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— Eh bien, soupons donc ! Rien ne sert d'attendre davantage.

— Excusez-moi, fit Catherine, je n'ai pas faim. Je préfère rentrer chez moi. Mon absence ne vous sera certainement pas pénible. Recevez mes souhaits de bo

Une rapide révérence et elle avait quitté la salle. Dans l'escalier, l'impression d'étouffement s'envola. Décidément, elle respirait mieux quand elle était loin d'Isabelle et de Marie. Elle rassembla les plis lourds de sa robe pour monter plus vite, gravit presque en courant les dernières marches et tomba dans les bras de Sara qui venait d'installer Michel pour la nuit.

Tremblant à la fois de chagrin et de froid, elle s'accrocha au cou de sa vieille amie, cherchant instinctivement la chaleur d'un réconfort.

S'il me laisse continuellement avec ces deux femmes, je n'y tiendrai pas, Sara, je ne pourrai jamais ! Je sens leur haine et leur dédain comme si c'était quelque chose que l'on pût toucher. Dès demain, je verrai Arnaud, je lui dirai qu'il doit choisir, qu'il...

— Tu te tiendras tranquille ! coupa Sara fermement. Tu devrais avoir honte de te conduire comme une gamine. Et pourquoi donc ? Parce que ton époux a d'autres devoirs et ne peut passer son temps à roucouler auprès de toi ? Quel enfantillage ! C'est un homme, tu sais, et il doit mener sa vie d'homme. La tie

— Du courage, du courage ! maugréa Catherine. Est-ce qu'un jour viendra où l'on cessera de m'en demander ? Je n'en ai plus, moi, du courage.

— Mais si !

Maternellement, Sara fit asseoir la jeune femme désolée sur une banquette et passa son bras autour d'elle. La tête blonde vint se nicher tout naturellement contre son épaule.

— Du courage, mon petit, il t'en faudra encore beaucoup, plus peut-être que tu ne le crois, mais tu ne faibliras pas, parce que tu l'aimes... parce que tu es sa femme.

Tandis que la main tendre de Sara caressait sa tête inclinée, Catherine ne vit pas que des larmes, de nouveau, emplissaient les yeux sombres de la zingara. Elle n'entendit pas la prière muette qui montait du cœur de sa vieille amie, une prière passio

— Noble dame, fit le soldat, essoufflé d'avoir couru, messire Arnaud vous demande ! Vite... c'est très urgent ! Il a besoin de vous... Il est malade !

— Malade ?

Catherine jeta loin d'elle la quenouille de laine qu'elle filait auprès du berceau de Michel, pour occuper ses mains, se leva d'un bond.

— Qu'a-t-il ? Où est-il ?

— Dans le donjon. Il inspectait les défenses du couro





Catherine ne s'attarda pas à poser d'autres questions. Jetant un dernier regard à son fils qui dormait et sans même prendre le temps d'appeler Sara descendue aux cuisines, elle ramassa ses jupes et sortit en courant à la suite du soldat. En franchissant le seuil du logis, une rafale de vent la frappa de plein fouet, collant sa robe à ses jambes comme un drap mouillé. Là-bas, le donjon se dressait au centre de longues écharpes de brume que la tempête faisait tournoyer. Catherine se courba instinctivement pour lutter contre les bourrasques humides et, tête baissée, comme un petit taureau de combat, elle fonça à travers l'immense place d'armes. L'angoisse la portait en avant et, en même temps, elle éprouvait une joie curieuse. Enfin il l'appelait ! Enfin, il avait besoin d'elle !...

Depuis bientôt une semaine qu'il avait élu domicile dans la tour Saint-Jean, elle l'avait à peine vu. Chaque matin et chaque soir, il venait au logis saluer sa femme, sa mère, mais ne les embrassait pas. Il souffrait de la gorge, disait-il, et toussait. Pour la même raison, il refusait de toucher son fils. Inquiète, Catherine avait interrogé Fortunat et ce qu'elle avait appris ne l'avait guère rassurée. Arnaud ne mangeait pratiquement rien et passait ses nuits debout, arpentant sa chambre durant des heures.

— Ce pas régulier dans la nuit, c'est à devenir fou !... confessait Fortunat. Il y a, en monseigneur, un souci qu'il ne veut pas avouer.

