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: « Aux remparts !... Aux armes ! »

L'abbesse se tourna vers la prieure :

— Allez jusqu'à la porterie, mère Agnès des Anges, et voyez d'où vient ce tintamarre. Je gage que nous allons être attaqués...

La religieuse s'inclina et courut vers l'autre extrémité du jardin. Mais elle n'eut pas le temps d'atteindre la porterie. La tourière, de son côté, accourait par les allées tracées entre les massifs de petit buis et de plan tes médicinales. Elle était rouge d'émotion et sa cornette était de travers.

— Messire de Vignolles est là, ma Mère, dit-elle précipitamment après une courte révérence. Il dit que l'Anglais approche et qu'il désire parler d'urgence à Mme de Brazey.

Mère Marie-Béatrice fronça les sourcils. Elle n'aimait guère ces perpétuelles incursions des soldats dans son couvent où elles entretenaient une atmosphère de fièvre très peu compatible avec le recueillement.

Catherine allait intervenir, se jeter vers le visiteur, mais la supérieure, d'un geste ferme, la retint par le bras et la rejeta derrière elle.

— Messire de Vignolles ne peut-il nous laisser prier en paix, au moins le dimanche ? fit-elle avec humeur. C'est un couvent ici, et non pas la grande salle de quelque château féodal. Il semblerait que...

Elle n'eut pas le loisir d'en dire davantage. Un pas rapide et ferré faisait so

— Ma Mère, je n'ai pas beaucoup de temps pour discuter, encore moins pour les délicatesses. L'e

Mère Marie-Béatrice allait sans doute discuter, mais, juste à cet instant, Catherine, incapable de se contenir plus longtemps, se glissa entre elle et le capitaine.

— Me voici, Messire ! Ne criez pas si fort et d'abord sachez ceci : je ne partirai pas d'ici avant d'avoir retrouvé Arnaud.

— Alors, Madame, s'emporta immédiatement La Hire, vous avez une bo

— Comment osez-vous dire cela ? s'écria Catherine en saisissant le bras de l'abbesse. Vous abando

Mais les habitants, les religieuses ?

— C'est la fortune de la guerre, ma fille, dit doucement mère Marie-Béatrice. Nous autres, épouses du Seigneur, avons peu à craindre des Anglais qui, comme nous, sont chrétiens. La soumission opportune de la ville pourra peut-être lui éviter le pire. L'Anglais manque d'argent et de vivres. Il ne peut s'offrir le luxe de nous réduire en cendres !

— Il s'est gêné pour Pont-de-1'Arche, peut-être ?

— Assez discuté ! coupa La Hire avec impatience. Vous allez partir, dame Catherine, parce que je ne peux plus assurer votre sécurité et que vous seriez une charge pour moi... je suis soldat, pas dame de compagnie.

La colère et l'angoisse conjuguées emportèrent Catherine.



— Vraiment ? Vous êtes soldat et vous voulez m'envoyer sur les routes ? Et pour aller où, je vous prie ? Ét Arnaud, Arnaud aux mains de Venables ? Vous l'oubliez ?

— Je n'oublie rien. Pour lui, je me sépare de vingt hommes, ce qui est énorme quand l'e

Cette fois, Catherine avait écouté La Hire sans l'interrompre, s'assombrissant à mesure qu'il parlait. Finalement, elle secoua la tête.

— Je regrette. Je reste ! Je n'ai pas confiance en messire de Rais.

La patience de La Hire était à bout. L'appel d'une trompette au-dehors avait achevé d'user le peu qui lui en restait. Sans souci du saint lieu, il se mit à hurler :

— Moi non plus ! Mais il est de notre bord, il n'a aucun intérêt à nous trahir ; d'ailleurs il ne l'oserait pas ! De plus, ni vous ni moi n'avons le choix. C'est la guerre, Madame, et Montsalvy, s'il était là, serait le premier à vous le dire et à vous vouloir en sûreté.

— En sûreté ? Sur les routes ? fit Catherine avec amertume.

— Vous avez un bon défenseur. Ce grand escogriffe mal peigné que vous avez sauvé de la corde. On va lui rendre une bo

— C'est un ordre ?

La Hire hésita, puis, fermement :

— Oui. C'est un ordre. Soyez partie avant un quart d'heure, par la rivière, avant que la ville soit investie. Sinon...

— Sinon ?

Sinon vous partirez demain, avec les bouches inutiles. Nous n'avons de vivres que pour vingt-quatre heures.

Il s'inclinait, reculait, se perdant déjà dans l'ombre des ogives grises. Une panique saisit Catherine comme si le chevalier en s'éloignant l'abando

Elle était trop accoutumée à la vie dure, au danger, à la peur pour discuter. Déjà, elle songeait à ce chemin qu'il allait falloir exécuter. Champtocé ? Comment tracer une route sûre vers ce château où, enfin, elle trouverait la Reine ? Auprès de Yolande, elle ne craindrait rien. Elle pourrait attendre dans une relative tranquillité que revie

Elle se redressa. Sa voix alla atteindre La Hire qui, sans se retourner, se dirigeait vers le portail. Une voix claire et décidée.

— Je vous obéirai, messire de Vignolles. Dans un moment, j'aurai quitté cette ville. Dieu veuille que vous n'ayez jamais à regretter de m'en avoir chassée !

— Je ne vous chasse pas, grommela La Hire sur le seuil avec une sorte de lassitude, je vous mets à l'abri ! Ce que je ne saurais faire si l'Anglais s'emparait de vous. Et je n'aurai rien à regretter. Dieu vous garde, dame Catherine !

1 Yolande d'Aragon, duchesse d'Anjou, reine de Naples, Sicile et Jérusalem, belle-mère de Charles VII.

Une heure plus tard, une petite barque glissait à l'ombre des remparts sud de Louviers, emportant Catherine, Sara et leur gigantesque compagnon, ce Gauthier « Malencontre » dont la rencontre, cependant, s'avérait providentielle. Entre les mains du vigoureux Normand, la longue perche de chêne qui faisait mouvoir le bateau semblait aussi légère qu'une baguette de coudrier. Debout à l'arrière, il enfonçait le bois dans l'eau puis, d'une puissante poussée, faisait glisser rapidement l'esquif. Bientôt les murailles furent invisibles, cachées par l'épaisse végétation. Les aulnes aux feuilles gaufrées, aux chatons rougeâtres, et les saules argentés formaient comme un berceau par-dessus l'eau moirée d'or. La chaleur du jour s'a