Страница 47 из 81
Il s’était arrangé pour la rencontrer au moment où l’on quittait le Hameau. Confiant un instant Tante Amélie à Adalbert, il était allé vers elle assez vite pour que Vauxbrun n’ait pas le temps de l’emmener. « Il faudrait que j’aie une conversation avec celui-là, pensait-il. Qu’est-ce qui lui prend de l’accaparer avec des airs de propriétaire ? » Mais il se calma en la voyant faire quelques pas à sa rencontre avec un sourire radieux :
— Pauline à Versailles ! Mais quelle merveilleuse surprise, murmura-t-il en baisant sa main juste un peu plus longtemps que ne l’autorisait le code de la politesse.
— Elle l’est aussi pour moi ! J’ignorais que vous fussiez à Paris !
— Vauxbrun ne vous l’a pas dit ? Pourquoi ? ajouta-t-il à l’attention de son ami qui s’était hâté de les rejoindre…
— Justement pour t’en réserver la surprise, coupa celui-ci avec une mauvaise foi totale. Notre amie vient pour exposer ses œuvres et il était normal que je la fasse inviter à cette soirée. Tu devrais me remercier !
— Mais comment donc ! Merci, mon vieux !… Chère baro
La rencontre en effet fut empreinte de la soudaine sympathie née entre les deux femmes. Tante Amélie remercia Pauline de son hospitalité et de l’aide qu’elle et les siens avaient apportée à la paire Aldo-Adalbert embarquée dans une histoire aussi ténébreuse que dangereuse. Elle fut tout de suite sensible au charme de la nouvelle venue. Elle aima son regard direct, sa voix chaleureuse, l’étreinte ferme de sa main et le respect empli de gaieté qu’elle lui montra. Elle sentit qu’elle avait devant elle un être de qualité mais ne put s’empêcher de se demander jusqu’à quel point son neveu y était sensible. Il était bien joyeux d’un seul coup !
On se rendit en groupe vers les tables en laissant passer ces quelques instants avec « Mrs Belmont » – Pauline tenait à dépouiller la baro
— Quelle femme charmante ! dit-elle d’un ton léger. En temps ordinaire je ne raffole pas des filles de la libre Amérique mais celle-là est… exceptio
— Absolument ! Et, dans son genre, son frère ne l’est pas moins ! Il émaille ses discours d’un « Nous autres les Belmont » que je trouve irrésistible. Et quelle générosité ! Il tient quelque peu du marsouin parce qu’il passe la moitié de sa vie dans l’eau mais, à sa manière, c’est un vrai seigneur ! Je les aime bien tous les deux !
— Pas avec un petit plus pour « Pauline » ? Elle est d’autant plus séduisante qu’elle ne cherche pas à l’être !
— Bravo ! Vous possédez, chère marquise, la rare faculté de juger quelqu’un en un clin d’œil et sans jamais vous tromper. Vous avez raison : il est facile de s’attacher à elle ! fit-il avec un léger soupir.
— C’est aussi ce que pense Aldo ?
Une so
— Elle a été pour lui comme pour moi une amie parfaite. Comment voulez-vous qu’il en soit autrement ?
Olivier de Malden en venant lui enlever Tante Amélie pour la conduire à sa place lui évita d’en dire plus long ou de mentir. Il se promit d’éviter autant que possible les apartés avec une aussi fine mouche. Mais la première chose à faire en urgence lui semblait d’intimer à Morosini l’ordre de mettre sa lampe sous le boisseau. Cet imbécile rayo
Quand, le souper achevé on se réunit dans les salons pour offrir à la géniale maîtresse de maison un gigantesque bouquet de fleurs et boire une dernière coupe de champagne, Adalbert attira Marie-Angéline à part mais il n’eut même pas à ouvrir la bouche :
— Vous, dit-elle en pointant son index sur lui, vous vous faites de la bile.
— Cela se voit à ce point ?
— Non, mais moi je vous co
— Ah, vous trouvez ? roncho
Il s’était hâté de profiter du répit offert par Léonora, qui, l’œil farouche, était venue récupérer son chevalier servant.
— Mais mettez vos lunettes et regardez-les ! Il est en train de tomber amoureux d’elle… si ce n’est déjà fait !
— Il le croit peut-être mais vous vous trompez ! Il est l’époux de Lisa et il en a profondément conscience.
Devant une indulgence aussi coupable qu’inattendue chez Plan-Crépin, Adalbert prit feu :
— Et si je vous disais…
— Rien ! Je ne veux rien savoir… Sinon ceci : que se produirait-il, selon vous, si à cet instant Lisa faisait dans ce salon l’une de ces apparitions dont elle a le secret ?…
— Elle serait furieuse.
— Elle n’en aurait pas le temps ! Aldo se précipiterait vers elle avec son amour au bord des lèvres.
— Ah, vous le croyez ? C’est parce que vous ne savez pas à quel point Pauline Belmont est exceptio
— Lisa aussi est exceptio
— Son… tort ?
— Eh oui, son tort ! Où était-elle quand Aldo a rencontré cette Pauline ? À Vie
— Tudieu, Plan-Crépin ! s’exclama derrière eux Mme de Sommières qu’ils n’avaient pas vue venir. Si c’est le genre de catéchisme que l’on enseigne à la messe de six heures, je me demande si je ne devrais pas vous défendre d’y aller ?
L’interpellée leva vers le plafond un nez offensé et renifla :
— Je dis ce que je pense !
— Et ce n’est pas idiot. Vous me surprenez !… Cela dit, mon cher Adalbert, nous mêler de sa romance ne servirait qu’à braquer notre don Juan. Contentons-nous de veiller au grain mais de loin. Et ne me prenez pas pour une entremetteuse si j’invite Mrs Belmont à déjeuner ou à dîner un jour prochain…
À la vérité, leurs trois inquiétudes si soucieuses auraient pu entendre ce que se disaient Aldo et Pauline. D’autant qu’ils avaient commencé par ne rien dire. Il lui avait offert une cigarette et tous deux accoudés à la balustrade admirèrent d’abord en silence le parc et les jardins dont les lumières s’éteignaient l’une après l’autre. Comme une lente marée l’obscurité remontait vers eux.
— Je savais que vous deviez venir, murmura Aldo. Mais pas seule. Vauxbrun, malade d’angoisse attendait…
— Diana Lowell ? La pauvre s’est fracturé le genou en tombant de cheval ! fit Pauline en riant. C’est cruel à dire mais le cher Vauxbrun en a été agréablement soulagé.