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— Gilles a peut-être fait ce qu’il faut pour qu’il faille se hâter ? Quand il est amoureux, il ne se possède plus, hasarda Aldo.

— Tu rêves, mon chéri. Souviens-toi de ce qu’il a écrit : une pure jeune fille… une infante et presque une madone ! Et mexicaine par-dessus le marché ! Les privautés prénuptiales ne sont pas de mise avec ce genre de fiancée, ou gare à l’entourage !

Aldo en convint, se rangea finalement à l’avis de sa femme et s’embarqua sur la branche du Simplon-Orient-Express qui desservait Venise… en compagnie des deux ravissants tableaux de Guardi qu’il avait choisis comme cadeau de noces. Il savait qu’ils feraient plaisir à Gilles. Et après tout, c’était ce qui comptait. Si le cher garçon trouvait le bonheur dans ce mariage un peu disproportio

Il en eut confirmation à la gare de Lyon où l’heureux fiancé était venu l’attendre et faillit ne pas le reco

— Tu vas à un enterrement ?

— Non. Pourquoi ?

— Ce noir ? Je le trouve un brin tristounet pour un fiancé !

— Oh ça ?… (Puis avec un rire pudique :) Isabel trouve que cela me sied ! Que cela m’affine !

Décidément, c’était Gilles Vauxbrun repeint par le Greco ! Autant s’y faire tout de suite !

— Eh bien, parle-moi d’elle ! Tu es heureux, j’imagine ?

— Tu ne peux pas savoir à quel point ! Aucune jeune fille au monde n’est plus belle, plus noble, plus sage ! Je n’arrive pas encore à croire à ma chance. C’est une reine que j’épouse, tu sais ?

— Ben voyons ! fit Aldo, indulgent. Moi, je trouve qu’elle a autant de chance que toi et j’espère qu’elle s’en rend compte !

— Que veux-tu dire ?

— Que tu es, toi aussi, un roi dans ton genre et que j’espère qu’elle t’apprécie. Qu’elle est aussi amoureuse que tu l’es…

— Naturellement elle l’est et j’en suis sûr mais…

— Mais quoi ?

— Une jeune fille de son rang – elle descend à la fois de Charles Quint et de Montezuma ! – ne saurait se montrer expansive ou faire étalage de ses sentiments ! Un sourire, un regard en sont les seuls témoignages que peut s’autoriser une vierge de sa condition. Doña Luisa, sa grand-mère, y veille de près…

Aldo eut soudain l’impression d’assister à une représentation de Ruy Blaset d’entendre les interdits de la Camarera Mayor : « Madame, une reine d’Espagne ne regarde pas par la fenêtre !… Madame, une reine d’Espagne ne reçoit pas de fleurs… » et faillit se mettre à rire mais la mine extatique de son ami lui en fit passer l’envie. Il poursuivait :

— Elle sera pour moi une épouse exceptio

— Une châtelaine ?



— Oui, j’ai acheté un château mais je te raconterai plus tard. Elle m’attend au Ritz et je t’y conduis. J’ai évidemment retenu ta chambre puisque c’est là que tu descends d’habitude.

Morosini s’arrêta au milieu du quai, ce qui obligea Vauxbrun à en faire autant, ainsi que le porteur de ses bagages. Puis, dardant sur son ami un regard inquiet :

— Tu te sens bien ?

— Mais… naturellement ! Qu’est-ce que tu as ?

— C’est à toi qu’il faudrait poser la question. En dehors de Lisa et des enfants dont tu ne m’as pas demandé de nouvelles, tu te souviens peut-être de ma Tante Amélie – la marquise de Sommières !

— Forcément, puisque je l’ai invitée. Elle va bien, j’espère ?

— Je te le dirai tout à l’heure quand tu m’auras conduit chez elle, rue Alfred-de-Vigny, où j’habite lorsque je viens à Paris !

Vauxbrun eut un petit rire et se frappa le front :

— Quel imbécile je fais ! Comment ai-je pu l’oublier ? Toutes mes excuses, mon vieux ! Depuis que nous sommes plongés dans les préparatifs du mariage, je mélange tout ! Bien sûr, tu vas rue Alfred-de-Vigny !… Mais là, je vais te mettre dans un taxi, ajouta-t-il en consultant sa montre. Isabel m’a do

Il était fébrile à présent, pressé de gagner la sortie vers laquelle il allait s’élancer. Aldo le retint :

— Une minute, s’il te plaît ! Commence par me débarrasser de ça ! fit-il en tendant la valise spéciale contenant les deux Guardi qui avaient voyagé avec lui.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Notre cadeau de mariage, à Lisa et à moi. Avec tous nos vœux de bonheur !

— C’est un tableau ?

— Deux. Les Guardi que tu aimes tant. Nous espérons que ta fiancée les aimera aussi !

Soudain ému jusqu’aux larmes, Gilles embrassa son ami :

— Merci ! Mille fois merci ! Je sais déjà où les mettre… mais pour l’instant il faut que je me hâte. Tu comprends, n’est-ce pas ?

En fait, Aldo comprenait de moins en moins et, dans le taxi qui l’emmenait au parc Monceau sur lequel do

L’impression revint en force quand on se retrouva le lendemain après-midi à la mairie du VIIe arrondissement pour le mariage civil… et en très petit comité : les deux fiancés et les quatre témoins. Pour Doña Isabel, son oncle et son cousin, et pour Gilles, qui n’avait aucune famille, son assistant et fondé de pouvoir Richard Bailey, un Anglais d’une soixantaine d’a

Cela constaté, Aldo ne s’y attarda pas, confondu par la rare beauté de la jeune fille devant laquelle son ami semblait en adoration perpétuelle. Plus qu’à un fiancé heureux, il ressemblait à un croyant devant la statue d’une sainte, figée elle-même dans une vie intérieure inaccessible au vulgaire.

Avec ses longs yeux noirs dont les paupières se relevaient rarement, le visage d’Isabel, que semblait tirer en arrière la masse d’une épaisse chevelure brillante coiffée en bandeaux et nouée en un épais chignon sur la nuque, évoquait quelque divinité féline par sa forme légèrement triangulaire. Le teint était d’ivoire, légèrement rosé aux pommettes, la bouche d’un beau corail clair était bien dessinée, pulpeuse juste ce qu’il fallait sous la noblesse fière d’un petit nez parfait, soulignée aux coins des lèvres d’un pli orgueilleux. Quant au sourire, impossible d’en juger : consciente peut-être de la gravité de l’instant, Doña Isabel ne l’offrit à perso