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A la pointe du jour, Catherine et ses compagnons se trouvèrent devant une étroite rivière qui roulait des flots tumultueux entre des croupes rocheuses, chevelues d'arbres. Dans le bouillo
— Voici le Suzon ! dit Gervais en désignant le ruisseau de son bâton.
C'est là que je vous abando
Cette suggestion ne semblait pas agréer beaucoup à Catherine. Elle objecta que l'abbé de Saint-Seine était possesseur du château de Mâlain, qu'il l'avait prêté à Garin pour l'y enfermer. Mais Gervais rétorqua : Je gagerais que messire Jean ignorait à quelles fins le Grand Argentier destinait son domaine. Plus que certainement, Garin de Brazey le lui a emprunté sous un prétexte. Tu peux te rendre sans crainte à Saint-Seine.
Serais-tu la pire e
Catherine réfléchissait. La longue marche nocturne l'avait fatiguée car on avait parcouru deux bo
La trahison de Pâquerette pouvait se reproduire. Garin était riche. Quelques sacs d'or ne lui coûteraient pas pour reprendre sa victime. Elle tendit la main au vieillard.
— Tu as raison. J'irai à Saint-Seine. Mais toi, si tu vois revenir au village un jeune homme vêtu de vert, un chevaucheur de la Grande Écurie...
— Je sais, coupa Gervais brusquement, l'amant de Pâquerette. Je lui dirai où tu es. Car il doit revenir te chercher, n'est-ce pas ?
— Il doit revenir, en effet. Maintenant, je veux te dire merci. Je n'ai rien pour te prouver ma gratitude, mais plus tard, peut-être, je pourrai le faire et...
Gervais lui coupa la parole d'un geste sec.
— Je ne te demande rien et ne veux rien. En te sauvant, j'ai seulement réparé le mal que Pâquerette m'avait fait commettre. Nous sommes quittes.
Je te souhaite d'être heureuse.
Ayant dit, le vieillard s'éloigna rapidement, revenant sur ses pas. Catherine et Sara virent sa silhouette imposante se dissoudre parmi les arbres. Elles se retrouvèrent seules auprès du ruisseau tumultueux.
— Allons ! fit seulement Sara.
Et, la première, elle s'engagea dans le chemin de pierres qui franchissait les eaux blanches. Le passage du gué s'effectua sans encombre. Parvenues sur l'autre rive, les deux femmes mangèrent un peu de pain que Gervais leur avait remis, burent de l'eau du ruisseau et se trouvèrent prêtes à se remettre en marche. Sara coupa deux fortes branches avec le couteau qu'elle avait toujours sur elle, en fit deux bâtons et do
— Nous avons encore deux lieues à faire et le chemin est difficile, dit-elle. Lentement, l'une derrière l'autre, elles commencèrent à remonter la pente du val du Suzon en direction de Saint-Seine. Le soleil se levait, le premier vrai soleil depuis tant de jours. Bientôt ses rayons enveloppèrent la terre encore transie d'une belle couleur dorée qui magnifiait toutes choses.
Quelques heures plus tard, au creux profond d'un plissement du plateau de Haute Bourgogne où courait une petite rivière, Catherine et Sara, exténuées mais heureuses, découvraient les grands toits gris de l'abbaye de Saint-Seine, la haute tour carrée couro
— Nous sommes arrivées, fit Sara. Il était temps, je n'en pouvais plus !
Elles descendirent le versant pelé du coteau, les yeux fixés sur la tour que les ouvriers abando
Une demi-heure plus tard, les deux fugitives s'écroulaient plutôt qu'elles ne s'agenouillaient devant le vantail de chêne noir armé de fer de la porterie.
Les femmes du village avaient regardé avec méfiance ces deux créatures aux vêtements déchirés par toutes les ronces de la grande forêt, aux visages salis et tirés par la fatigue. On s'attroupait, on les regardait et à travers les rues du village on les suivait. Des gamins déjà ramassaient des pierres pour les leur jeter. Catherine sentit la menace qui pesait sur elle et sur Sara. On n'aimait pas les vagabonds dans cette bourgade riche, aux poulaillers bien garnis, aux jardins bien entretenus. Et Sara avec ses cheveux bleus, son teint bistré n'inspirait pas confiance. La peur, toujours latente au fond de son âme depuis son enlèvement, s'enfla en Catherine comme un vent de tempête. Elle se peloto
— Asile... Pour l'amour de Dieu ! Asile !
Une autre pierre tomba. Mais, lentement, le lourd portail tournait sur ses gonds. La silhouette austère d'un moine en robe noire, un scapulaire sur les épaules, apparut. La troisième pierre lancée contre les deux femmes vint rouler à ses pieds. Il la repoussa de sa sandale, laissant peser sur les gamins et les commères un regard sévère, puis s'approcha du groupe lamentable et terrorisé que formaient Catherine et Sara dans les bras l'une de l'autre.
— Entrez ! fit-il d'une voix grave. L'asile vous est ouvert !
Mais cette ultime frayeur avait eu raison de la résistance de la jeune femme. Il fallut l'emporter, évanouie, jusqu'à la maison des hôtes du monastère.
Jean de Blaisy, abbé de Saint-Seine, était bien tel que Gervais l'avait décrit : d'une charité sans limite. Deux femmes avaient demandé asile, il leur accordait sans condition le refuge de son monastère. Mais en apprenant que l'une des deux mendiantes admises à la maison-Dieu, enclose dans l'abbaye pour le réconfort du pèlerin et les soins aux malades, demandait à lui parler, il montra quelque éto
Tandis qu'il achevait l'office divin, Catherine s'était tapie contre l'une des pierres tombales dressées le long du mur et attendait patiemment. Quand elle vit s'avancer vers elle le grand moine-seigneur, si imposant dans l'austère froc noir d'où émergeait une tête étroite cerclée d'une mince couro