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Quant à lui...
Un mouvement de colère raidit Catherine. Levant bien haut sa tête blonde, elle coupa :
— Qui vous permet de croire que j'aie quelque envie d'en entendre parler ?
Van Eyck négligea l'interruption. Il détourna les yeux, s'éloigna de quelques pas et, sourdement :
— Votre fuite l'a déchiré, Catherine... et je sais qu'il en saigne encore ! Non, coupa-t-il à son tour, ne dites plus rien puisque je ne puis rien ajouter. Oubliez tout ce qui vous tourmente et ne pensez qu'à une chose : je ne suis que votre ami et c'est à ce titre que je vous suivrai demain. Ne voyez rien de plus ! Je vous souhaite une bo
Et, avant que la jeune femme ait pu esquisser un geste pour le retenir, il ouvrit la porte et disparut.
Depuis les remparts à demi démantelés de Saint-Jean Pied-de-Port, l'antique voie romaine grimpait sans arrêt, durant huit bons milles, jusqu'au col de Bentarté. Le chemin était étroit, difficile, rendu glissant par les fragments d'ancie
Il était rude aussi et montait roidement à travers un paysage qui devenait de plus en plus aride, jusqu'à sembler se perdre dans le ciel même. Mais Catherine et ses compagnons, sur le conseil du viguier de Saint-Jean, l'avaient préféré à celui, pourtant plus facile, du Val Carlos, pour éviter d'avoir à livrer bataille. Un seigneur-pillard, Vivien d'Aigremont, tenait la route de la vallée avec ses bandes sauvages de Basques et de Navarrais. Certes, les soldats de Bourgogne qui escortaient la dame de Châteauvillain, joints à ceux qui protégeaient Jean Van Eyck, étaient vigoureux, bien armés et pouvaient assurer le passage des voyageurs sans trop de périls. Mais ce que l'on avait entendu dire de la brutalité aveugle et de la sauvagerie primitive des hommes de Vivien d'Aigremont en faisait des e
Mieux valait prendre la route d'en haut.
A mesure que l'on montait, le froid se faisait plus vif. Un vent aigre soufflait continuellement sur les contreforts des Pyrénées, chassant et ramenant, tour à tour, de longues écharpes de brouillard glacé qui cachaient parfois jusqu'aux plus proches rochers. Depuis le départ, à l'aube, perso
— Fichu temps et fichu pays ! Ne pouvions-nous prendre, comme l'empereur Charlemagne, la route d'en bas ? Les brigands me semblent moins redoutables que ce chemin tout juste bon pour les chèvres ! A mon âge, galoper dans les rochers comme une vieille bique ! Si cela a du sens !...
La jeune femme ne put s'empêcher de sourire. Se détournant à demi, elle lança :
— Allons, Ermengarde, ne grognez pas ! C'est vous qui l'avez voulu !
Elle n'avait pas soufflé mot à la vieille dame de sa conversation avec Van Eyck ! À quoi bon ? Ermengarde n'aurait pas compris que Catherine considérait son geste comme une manière de trahison. Elle avait cru, en toute bo
Pourquoi ce déplacement presque officiel, ce rang d'ambassadeur, ces hommes d'armes, s'il s'agissait seulement d'un message ? Mais Catherine co
Quand on fut au col de Bentarté, le jour commençait à baisser. Le vent soufflait en rafales si violentes que les voyageurs n'avançaient guère que courbés. La montée était finie, mais il fallait suivre, maintenant, le chemin des crêtes longeant une suite de sommets déchiquetés... Le ciel était si bas que Catherine avait l'impression qu'en tendant la main elle pourrait le toucher. Derrière elle, quelqu'un dit :
— Par temps clair, on peut voir la mer et aussi les frontières des trois royaumes de France, de Castille et d'Aragon.
Mais cela n'intéressait pas la jeune femme en qui la fatigue commençait à se faire lourde. Il y avait là, dans ce lieu désert, des centaines de petites croix de bois grossier, plantées par les pèlerins qui l'avaient précédée et Catherine les regarda avec horreur : il lui semblait cheminer au milieu d'un cimetière ! La fatigue brouillait ses yeux. Ses pieds lui faisaient mal et tout son corps tremblait de froid. Il fallait que fût bien fort en elle l'espoir de revoir Arnaud pour endurer tant de souffrances.
Le reste du chemin, jusqu'au col, plus bas, d'Ibaneta puis jusqu'au refuge de Roncevaux fut, pour elle, un calvaire que la nuit vint encore aggraver. Quand, enfin, on fut en vue du célèbre moustier bâti, quelques siècles plus tôt, par l'évêque Sanche de la Rose et le roi Alphonse le Batailleur, la lune se leva, déversant une coulée de lumière froide sur le groupe de bâtiments aux toits très bas, aux murs épais et renforcés de vigoureux arcs-boutants, qui s'étalait au pied des contreforts du col d'Ibaneta. Une tour carrée dominait l'ensemble et la route traversait, sous une voûte, le vieux couvent. Le givre poudrait toutes choses, leur conférant une irréelle beauté, mais Catherine, parvenue aux limites de ses forces, y fut totalement insensible. Elle ne vit qu'une chose : sous la voûte, des lanternes s'agitaient, portées par des mains humaines, et ces lanternes signifiaient la vie, la chaleur...