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Restaurée, elle se rhabilla, se recoiffa en bandeaux avec un chignon tordu sur la nuque, remit son chapeau, son manteau, ses grandes lunettes qui la rassuraient comme si elle portail un masque, prit son sac, l’épaisse serviette de cuir, sortit de sa chambre et quitta l’hôtel…

Elle n’alla pas loin : simplement jusqu’au bureau de poste de la rue de Castiglione où elle demanda un numéro de téléphone. Ses instructions spécifiaient qu’elle ne devait en aucun cas appeler de l’hôtel. Le numéro dépendait du standard Marcadet, mais elle ignorait dans quelle demeure il aboutissait et devait se contenter de demander Luis. Elle l’obtint d’ailleurs presque aussitôt et le dialogue s’engagea :

— Vous venez d’arriver ? demanda une voix masculine à l’accent ibérique.

— Oui.

— Où êtes-vous descendue ?

— Hôtel Continental, rue de…

— Je sais où c’est. Sous quel nom ?

— Mina Van Zelden.

Elle entendit un ricanement désagréable :

— Vous n’auriez pas pu trouver plus simple ? Vous autres aristocrates, il vous faut toujours des noms à tiroirs…

— Je co

— Bon. Peu importe. Vous avez ce qu’on vous a demandé ?

— Oui.

— Tout y est ?

— Tout.

— Bien. Alors maintenant écoutez ! Vous allez rentrer à votre hôtel et y rester sans bouger jusqu’à ce soir. À neuf heures, vous sortirez sous les arcades de la rue de Rivoli en vous arrêtant au coin de la rue Rouget-de-l’Isle. Une voiture viendra vous prendre mais jusque-là vous ne communiquerez avec perso

— Si par perso

— Pas seulement ! Nous savons que vous co

— Comment va-t-il ?

— Comme on peut aller quand on est enchaîné au fond d’un trou avec un pain de quatre livres et un seau d’eau tous les deux jours. Il était temps que vous arriviez d’ailleurs, car on allait diminuer ses provisions de moitié. Vous allez le trouver changé !

De nouveau le ricanement pénible. Les doigts de la jeune femme se crispèrent sur l’appareil au point de blanchir aux jointures.

— C’est tout ce que vous avez à me dire ?

— Non. Comment êtes-vous habillée ? On a une belle photo de vous en robe du soir mais je suppose que vous ne vous baladez pas avec des kilomètres de satin blanc et une fortune en émeraudes ?

— Je porte un tailleur gris sous un cache-poussière, un chapeau de feutre gris… et des lunettes !

— Parfait. À ce soir… et tenez-vous tranquille hein ?

— Comme si j’avais le choix…

Elle raccrocha, paya sa communication et repris à pas lents le chemin de l’hôtel. Revenue dans sa chambre, elle s’adossa un instant à la porte refermée en laissant tomber la serviette et s’efforça de respirer à fond pour essayer de calmer les battements désordo





Elle pleura longtemps mais, peu à peu, les sanglots, si douloureux au début, s’apaisèrent et l’épouse d’Aldo finit par sombrer dans un sommeil dont elle avait le plus grand besoin…

L’après-midi était avancé quand elle s’éveilla. Il y avait une éternité qu’elle n’avait aussi bien dormi et il lui fallut un moment pour réaliser où elle se trouvait, avant que la notion de ce qui s’était passé et de ce qui allait advenir ne lui revie

La colère était venue quand, à Vie

À sa petite-fille, Mme von Adlerstein avait affirmé aussitôt que c’était impossible. Un coup monté, peut-être, une affreuse machination, mais Aldo était incapable d’une mauvaise action et d’un crime encore moins :

— Je co

C’était bon à entendre même si Lisa savait, d’expérience perso

Il avait fallu calmer la colère du vieux et charmant Guy Buteau, qui vouait au couple une affection paternelle :

— Je n’accepterai pas – et en cela je sais que je traduis la pensée d’Aldo – que vous vous engagiez dans une aventure aussi dangereuse ! Aldo ne manque pas d’amis dévoués à Paris. Je suis certain qu’ils font tous leurs efforts pour le retrouver…

— Moi aussi j’en suis certaine, Guy, mais vous avez lu : je dois venir moi-même…

— Pas difficile de deviner pourquoi : quand ils vous tiendront, ils ne vous lâcheront plus. N’oubliez pas de qui vous êtes la fille unique !

— Il y a peut-être un moyen. Nous allons laisser courir le bruit qu’il m’est arrivé un accident et je vais ressusciter Mina. C’est sous cette identité que j’irai à Paris. À moi de les convaincre que je suis vraiment ce que je prétends être. Et pour commencer je vais teindre mes cheveux…

— Lisa, Lisa ! Vous avez des enfants. Les oubliez-vous ?

— Les oublier ? Dieu me pardo

— Et s’ils n’ont plus ni l’un ni l’autre ?

— Il leur restera assez d’amour pour les entourer jusqu’à ce qu’ils soient un homme et une femme. Il y a ma grand-mère, mon père, vous.

— Alors je vais avec vous !

— Non, Guy. Je dois y aller seule et le plus vite possible : vous avez lu cette lettre ? Vous devez rester justement pour protéger les enfants. Ces gens sont capables de s’en prendre à eux…

Il avait bien fallu en passer par où le voulait Lisa et, nantie d’une fortune en joyaux tirés de leurs écrins et logés dans des sachets de peau de chamois, elle avait pris le train pour Paris…

Elle consulta sa montre. Il lui restait trois heures avant de gagner le lieu du rendez-vous. Que faire à présent au cœur de cette ville qu’elle aimait, où vivaient ceux qu’elle considérait non seulement comme ses meilleurs amis mais aussi comme sa famille : Adalbert le fidèle, Mme de Sommières et ce phénomène sympathique et déroutant qui avait nom Marie-Angéline, et puis, encore plus proche géographiquement parlant, Gilles Vauxbrun qui lui montrait toujours une respectueuse admiration. Ils étaient là, tout près, et cependant à des milliers de lieues. Il aurait été tellement réconfortant de pouvoir partager sa peur, son angoisse avec eux. Mais ne les partageaient-ils pas déjà et depuis plus longtemps qu’elle sans doute, eux qui vouaient à Aldo une amitié si vraie, une tendresse si pure ?