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— Il n’a tout de même pas osé faire une chose pareille, cet Alwar de malheur ?

— Il est capable de faire bien pire encore ! Allons boire quelque chose, j’en ai besoin !

Ils s’installèrent au bar, à peu près désert à cette heure de la journée. Ils commandèrent des « Mint julep » bien glacés qu’ils assaiso

— Et tu ne sais pas encore le plus beau !

— C’est déjà pas si mal. Que peut-il y avoir encore ?

— Ça !

Et Aldo déposa ouvert devant son ami l’écrin de cuir bleu dans lequel la « Régente » se prélassait, coquine à souhait sous son petit chapeau scintillant.

— Tu l’as reprise ? souffla Adalbert.

— Penses-tu ! Il me l’a rendue. Dès l’instant où je me refusais à faire partie de son cirque, elle ne l’intéressait plus. Elle n’était qu’un appât pour m’entraîner dans son repaire…

L’archéologue prit la perle et l’admira, posée à plat sur sa paume :

— Elle est pourtant bien belle… et bien chargée d’histoire ! D’ordinaire on s’arrache les joyaux royaux ou impériaux. Celle-là n’arrive pas à se trouver un port ! Perso

— Tu oublies notre ami Napoléon VI ?… Je pense, vois-tu, que je vais en revenir à ma première idée : l’offrir au musée du Louvre ! Quant au petit Le Bret, j’ai déjà assuré son sort.

— Et toi, tu oublies les bo

— Elles auront leur part. Je suis assez riche pour cela. Et puis rien ne dit que le Musée ne me do

— J’aime ton optimisme ! Quand je pense que nous avons fait tout ce chemin et que tu as failli te faire tuer pour en arriver là ! C’est à pleurer !

Morosini haussa les épaules avec désinvolture :

— Cela fera des souvenirs à raconter à mes petits-enfants. Et puis, à Kapurthala, elle trouvera peut-être un acquéreur, ajouta-t-il, incorrigible. Quand devons-nous partir ?

— Demain. Tu vois qu’il était temps que tu arrives.

— En attendant, je vais prendre possession de ma chambre. Le train du Vice-Roi est peut-être blanc, mais les escarbilles sont toujours aussi noires !

Tandis qu’Aldo prenait l’ascenseur pour retrouver là-haut un Amu rayo

Ils se retrouvèrent pour le lunch et, sans laisser à son ami le temps d’articuler une parole, Adalbert lui apprit qu’il était invité à prendre le thé chez la Vice-Reine. Ce qui ne lui fit aucun plaisir. D’abord parce qu’il n’aimait pas beaucoup ce type de réunions mondaines essentiellement féminines et bavardes, ensuite parce qu’il devinait sans peine ce qui lui valait une aussi flatteuse invitation : il allait jouer à coup sûr le rôle sans gloire de bête curieuse et devoir raconter son histoire à un escadron de femmes qui la plupart du temps devaient s’e

— J’aurais préféré, dit-il, voir son époux. D’abord pour le remercier, ensuite parce que j’ai des choses à lui dire…

— L’un n’empêche pas l’autre ! Il arrive à lord Willingdon de prendre le thé chez sa femme. Allons, ne joue pas les ours ! Tu auras au moins le plaisir de voir Mary Winfield ! Le portrait est déjà commencé…



— C’est vrai. Je l’oubliais. J’aime bien Mary. Elle est, en ce moment, le seul lien qui me rattache à Lisa. Et c’est tellement précieux pour moi !

— Tu oublies les liens du mariage ? Ça compte aussi… et puis, ne va pas te démolir le moral ! Fais-toi beau ! Tu vas rencontrer un tas de jolies femmes…

— C’est bien ça qui me fait peur ! Enfin…

Un peu avant cinq heures, les deux hommes, tirés à quatre épingles, sortaient de la ville en longeant un affluent de la Jumna, la plus importante rivière du Rajputana… et se retrouvèrent en pleine jungle : en dehors de la route, plus aucun signe de civilisation n’était visible.

— Tu es sûr que nous allons à la Résidence demanda Morosini.

— Tout à fait. Ceci est un bout de pays sacré, le Holly Land. Si on le laisse ainsi, c’est pour honorer la mémoire des soldats brita

En effet, quelques tours de roues plus tard, les broussailles s’ouvraient devant l’entrée d’un parc à ce point brita

— On se croirait en Angleterre. C’est un peu inattendu !

— Mais très concevable ! Tu peux faire confiance aux Anglais pour s’éviter la nostalgie autant que faire se peut. Je les crois capables de recréer un jardin anglais au pôle Nord !

Rien n’y manquait : ni les te

— Les Anglais, ajouta Adalbert, trouvent cette résidence un peu modeste et attendent avec impatience l’énorme palais qu’on est en train de construire dans la nouvelle Delhi. À la mesure de l’Empire sans doute, mais il me semble que j’aimerais mieux habiter ici…

L’atmosphère en effet était aimable, bon enfant même. Des bruits de conversations arrivaient jusqu’aux visiteurs sur un fond de musique anglaise. Adalbert glissa son bras sous celui de son ami :

— Viens ! fit-il joyeusement. Allons faire nos révérences… et ne fais pas cette tête-là ! Tu as l’air d’un chrétien qu’on va livrer aux fauves.

En pénétrant dans la partie réservée à la Vice-Reine, Aldo eut l’impression d’entrer dans un bouquet d’orchidées. Tout ici était mauve : les rideaux, les tapis, le chintz des sièges – ce fameux chintz destiné à séduire Alwar et qui avait si mal réussi ! – et Lady Willingdon elle-même offrait une symphonie de mousselines déclinées dans la même couleur et ornées d’un piquet d’orchidées à l’épaule. D’un âge difficile à définir, elle arborait, au-dessus d’un visage à la fois aristocratique et altier, une chevelure rousse qui arracha un soupir à Aldo tandis qu’il s’inclinait sur une main chargée de bagues d’améthystes.

— Ah ! s’exclama Lady Émily, voilà donc notre voyageur égaré chez ce vautour d’Alwar ! Mesdames ! ajouta-t-elle en élevant une voix normalement clairo

C’était exactement ce qu’Aldo redoutait le plus ! Assis auprès de la Vice-Reine, une tasse à la main, il subit le feu roulant de questions qui avaient l’avantage d’être bienveillantes et qui, à son soulagement, abando

— Enfin nous allons pouvoir bavarder, Aldo ! soupira-t-elle. Dès que vous apparaissez quelque part toutes les femmes se collent à vous comme des abeilles sur un rayon de miel !

— Pitié, Mary ! Vous n’allez pas, vous aussi, me demander de vous raconter ma vie depuis Bombay ? Adalbert s’en chargera. Moi je ne vous dirai qu’une chose : vous aviez entièrement raison de vouloir m’empêcher d’aller là-bas. Un point c’est tout !