalmatique de brocart jaune et allumé, elle aussi, une cigarette. L’odeur du « lattaquié » se mêlait à celle du tabac anglais.

— Veux-tu encore un peu de café ?

Il fit signe que non. Alors, au lieu de revenir près de lui, elle tira un pouf de cuir bleu brodé d’argent et s’assit en face de l’autre côté de la table à café.

— Je ne sais rien de ceux qui veulent que tu retrouves les pierres mais je vais te dire pourquoi, dans ce pays, on les considère comme la pire malédiction et pourquoi il est dangereux d’y faire seulement allusion : parce que ce sont des pierres juives…

— On m’a dit que Jéhovah lui-même les a do

— Mais son fils l’était et si tu commences à m’interrompre nous n’en finirons jamais…

— Pardon.

— … Parce qu’elles ont causé la mort du sultan Murad et qu’en reparaissant elles feraient peut-être surgir une vérité cachée depuis des siècles, une vérité qui touche à l’origine de celui qu’ils considèrent comme leur plus grand prince avec Soliman le Magnifique : Mehmed II le Conquérant, celui qui a asservi Byzance, la capitale chrétie

— Et cette origine était ?

— Juive.

Les yeux de Morosini s’arrondirent :

— Comment est-ce possible ?

— Par la mère, bien sûr. Celle que l’on appelait Huma khatoun, que son fils honora toujours et à qui il dédia même une mosquée, venait du ghetto de Rome. Elle s’appelait Stella, un nom qui reproduit le persan Esther, veut dire étoile et était usité uniquement dans les familles juives. Au cours d’un voyage vers Alexandrie avec sa mère et son frère, elle fut prise par l’un de nos reis et ramenée à Andrinople pour y être vendue comme esclave mais sa beauté la fit entrer au harem du Grand Seigneur. Murad s’éprit d’elle et en fit sa seconde épouse, la première étant une princesse serbe nommée Mara Brancovitch, fille de leur grand prince George… Un jour, Huma khatoun, pour lui do