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— Ben voyons ! Surtout si on sait que la nuit il fait un froid de canard !

Décidément Adalbert se crampo

Étrange voyage en vérité, où le battement monotone des roues du train rythmait les séquences d’un film au ralenti où il ne se passait jamais rien. Assis derrière sa vitre Aldo regardait défiler un paysage morne où l’on ne retrouvait plus rien des luxuriances des environs de Bombay ni de leur touffeur de serre. Ici c’était une sorte de savane d’herbe sèche coupée parfois d’un bouquet d’arbres poudreux ou de buissons rabougris sur lesquels volaient des bandes d’oiseaux paresseux. Parfois, tout de même, un groupe de gazelles do

À la vérité son imagination n’avait pas grand chose à faire car il avait trouvé en Ramesh un guide, pas très loquace sans doute mais toujours capable de lui dire le nom de l’endroit et ce qui s’y était passé. Ainsi, entre les haltes des repas Aldo, fasciné malgré lui, ne bougea-t-il pas de sa fenêtre et atteignit-il Jaipur sans avoir seulement ouvert l’un des livres ou des journaux qu’il avait emportés.

L’arrêt en gare de Jaipur, où il fallait tuer le temps pendant deux heures au moins, l’agaça. Il savait que la ville, capitale du Rajahstan, sans doute le plus important centre de pierres précieuses des Indes, était des plus belles et des plus intéressantes. Pourtant il fallait se contenter d’y passer sans admirer le palais de la Lune, celui des Vents et le prodigieux observatoire en plein air construit par la volonté d’un prince astronome…

— Perso

C’était la sagesse même puisqu’il ne pouvait être question de ne pas suivre l’horaire prévu et risquer de faire attendre l’imprévisible maharadjah. N’avait-il pas pris la peine de minuter – à peu de chose près ! – le voyage de celui qu’il appelait son « frère » ? Ce qui ne laissait pas d’inquiéter quelque peu Adalbert :

— Dans les indications que tu as reçues il n’a jamais été question de moi et je n’ai pas l’impression qu’il m’ait inclus dans sa famille…

— Tu fais partie de la mie

Cependant, quand sur le coup de quatre heures du matin on descendit du train sous un vent glacial dans la ravissante petite gare en grès rose d’Alwar, on découvrit, plantée sur le quai, la mince silhouette enturba

— Nous sommes deux, que je sache, capitaine ! Et Sa Grandeur le sait. D’où vient qu’il n’y ait qu’une seule tasse ?

— Cette coutume ne s’attache qu’aux hôtes d’ho

— Qui est-ce ? demanda Morosini en constatant que perso

— Un célèbre astrologue de Bombay, Shandri Patel. Veuillez m’excuser un instant, s’il vous plaît !

Il s’écarta, appela d’un claquement de doigts deux soldats que les voyageurs n’avaient pas remarqués et leur désigna le nouveau venu. Ils allèrent vers lui, prirent la valise puis l’empoignèrent chacun par un bras pour l’entraîner, sans s’occuper de ses protestations, vers une voiture militaire qui statio





— Où l’emmène-t-on ? demanda Morosini sans cacher sa surprise.

— En prison, voyons ! répondit l’officier comme si c’était la chose la plus naturelle.

— Et il est venu se faire enfermer de son plein gré ? fit Adalbert qui se souvenait d’avoir vu au wagon-restaurant ce petit homme rondelet et olivâtre qui semblait tellement satisfait de lui-même et jouait au grand seigneur.

— Il est venu parce que Son Altesse l’a invité.

— Si c’est ainsi que Son Altesse reçoit, fit Aldo qui tournait déjà les talons pour remonter dans le train.

— Non, Excellence ! Le cas de cet homme est très différent. S’il est venu c’est parce que ce n’est pas un bon astrologue.

— À quoi voyez-vous cela ?

— Moi je ne vois rien. Le maharadjah, lui, pense. Ce n’est pas un bon astrologue parce qu’il aurait dû lire dans les astres qu’on le jetterait en prison à son arrivée. Veuillez me suivre, Messieurs !

— Eh bien, souffla Adalbert tandis qu’on lui emboîtait le pas, je crois que nous pourrions avoir des surprises… Ça commence bien !

— La seule chose à faire, c’est de ne pas traîner ici, fit Aldo même jeu. Je vais essayer de régler l’affaire dans la journée et on repart.

— On aura du mal. Il t’a a

— Je déteste la chasse quelle qu’elle soit !

On rejoignit la longue voiture dont la carrosserie argentée brillait doucement dans l’obscurité qu’éclairait à peine un mince croissant de lune. Un serviteur en ouvrit la portière armoriée devant Morosini, qui s’effaça aussitôt pour laisser monter son ami. C’était sans doute un accroc au protocole puisque celui-ci apparemment n’était pas classé hôte d’ho

— Votre maître me fait l’ho

Et il rejoignit Adalbert sur les coussins qui, comme tout l’intérieur de la voiture, étaient recouverts en peau de tigre… Ce qui ne parut pas l’enchanter. Le plus redoutable des félins semblait être le symbole même d’un État dont le prince en avait les yeux et peut-être les instincts féroces. L’incident de la gare était assez révélateur d’un humour froid et cruel. « Sortir de là au plus tôt ! » pensa-t-il. Restait à savoir si ce serait facile. Un vague pressentiment lui soufflait que lui et Adalbert, en dépit du confort raffiné de la somptueuse voiture occidentale, venaient de pénétrer dans un temps reculé où les choses dépendaient du bon plaisir d’un seul homme. Adalbert devait en penser autant car Morosini entendit soudain :

— De toute façon, on ne lambinera pas ici au delà de la date fixée pour le départ pour Kapurthala.