Plusieurs fois, Catherine avait essayé de s'isoler avec son époux, mais elle avait constaté avec douleur qu'il semblait la fuir, elle plus encore que les autres. La sauvegarde de Carlat et de ses habitants paraissait devenue le seul intérêt de sa vie

: il s'y consacrait entièrement, évitant, Catherine en avait une sorte de conscience, le logis où les trois femmes menaient leurs vies opposées autour du berceau de Michel. Elles s'observaient, s'épiaient, guettant les faux pas ou les moments de dépression pour s'en faire des armes. À cette escrime implacable, Marie était passée maîtresse tandis que Catherine s'y écorchait. Elle souhaitait désespérément comprendre, saisir cette chose peut-être infime qui lui échappait et qui éloignait d'elle son époux. Mais, tout en courant à travers la cour balayée par ce vent du sud qui affolait les moutons, elle se disait que le soudain malaise d'Arnaud allait le lui livrer. Elle s'accrocherait si bien à lui qu'il lui faudrait dire enfin la vérité !

Elle franchit la porte basse du donjon, puis se lança à l'aveuglette dans l'escalier. Aucune torche ne brûlait à l'intérieur, contrairement à l'habitude, mais un aigre courant d'air mugissait. Le vent avait dû éteindre les flammes en soufflant à travers les meurtrières. Catherine s'appuya d'une main aux pierres humides, tâtant du pied les marches usées. Peu à peu ses yeux s'habituaient à l'obscurité quasi totale de la vis de pierre, chichement éclairée de loin en loin par d'étroites fentes pratiquées dans l'épaisseur formidable des murs. Une étrange sensation de solitude étreignit Catherine. Il n'y avait aucun homme d'armes, aucun va-et-vient dans cet escalier, empli d'un vacarme terrible, tout en haut, comme si le to

Catherine s'aperçut que le soldat venu la prévenir avait disparu sans qu'elle sût où il était passé. Absorbée par ses inquiétudes, elle n'avait pas pris garde à lui, mais il était étrange que la maladie d'Arnaud ne déchaînât pas plus d'agitation. Et cet escalier qui n'en finissait pas !

Courant toujours, elle dépassa la porte de la première salle, continua de monter, mais le souffle lui manqua soudain. Le cœur battant la charge, elle s'adossa un instant au mur gluant pour reprendre haleine. Tandis qu'elle cherchait à retrouver son souffle, son regard plongea instinctivement par la meurtrière qui s'ouvrait près d'elle... Un sursaut la secoua. Elle colla son visage en sueur à la longue fente et poussa une exclamation de stupeur. Là, en bas, sortant de la vieille commanderie, elle apercevait Arnaud, vêtu et armé comme d'habitude. Il semblait en parfaite santé et soutenait, de la main, la marche hésitante du vieux sire de Cabanes. Catherine plissa les yeux pour mieux voir. Mais non, le doute n'était pas possible : c'était bien Arnaud !

Elle leva les yeux vers le sommet du donjon où le tintamarre de tout à l'heure avait fait trêve. Ce silence subit lui fit percevoir, nettement, la respiration lourde, bruyante de quelqu'un qui montait. Elle ne s'en inquiéta pas tout de suite, passa un bras par la fente du mur et appela :

— Arnaud ! Arnaud !

Elle était trop loin, trop haut ! Montsalvy ne l'entendit pas. Sans même tourner la tête, il s'éloigna vers la forge avec Cabanes.

Haussant les épaules, Catherine commença à redescendre, plongea dans une zone d'ombre. Dans sa hâte, elle manqua une marche, se tordit un pied et retint un gémissement. Il lui fallut s'arrêter un instant pour laisser à la douleur le temps de se calmer. C'est alors que, des ténèbres de l'escalier, elle vit surgir le visage empourpré d'Escornebœuf. Il montait lourdement, les mains en avant, les yeux fixes, secoué par un rire silencieux. Le sang de Catherine se glaça dans ses veines en même temps que l'envahissait la brutale conscience d'un danger. Mais elle voulut payer d'audace. L'immense carcasse du Gascon obstruait complètement l'étroit escalier et il ne semblait pas disposé à céder la place.