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— Voilà qui scellera mieux notre amitié ! dit-il. Cette pierre a la couleur du sang et le sang est le meilleur lien entre les hommes. Essaie de t’en souvenir quand tu regarderas ce bijou.
Aldo ne put que remercier avec tout de même un vague sentiment de honte. En venant à ce rendez-vous qui ne lui plaisait guère, il gardait une arrière-pensée : celle de proposer la « Régente » à ce prince visiblement richissime mais, après le don qu’on venait de lui faire, il était un peu difficile de parler boutique. D’autant plus que, les circonstances étant ce qu’elles étaient, Alwar pouvait très bien prendre cela pour un échange de bons procédés et la valeur de la perle était infiniment plus élevée que celle du joli rubis qu’il recevait.
— Je regrette, devant tant de générosité, de ne rien pouvoir offrir de comparable…
— Un peu de ton temps sera amplement suffisant. Je suis encore ici pour quelques semaines, Ensuite je me rendrai en Angleterre…
— C’est que moi je dois rentrer prochainement à Venise… Le temps est encore ce qui va me manquer le plus.
— Tu ne pars pas ce soir ?
— Non, bien sûr !
— Alors nous pouvons encore passer quelques moments ensemble ?
« Et dire, pensait Aldo en se retirant, que m’étais juré que cette visite n’en aurait pas de seconde ! »
Il fallait bien en prévoir au moins une, sinon l’homme aux yeux de tigre était bien capable de lui tomber dessus à la maison un jour prochain. N’avait-il pas dit qu’il aimait Venise ? Ou quelque chose d’approchant…
— Eh bien, dis-moi, s’écria Adalbert en le voyant rentrer. Vous avez eu des choses à vous dire ? Il est plus de six heures !
— Oh, le temps passe vite en sa compagnie ! Il m’a pratiquement confessé ! Et regarde ! ajouta Aldo en lui tendant la bague qu’il avait ôtée dans la voiture et mise dans sa poche. Il a décidé que nous étions quasiment frères !
— Peste ! Il a la fraternité généreuse, mais je me demande ce qu’aurait pensé ta mère d’un fils de cet acabit !… Bon ! Oublions-le pour passer à un autre sujet : on dirait que c’est aujourd’hui la journée des rubis ! Tiens, lis ça !
Il tendait le journal plié où figurait un article entouré au crayon rouge. C’était, sous la plume de Martin Walker dont la signature prenait de plus en plus de développement, un « papier » que la crainte de déplaire à un hôte illustre retenait visiblement à la limite du sensatio
Le texte disait qu’une paire de bracelets de rubis avait été subtilisée dans l’appartement de la princesse Brinda. Aucune autre parure n’avait été volée et, à la place, on avait découvert une petite carte portant simplement la lettre N. Suivait un long développement sur le mystérieux perso
— Alors ? fit Adalbert. Qu’est-ce que tu en penses ?
— Comme toi, je suppose. Notre Napoléon VI et le sombre marquis d’Agalar pourraient bien ne faire qu’une seule et même perso
— Il est certain que c’est la première pensée qui présente, mais je t’avoue que j’ai peine à y croire.
— Pourquoi ? Parce qu’il a un type beaucoup trop espagnol pour être petit-fils d’une Russe ? La loi de Mendel joue parfois de drôles de tours. Et puis pourquoi seulement ces deux bracelets alors qu’il y avait sans doute beaucoup d’autres colifichets passio
— Je vais te dire pourquoi. Parce que ce sont des bijoux russes et que notre empereur russo-corse ne s’intéresse qu’à eux et aux Français. Les bracelets ont appartenu à la comtesse Abrasimoff qui te plaît tant.
— Pas à toi ? émit l’archéologue, la mine i
— Oh ! Elle est très belle et j’en conviens volontiers, mais tu sais qu’aucune femme ne saurait plus me plaire…
— C’est beau, la vertu !
— Tu peux dire l’amour, tu ne te tromperas dit Aldo gravement. Il n’empêche que je vais aller chez elle, et dès demain, parce qu’elle non plus n’a pas assisté au dîner.
— Tu la soupço
— Pourquoi pas ? Elle a peur d’Agalar parce qu’elle craint son emprise mais d’autre part elle délire presque lorsqu’elle évoque les joyaux que les Bolcheviks lui ont volés. Ces bracelets, elle m’en a parlé.
— Sans doute mais tu as vu dans quel état elle était lorsqu’elle a reco
— Oh, je ne dis pas qu’elle a fait le coup et je pense sincèrement que c’est don José ; mais ce que je veux savoir, c’est si elle a lu le journal, ce qu’elle pense et si, d’aventure elle n’aurait pas quelques nouvelles de son bel ami ?…
— Pour en revenir à lui, il y a quelque chose d’incompréhensible : voilà un homme qui s’apprête à épouser une milliardaire et il s’amuserait à venir jouer les monte-en-l’air pour voler des bijoux que sa fiancée a largement les moyens d’acheter…
— Très juste, mais alors explique-moi ce qu’il faisait hier soir au château de Longchamp quand il aurait dû tenir la main de Miss Van Kippert dans le silence feutré d’un petit salon du Crillon ?
Aldo n’eut pas le temps de répondre. Deux coups brefs furent so
CHAPITRE VII
LA NUIT INSENSÉE
— Désolé de vous déranger à un moment que vous jugez peut-être inopportun, fit le policier avec un mince sourire dont il envoya la fin à Morosini. Vous alliez sortir, sans doute ?
— Oh, cette jaquette ? dit celui-ci traduisant le regard du visiteur. Je ne sors pas, je rentre. J’ai été invité à déjeuner par le maharadjah d’Alwar et cela a duré plus que je ne pensais !
— Quant à moi, je ne suis pas sorti du tout, émit Adalbert dont le vieux chandail et le pantalon de velours côtelé n’étaient guère adaptés aux mondanités. Mais asseyez-vous, monsieur le commissaire et dites-nous ce qui nous vaut votre visite. Un verre ?
Cette fois Langlois rit franchement :
— Question pertinente, monsieur Vidal-Pellicorne. Vous voulez savoir si je suis en service ? Eh bien j’accepte volontiers de boire quelque chose : cette journée a été éreintante !
Nanti d’une fine à l’eau, Langlois prit place avec un soupir de contentement dans l’un des bons vieux fauteuils en cuir de l’archéologue :
— C’est agréable de venir chez vous, apprécia-t-il. Mieux vaut sans doute que je n’en fasse pas une habitude…
— Pourquoi pas ? J’aime que l’on se trouve bien chez moi !
— Ne me tentez pas ! J’ai passé ma journée au château de Longchamp à entendre, avec un interprète, les serviteurs du seigneur de Kapurthala. Sans apprendre grand-chose d’ailleurs. Et puis en examinant la liste des invités d’hier j’ai vu vos noms et l’idée m’est venue de vous rejoindre dans l’espoir que, peut-être, vous en sauriez un peu plus. Auriez-vous remarqué un fait quelconque au cours de la soirée ?
— À part le malaise dont l’un des invités a été victime pendant le repas, dit Adalbert, je ne vois rien à signaler.
— Savez-vous de qui il s’agissait ?
— Un noble espagnol, le marquis d’Agalar, je crois ? Nous étions même surpris de le voir là, étant do
— Ne vous éto
— La jeune fille a compris qu’elle avait affaire à un faisan ? émit Aldo qui était allé changer sa jaquette contre un veston.