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— J'ai quelque chose à vous montrer, dit-il au bout d'un moment. Jetez donc un coup d'œil dans la cour...

Comme la nuit, depuis longtemps, était venue, Catherine avait fermé les volets intérieurs de sa chambre. La journée, celle de la Toussaint, avait été si triste ! Pleine de brume qui pénétrait en longues écharpes jaunes dès qu'une fenêtre s'ouvrait, un brouillard dense portant des relents d'eaux mortes et d'herbe pourrie ! Catherine, qui n'avait même pas eu le droit d'entendre la messe à la chapelle, s'était recroquevillée chez elle, s'y calfeutrant comme un animal frileux.

Lentement, elle alla vers la fenêtre, rabattit le volet. Les lueurs de torches qui s'agitaient en bas dansèrent sur son visage à travers les petits carreaux en losange sertis de plomb. Elle ouvrit la fenêtre, se pencha. Éclairés par les torches que portaient des soldats, des ribauds allaient et venaient, maniant des bûches et des fagots qu'ils entassaient autour d'un poteau de bois noir d'où pendaient des chaînes. Avec une exclamation d'horreur, Catherine se rejeta en arrière, pâle jusqu'aux lèvres. Son regard affolé croisa celui, narquois, de Sillé.

— Eh oui ! Gilles a décidé que, demain, jour des Trépassés, il y aurait un mort de plus et que votre démon familier s'en irait en fumée...

Ce n'est pas possible ! chuchota Catherine plus pour elle-même que pour son déplaisant visiteur. Ce n'est pas possible ! Il ne peut pas faire ça !

— Il va se gêner ! rétorqua l'autre avec un gros rire. Elle s'est conduite comme une sotte, votre sorcière, ma belle. Si elle avait été plus maligne, elle n'en serait pas là. Mais vous aurez au moins la consolation d'assister à la chose...

Sur la table où refroidissait le souper auquel Catherine n'avait qu'à peine touché, il prit une perdrix et mordit dedans aussi simplement que s'il se fût agi d'une pomme. Il se versa un gobelet de vin, l'avala d'un trait et s'essuya la bouche au revers de sa manche de velours, puis se dirigea vers la porte.

— Faites de beaux rêves, belle Dame ! Dommage que vous soyez en cet état et que mon beau cousin ait défendu qu'on vous touche ! J'aurais aimé vous tenir compagnie plus longtemps.

La tête tournée vers la fenêtre d'où venaient les bruits sinistres de la cour, Catherine demeura immobile jusqu'à ce qu'elle eût entendu la porte se refermer sur Sillé. Alors seulement, elle fléchit les genoux jusqu'à ce qu'ils touchassent terre, enfouit son visage dans ses mains.

— Sara ! sanglotait-elle tout bas. Ma pauvre Sara !

Les bruits de la cour s'éteignirent, le reflet des torches disparut et même la chandelle se consuma presque entièrement dans son bougeoir de fer noir sans que Catherine eût quitté sa position prostrée. Écrasée de chagrin, elle priait et pleurait alternativement, ne sachant plus vers qui se tourner, qui implorer pour obtenir secours. Il lui semblait être au fond d'un puits profond, aux murailles lisses qui ne permettaient pas de s'agripper. Le puits, lentement, s'emplissait d'eau et elle savait que cette eau, à certain moment, finirait par l'étouffer, mais elle n'avait aucun moyen d'y échapper...

Ce fut la froide humidité venue de la fenêtre ouverte qui la tira de son désespoir. Cela l'enveloppait comme une chape glacée et, dans la chambre, on n'y voyait presque plus. Péniblement, elle se releva, prit une chandelle neuve sur un dressoir, l'alluma à la flamme mourante de sa devancière. Puis elle ferma la fenêtre. Dans la cheminée, le feu, lui aussi, agonisait. Elle prit quelques bûches dans le renfoncement de l'âtre, les plaça sur les braises et actio





Assise sur la pierre de l'âtre, les mains nouées autour des genoux, elle regarda les flammes renaître, s'élever et l'envelopper d'une douce chaleur.

Brusquement, elle ferma les yeux. Ce feu joyeux ravivait le cauchemar ! Le feu terrible... dévorant, qui, demain, envelopperait Sara pour la jeter, hurlante et torturée, dans l'éternité. Et elle était là, elle, Catherine, impuissante et priso

Catherine n'avait aucun moyen de savoir l'heure qu'il était. Le sablier s'était écoulé depuis longtemps sans qu'elle songeât à le retourner et la seule horloge était dans la grande salle. La chapelle avait peut-être so

Remerciant mentalement le ciel de ce que Sillé eût oublié de refermer sa prison, Catherine rentra dans sa chambre, s'enveloppant de sa grande mante, et prit sa chandelle. Son ombre se découpa, immense, sur le mur du couloir quand elle franchit la porte. Dans le silence, le bruit de ses pas, qu'elle ne cherchait pas à étouffer, éveilla des échos vides.

Calmement, forte d'une inébranlable décision, elle se dirigea vers l'escalier. Il lui fallait traverser une bo

Seule, sous la voûte que quadrillait la herse baissée, une torche diffusait une lumière rougeâtre et pauvre, faible comme un feu follet.

Elle parcourut la galerie, la grande salle, s'engagea dans l'escalier à vis qui menait chez Gilles sans rencontrer âme qui vive. Parfois, tout de même, derrière une porte, s'élevait un ronflement qui ôtait au décor nocturne son côté ensorcelé.

Mais, à mesure qu'elle montait, des bruits étranges peuplaient la nuit, étouffés cependant par l'épaisseur des murs, des résonances humaines difficiles à déceler : des rires peut-être... ou bien des râles ?

Dans la tourelle, quelques pots à feu brûlaient encore, invisibles du dehors. Catherine posa sa chandelle sur une marche et poursuivit son ascension. Mais, comme elle allait prendre pied dans le corridor qui menait chez Gilles, une silhouette noire et courbée jaillit de l'obscurité. Elle se rejeta en arrière avec un cri étouffé, mais elle n'avait plus le moyen de se cacher. Le vieux Jean de Craon était devant elle.