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Quand il descendit pour le petit déjeuner, il vit Marie-Angéline déjà revenue de la messe de 6 heures en train de tremper mélancoliquement un croissant dans sa tasse de café au lait, l’œil fixé sur une marmelade d’oranges dont elle n’avait pas fait usage contrairement à son habitude. Elle avait à peine fait attention à lui quand il s’était attablé après avoir répondu un bonjour machinal au sien. Il était évident qu’elle avait beaucoup pleuré…

— Angelina ! fit-il, désolé. Vous allez vous rendre malade et cela me navre ! Vous êtes la force de cette maison et si vous vous abando

Elle darda sur lui un regard furieux.

— Ne me racontez pas d’histoires, Aldo ! Même si j’arborais un large sourire, vous ne partiriez pas tranquille ! Ou alors vous avez énormément changé !

— Que voulez-vous dire ?

— Que même si vous n’êtes pour rien dans l’enlèvement de Mrs Belmont, n’essayez pas de me faire croire que cela vous laisse indifférent ! Si vous n’étiez pas marié…

— Mais je suis marié à une femme merveilleuse et cela change tout ! Sinon bien sûr que je me serais lancé à sa recherche, quelle que soit la confiance que je place dans les talents de Langlois mais…

— Une lettre pour Monsieur le prince ! a

— Ce n’est pas l’heure du courrier ! remarqua Marie-Angéline.

— En effet, Mademoiselle, mais le concierge vient de la trouver sous le portail…

Aldo s’en était emparé aussitôt et déchirait l’enveloppe d’un doigt nerveux, tandis que son cœur manquait un battement. Les messages délivrés hors norme ne lui inspiraient aucune confiance. Celui-là, cependant, rédigé sur un papier épais et par une main élégante, semblait pourtant animé des meilleures intentions : « Ne vous laissez surtout pas aller à la tentation de vous mêler de l’enquête et surtout ne manquez pas votre train demain soir ! Cela n’aiderait perso

Sans un mot, il tendit le billet à son vis-à-vis. Qui le prit, le parcourut, fronça les sourcils, le relut et finalement le rendit mais sans perdre son air soucieux.

— Bizarre ! Cela semble provenir de quelqu’un qui vous co

— Voyons, Marie-Angéline, vous me co

Plan-Crépin devint rouge brique et brandit dangereusement une cuillère tardivement enduite de marmelade d’oranges :

— Si elle est tombée dans un piège, elle l’a bien voulu ! Et d’abord pourquoi ne serait-elle pas en train de goûter les charmes du bel automne suisse au bord d’un lac… et en compagnie d’amis de rencontre ?…

— Sans bagages et après avoir prévenu le Ritz qu’elle s’absenterait deux ou trois jours ? Allons donc !

— Avec de l’argent on obtient ce que l’on veut – par exemple des vêtements ! – dans n’importe quel coin d’Europe ! Quant au Ritz, il en a vu d’autres et on n’en demande pas plus dès l’instant où elle conserve sa chambre et ses affaires dedans ! Ces Américaines sont capables de tout…

— Et de n’importe quoi, je sais ! Mais que vous a-t-elle fait pour que vous la haïssiez à ce point ?

Sans lâcher sa cuillère, elle se laissa aller sur sa chaise, semblant soudain très lasse.

— Mais je ne la hais point !… Simplement elle me fait peur en raison de sa puissance sur vous ! Il suffit qu’elle paraisse et vous voilà sens dessus dessous !

— Où allez-vous chercher ça ?

— J’ai des yeux pour voir, des oreilles pour entendre. Quand elle vous parle, elle roucoule ! Et vous aussi !





— Moi, je roucoule ? se rebiffa-t-il, trop abasourdi pour trouver une parade.

On ne l’avait encore jamais comparé à un pigeon mais Plan-Crépin était hors d’elle.

— Parfaitement ! Et, bien entendu, quand vous l’avez rencontrée dans le sleeping, vous l’avez invitée à prendre une tasse de thé au wagon-restaurant en causant de la pluie et du beau temps ? s’écria-t-elle en se dressant sur ses pieds, ce qui amena Aldo à en faire autant.

— J’ai fait ce que j’avais à faire !

La phrase était maladroite. La riposte claqua :

— Oui. L’amour !

L’entrée inopinée de Mme de Sommières sauva Marie-Angéline de la gifle qui démangeait la main d’Aldo.

— Qu’est-ce qui vous prend de hurler de la sorte, tous les deux ? On vous entend depuis l’escalier.

Plan-Crépin prit la lettre restée sur la table et la tendit à la marquise d’une main tremblante de colère :

— Tenez ! Lisez ! Je ne suis pas seule à penser que cet homme devient fou dès que son Américaine s’inscrit dans le paysage ! Et il était grand temps que quelqu’un lui dise ses quatre vérités ! Pauvre, pauvre Lisa !

Et elle sortit sans oublier de claquer la porte derrière elle. Les deux autres observèrent le phénomène sans souffler mot. Enfin, après un court silence, Tante Amélie soupira.

— Pauvre Plan-Crépin ! Elle déverse sur toi le chagrin que lui cause la désertion de notre Adalbert ! Ce qui ne veut pas dire que ta conduite la laisse indifférente. Seulement, toi, elle t’a sous la main !

— Plus pour longtemps ! Encore quelques heures et j’aurai cessé de troubler votre quiétude !

— Tu es bien le seul à le penser ! J’aperçois une suite infinie de jours où toi et Adalbert allez vous retrouver au centre de toutes nos conversations. Curieuse, cette lettre ! Elle semble animée des meilleures intentions, alors pourquoi est-elle anonyme ?

— On peut souhaiter mettre quelqu’un en garde, tout en ne désirant pas se faire co

— Pourquoi ?

— Croyez-vous que cela m’amuse de rentrer tranquillement chez moi alors que Pauline est peut-être en danger ?

— Sans doute, mais tu n’as pas le choix si tu ne veux pas mettre ton couple en péril. Or, d’après ce que je crois comprendre, tu hésitais ! Donc cet avis est on ne peut plus opportun. Va prendre ton train, mon garçon, et laisse Langlois faire son travail. Au moins tu peux être certain qu’il le fera convenablement ! Et tu lui as promis de partir !

La journée se traîna lamentablement sous un jour bas et lugubre. Il faisait froid et, par-dessus le marché, une pluie têtue se déversait interminablement sur Paris : un temps capable de mettre à fond de cale le moral le plus solide. Ce que n’était pas celui d’Aldo. Pour ne pas emplir de fumée la demeure de Tante Amélie, il sortit griller quelques cigarettes sous les arbres dépouillés du parc Monceau à peu près désert. Même les nurses anglaises les mieux aguerries avaient renoncé à pousser leurs landaus armoriés sous cette tristounette contrefaçon du déluge. Le promeneur solitaire se garda d’ailleurs d’aller trop loin, le trop loin étant représenté par l’entrée du boulevard de Courcelles où l’on se trouvait à deux pas de chez Adalbert. La seule idée d’apercevoir les hautes fenêtres de son appartement haussma

C’était la seconde fois que son ami lui tournait le dos à cause d’une femme, mais il n’avait pas ressenti la première brisure aussi douloureusement que celle-ci, qu’il devinait plus grave. Alice Astor avait ébloui Adalbert mais c’était une femme impossible et surtout trop sotte pour qu’il ne s’en aperçoive pas un jour ou l’autre. Et puis Aldo avait lui-même autre chose à faire. La Torelli, sa beauté rayo