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— Ce matin, à l'aube, au mépris de tout droit, vous avez fait arracher de ma chambre Sara, ma servante. Que dis-je ?

Bien plus qu'une servante ! Elle m'a élevée et je la considère comme ma plus fidèle amie. Après ma mère, elle est l'être qui m'est le plus cher au monde.

A l'évocation de sa tendresse pour Sara, sa voix trembla légèrement, mais elle s'obligea à continuer, serrant ses doigts entrelacés pour maîtriser cette émotion.

— De plus, mon écuyer, Gauthier Malencontre, a été jeté en prison le soir même de mon arrivée. On a toujours refusé de me le rendre en alléguant que c'était à vous d'en décider. C'est donc à vous, Monseigneur... - le mot eut du mal à passer

- que je m'adresse pour que me soient rendus mes serviteurs.

La main brune de Gilles s'abattit sur la table faisant sauter la vaisselle.

Votre écuyer s'est mêlé d'affaires qui ne le concernaient pas. Il a blessé l'un de mes hommes et, normalement, il devrait être pendu depuis longtemps. Pourtant, afin de vous être agréable, j'ai décidé de lui do

— Une chance ? Laquelle ?

— Demain, il sera mené hors de ce château. On le laissera prendre de la distance. Mais ensuite, je me lancerai à sa poursuite avec mes hommes et mes chiens. Si nous le reprenons, il sera pendu. S'il nous échappe, il pourra, bien entendu, aller où bon lui semblera.

Catherine s'était levée d'un mouvement si brusque que la chaise à haut dossier où elle était assise bascula et tomba à terre avec fracas. Pâle jusqu'aux lèvres, elle darda sur Gilles des yeux fulgurants.

— Une chasse à l'homme, hein ? Divertissement raffiné pour un seigneur qui s'e

— Vous êtes en mon pouvoir. Je suis encore très bon de vous accorder cette chance. Je vous rappelle que je pourrais brancher haut et court votre ribaud... et vous livrer vous-même aux gens du Roi.

— Ne confondez pas ; aux gens de messire de La Trémoille ! Je ne crains rien des gens du roi Charles.

À son tour, Gilles s'était levé. Son visage était convulsé de fureur et sa main, sur la table, cherchait un couteau.

— Vous changerez sans doute d'avis avant longtemps, belle dame ! Quant à moi, ma décision est formelle. Ce Gauthier jouera sa vie demain devant mes limiers. Si vous refusez, je le ferai pendre dès ce soir. Quant à votre sorcière, elle peut remercier Satan, son maître, que j'aie à savoir d'elle certaines choses car, sans cela, elle serait déjà liée à quelque bon poteau avec des fagots autour d'elle. J'ai besoin d'elle, je la garde ! Plus tard, je verrai à décider de son sort.

Les dents serrées, pâle de colère, Catherine toisa le sire de Rais. Sa voix so

— Et vous osez porter les éperons d'or de chevalier ? Et vous osez vous dire maréchal de France, porter les fleurs de lys dans vos armes ? Mais le dernier de vos valets a plus de loyauté et d'ho





Au milieu de l'énorme silence qui s'était abattu sur la grande salle où les valets mêmes retenaient leur souffle, elle saisit sur la table la grande coupe d'or de Gilles, pleine de vin, et la lui jeta au visage.

— Buvez, monsieur le maréchal, ceci est le sang des faibles !

Dédaignant la rumeur scandalisée que son geste avait soulevée, Catherine tourna le dos et, tête haute, le voile rouge de son he

A peine hors de la salle, Catherine s'arrêta un instant pour respirer profondément deux ou trois fois. De si violentes émotions étaient mauvaises pour son état et elle étouffait dans sa robe. Un peu calmée, elle se dirigea lentement vers l'escalier pour regagner sa chambre. Elle avait déjà monté quelques marches quand un bruit de course retentit derrière elle. L'instant suivant, elle se plaquait contre le mur de pierre avec un cri de frayeur. Le visage convulsé de fureur, Gilles de Rais venait de bondir sur elle et l'empoignait à la gorge si brutalement qu'elle ne put retenir un gémissement. Ses doigts durs lui faisaient mal... Il s'en aperçut sans doute car il serra plus fort.

Ecoutez-moi bien, Catherine ! Ne recommencez jamais ce que vous venez de faire ; ni rien de semblable si vous tenez à la vie. Quand on me bafoue, surtout publiquement, je ne me possède plus. Encore un geste comme celui-là et je pourrais vous étrangler.

Chose étrange, elle sentit qu'elle n'avait plus peur du tout. Il était affreux pourtant, dans ce paroxysme de colère qui déformait chaque trait de son visage, et elle était sûre qu'il allait la tuer, mais ce fut d'une voix très calme qu'elle répondit :

— Si vous saviez à quel point cela me serait égal...

— Comment ?

— Mais oui, cela me serait tout à fait égal, messire Gilles. Réfléchissez. Arnaud, à cette heure, a peut-être cessé de vivre ; demain vous ferez sans doute déchirer Gauthier par vos chiens, ensuite, j'imagine que ce sera le tour de ma bo

Ce n'était pas là vaine bravade, mais absolue sincérité, vérité si claire qu'elle traversa la fureur de Gilles. Peu à peu, sous le regard résigné de Catherine, sa figure se détendit. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais aucun son n'en sortit. Alors, il laissa retomber ses mains, se détourna et, secouant la tête, redescendit lourdement les quelques marches.

Toujours collée au mur, Catherine n'avait pas bougé. Quand les pas de Gilles se furent éteints dans les profondeurs des salles, elle poussa un profond soupir et, massant d'une main sa gorge douloureuse, continua de monter l'escalier.

Quand l'aube revint, Catherine, qui n'avait pas fermé l'œil de la nuit, n'eut aucune peine à quitter son lit. Elle savait que la chasse partirait aux premières lueurs du jour et elle voulait monter sur la tour de guette pour essayer de suivre, du mieux qu'elle pourrait, la curée tragique. Le feu était éteint dans la che minée et, sous la morsure du froid de l'aube, elle frisso

Elle allait sortir quand, glissé sous la porte, quelque chose de blanc attira son attention. C'était un morceau de parchemin fin, plié, sur lequel on avait tracé quelques mots. La lumière était si grise et si pauvre que Catherine dut revenir vers la fenêtre pour déchiffrer le texte. Sept mots en tout, et une initiale : « Je ferai ce que je pourrai. Priez ! A. »

L'angoisse de Catherine s'allégea un peu, le poids se fit moins lourd dans sa poitrine. Si la vieille châtelaine était pour elle, peut- être Gauthier avait-il une chance de sortir vivant de cette effroyable aventure. Alors, brusquement, son parti fut pris

: cette chasse, elle la suivrait, dût-elle y laisser la vie !

Arrachant la cape, elle se hâta d'enfiler une robe d'épais lainage, des bas, des souliers de cuir solide. Elle tressa ses cheveux serré sur ses oreilles, passa par-dessus un camail à capuchon qui encadrait juste l'ovale du visage et, sur le tout, remit sa grande cape. Elle n'oublia pas le petit reliquaire de saint Jacques et le fourra dans son corsage après lui avoir adressé une bien étrange prière.