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— Soyez sûre que je ne vous oublierai pas, Madame !

Catherine s'inclina légèrement puis murmura,

suave :

— J'en suis heureuse. Quant à moi, je n'ai jamais oublié votre Révérence.

C'est avec intérêt que je suivrai sa carrière.

Et, laissant là sa victime, Catherine s'en alla, lente et gracieuse, traînant derrière elle la vague verte et blanche de sa robe, pour retrouver Philippe qui, depuis un moment, suivait avec éto

— Qu'aviez-vous donc de si important à dire à notre évêque de Beauvais

? demanda-t-il en souriant. Vous étiez graves, tous deux, comme prélats en concile. Discutiez-vous un point de saint Augustin ? J'ignorais même que vous le co

Nous discutions... un point d'histoire de France, Monseigneur ! Il y a fort longtemps que je co

S'interrompant, elle leva sur le duc son regard vide, brusquement humide de larmes et reprit, une colère contenue faisant vibrer sa voix :

— ... comment pouvez-vous employer... estimer un tel homme ? Un prêtre qui a pris des bains de sang pour se hisser à son trône épiscopal ?

Vous, le grand-duc d'Occident ?... C'est un misérable !

Philippe adorait qu'on lui do

— Je le sais, mon cœur ! Et si je l'emploie, c'est qu'il m'est utile. Mais de là à l'estimer, non ! Voyez- vous, lorsque l'on est prince souverain, il faut parfois se servir de toutes sortes d'instruments. Maintenant... souris-moi et viens ouvrir le bal ! Plus bas encore il ajouta : « Je t'aime plus que tout au monde ! »

Un pâle sourire revint dans les yeux et sur les lèvres de Catherine. Les musiciens, dans leur tribune, attaquaient une pavane. Elle se laissa entraîner par le duc au milieu du vaste cercle, à la fois admiratif et envieux, que formaient les assistants.

Le jour des funérailles de Marguerite de Bavière, Catherine crut mourir de froid et d'angoisse à la fois. La duchesse douairière s'était éteinte rapidement, le 23 janvier 1424, trois mois après le mariage de sa fille, dans les bras d'Ermengarde. Philippe, qui se trouvait alors à Montbard avec Arthur de Richemont, était revenu trop tard pour revoir sa mère vivante et, depuis, une sombre désolation s'était abattue à la fois sur le palais et sur la ville où la défunte laissait de grands et sincères regrets. Quelques jours plus tard, par un froid noir, la dépouille mortelle fut conduite à sa dernière demeure, sous les voûtes admirables de la Chartreuse de Champmol, aux portes de Dijon. Là reposaient déjà son époux, Jean sans Peur, son beau-père, Philippe le Hardi, et sa belle-fille, la douce Michelle de France.

Lorsque, tôt le matin, alors que le jour n'était pas encore levé, Perrine avait habillé sa maîtresse en vue de la longue journée de cérémonies, elle avait été effrayée par la pâleur de Catherine.



— Madame devrait rester ici, se faire excuser...

C'est impossible ! Dans une semblable occasion, il faut être à la mort pour se dispenser d'assis ter aux funérailles. Ce serait offenser le duc dans sa douleur, répondit Catherine.

— Même Madame... dans son état ?

Catherine avait souri tristement.

— Oui, Perrine. Même moi !

Deux perso

C'est que, depuis les fêtes du mariage, ses relations avec Garin s'étaient singulièrement détériorées. Le Grand Argentier ne se départissait plus, envers elle, d'une glaciale politesse en public et, dans le privé, du moins quand il était là, il ne lui adressait presque jamais la parole, sinon sur un ton blessant auquel Catherine ne comprenait rien. Évidemment, il savait, comme tout Dijon, la nature exacte de ses nouvelles relations avec le duc, mais qu'il songeât à s'en montrer offensé, voilà qui dépassait l'entendement de la jeune femme. N'avait-il pas tout fait, tout mis en œuvre pour qu'il en fût ainsi ?

Alors, pourquoi cette attitude méprisante que Catherine supportait mal ?

D'autant plus mal que, depuis un mois et demi, elle n'avait pratiquement pas revu Philippe, occupé aux soins de ses états et toujours par les chemins. La tendresse passio

Perrine achevait d'habiller Catherine aussi chaudement que possible.

Obligée, comme toute la Cour au deuil intégral, elle était vêtue de noir de la tête aux pieds, mais une fortune en zibeline réchauffait le velours épais de ses vêtements. Un lourd voile noir tombait de l'atour à bourrelets de fourrure qui la coiffait. De courtes bottes fourrées, dissimulées par la robe et la cape, et des gants de velours de même couleur complétaient cet équipement dont aucun bijou ne relevait l'austérité. En principe Catherine était bien protégée, mais il faisait si froid ! La jeune camériste, peu rassurée, avait hoché la tête en regardant par la fenêtre l'épaisse couche de neige qui couvrait les toits et se transformait peu à peu dans les rues, sous les pas des citadins, en boue glaciale ou en plaques dangereusement glissantes. Or, Catherine aurait à parcourir, à pied, un long trajet.

La messe sole

Mais le pire avait été l'interminable cortège qui, au pas, avait serpenté à travers la ville. Catherine avait gravi là un vrai calvaire !

Sous le jour livide, on avait défilé entre les maisons drapées de noir, au son des trompettes funèbres tandis que toutes les cloches de la ville so

L'aspect du duc avait achevé de glacer le cœur de Catherine. Il avait l'air d'un automate. Brusquement, sous l'empire du chagrin, Philippe était redevenu pour elle le souverain inquiétant... à qui, cependant, il allait falloir demander une difficile grâce, et le plus vite possible ! La veille au soir, Colette, la vieille camériste de Marie de Champdivers, était venue trouver Catherine, en toute hâte, et lui avait appris la terrible nouvelle : quelques heures plus tôt, Odette et frère Étie