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En temps normal, Aldo fût allé droit le lui demander mais une idée lui traversa l’esprit : il cessa de voir provisoirement en lui l’un de ses plus vieux amis transformé en dragon gardien de trésor. Ce soir Vauxbrun ne tiendrait pas Pauline sous son regard jaloux. Avec un peu de chance, elle serait seule… Et lui, Morosini, rien ne l’obligeait à regagner Versailles dans l’immédiat puisqu’il avait déjà communiqué à Lemercier le succès de sa mission…
Prenant bien soin de ne pas entrer dans le champ de vision de Gilles, Aldo le vit se détourner du pa
Heureux comme un collégien en vacances, Aldo, fermant les oreilles aux cris d’alarme de son ange gardien, sortit de la gare, sauta dans un taxi et se fit conduire au Ritz. Avant de porter ses pénates rue Alfred de Vigny lors de ses passages à Paris, il avait été un fidèle client de l’hôtel, où il revenait de temps en temps. On l’y co
— Nous l’avons do
— Pourquoi voulait-elle justement cette chambre ?
— Monsieur le prince lui aurait dit que c’était celle qu’il choisissait toujours et comme Monsieur le prince n’était pas à Paris…
— En ce cas, mon cher ami, il ne vous reste plus qu’à me confier le nom de cette dame ?
La réponse fut ce qu’il espérait :
— Mrs Pauline Belmont. D’ailleurs la voici.
Pauline faisait en effet son entrée, vêtue d’une robe du soir noire, asymétrique et entièrement pailletée sous un ample et léger manteau de satin blanc. Trois étoiles dans ses cheveux de jais et des girandoles en diamants tremblant contre son cou composaient sa parure visible, ses mains et ses bras étant cachés sous les longs gants de satin. Le sourire aux lèvres, elle rejoignit un couple d’un certain âge qui l’attendait visiblement. Le contact fut très américain : joyeux et volubile. Les deux femmes s’embrassèrent et il fut évident pour Aldo qu’ils allaient sortir pour dîner quelque part. Affreusement déçu, il hésitait entre oser se présenter à eux ou monter dans sa chambre quand Pauline se détourna : elle avait oublié de remettre sa clef au portier. C’est alors qu’elle vit celui qui la regardait sans rien dire et ses yeux s’illuminèrent soudain :
— Vous ? Mais comment êtes-vous ici ? Pourquoi ne m’avez-vous pas prévenue ? dit-elle précipitamment en lui tendant les mains.
— C’est vraiment fortuit. J’arrive de Zurich et en débarquant gare de l’Est j’ai vu Gilles grimper dans un train, la mine farouche. Lui ne m’a pas vu, alors j’ai pensé qu’au lieu de rentrer à Versailles, nous pourrions passer une soirée ensemble… sans témoins ! Malheureusement…
— Non. Ce n’est pas grave ! Ce sont d’anciens et chers amis que je ne peux abando
Il ne l’avait jamais vue aussi émue. Ses lèvres tremblaient et son regard étincelant suppliait. Ce qui était superflu…
— Je vous attendrai…
Il la regarda sortir avec ses amis dans les lumières de la place Vendôme. Le voiturier ouvrit pour eux la portière d’une imposante automobile de laque noire où ils prirent place. Aldo, alors, se dirigea vers l’ascenseur pour gagner sa chambre où l’on avait déjà monté son léger bagage qui ne renfermait aucune tenue de soirée, ce qui lui rendait difficile l’accès aux salles à manger. C’était de peu d’importance : il n’avait aucune envie de s’y montrer. Ce dont il avait rêvé, c’était d’emmener Pauline dîner à Montmartre ou à Montparnasse dans un de ces petits bistrots où perso
Des minutes qui semblaient des heures passèrent. Interminables, occupées par la fumée des cigarettes qu’Aldo allumait l’une après l’autre. De temps en temps, il se levait pour respirer l’air frais du soir ou le bouquet de roses posé sur un guéridon. Il se retrouvait à quinze ans attendant son premier rendez-vous d’amour mais gardait cependant assez de sang-froid pour s’irriter de cette faiblesse. Il se jugeait ridicule : le téléphone allait so
Et puis, peu avant minuit, on frappa à sa porte, qui s’ouvrit, et Pauline entra sans rien dire. Elle le regardait seulement, debout devant le vantail repoussé et ce regard fascina Aldo. Il se leva lentement pour aller vers elle, vers ce visage dont la passion exaltait la beauté sensuelle. Comme au petit matin de Newport, elle tendit les bras qu’elle referma étroitement sur lui quand il l’étreignit. Et plus rien n’exista…
Quand Aldo s’éveilla au lever du jour, il était seul dans le lit bouleversé où s’attardait le parfum de Pauline et un long cheveu noir qu’il prit avec délicatesse pour l’enrouler autour de son doigt. La nuit qui s’achevait avait été torride et tendre à la fois et c’était cette tendresse qui mettait une ombre sur l’extraordinaire sensation d’euphorie. Cela voulait dire qu’il ne s’agissait pas seulement de leurs corps mais qu’un peu de leur âme s’était détachée d’eux pour aller vers l’autre. Et ça c’était inquiétant… Dès l’instant où l’acte de chair devenait acte d’amour, tout était à craindre.
En se dirigeant vers la salle de bains et la douche froide dont il avait le plus grand besoin pour se remettre les idées en place, il trouva, sur la coiffeuse, une enveloppe sur laquelle la main ferme de Pauline avait tracé son nom et dans laquelle, bien sûr, il y avait une lettre :
« Je plaide coupable, Aldo… Ce qui s’est passé cette nuit, je l’ai voulu de toutes mes forces au mépris total de ce dont nous étions convenus. Notre étreinte trop brève, au lendemain du bal, m’avait laissé un goût d’inachevé d’autant plus cruel que c’était un éblouissement. Ce matin, je suis divinement heureuse… et un peu triste aussi parce que je n’ai pas le droit de m’installer dans votre vie, d’y devenir… une habitude – qui sait ? – et peut-être ensuite un poids. Alors, souffrez que je referme sur moi les portes du paradis. Au besoin aidez-moi afin qu’à notre prochain revoir nos regards soient sans ombre et nos sourires assez clairs pour reprendre où nous l’avons laissée le cours d’une belle amitié… Le mot – l’un de ceux que je préfère cependant – paraît terne, n’est-ce pas ? Mais c’est ma volonté et je vous demande la grâce de m’aider à y rester fidèle… » Et soudain la plume sage sembla prise de folie : « Mais pourquoi faut-il que je t’aime à ce point ? » Pas de signature…