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Que dois-je en faire alors, sire prieur ? La rejeter à l'eau afin qu'elle y meure noyée ? Ce serait tellement plus simple : plus d'otage pour Bruges et plus d'e

La main du moine se posa ferme et apaisante sur le bras du jeune homme qui, aidé de Bérenger, retenait Catherine.

— Calmez-vous !... et reposez-la dans la barque sinon vous risquez, vous, de la lâcher. Je crois que j'ai une idée.

— Laquelle ? demanda sèchement Saint-Rémy qui essuyait son front ruisselant à sa manche de grosse toile.

— Le Béguinage ! C'est la seule communauté de femmes où cette pauvre dame pourra trouver l'accueil et les soins dont elle a besoin.

Les dames béguines s'entendent merveilleusement à soigner les malades...

— Et tu crois qu'elles vont nous ouvrir leur porte, en pleine nuit, alors que la ville est en révolution et que nous avons plus l'air de truands que d'ho

— La populace, comme tu dis, les aime et les respecte car elles lui sont bien souvent secourables. Quant à ces grandes portes elles s'ouvriront si je vais avec vous. Mais il faut faire vite car je dois être de retour pour matines. Ces jeunes gens reviendront avec nous car bien entendu les dames béguines ne les accepteraient pas.

— Nous ne voulons pas abando

— Elle ne sera pas abando

Pour toute réponse, Gauthier alla se rasseoir dans le bateau après y avoir étendu Catherine dont il garda la tête sur les genoux. L'abbé planta sa torche à un croc de fer et rejoignit Saint-Rémy et Bérenger qui embarquaient à leur tour. Un instant plus tard, la barque reprenait sa route sur l'eau calme de la Reie en direction du sud. Le chemin à parcourir était heureusement court et fut bientôt couvert, au grand soulagement de Gauthier qui s'efforçait d'étouffer de son mieux les gémissements de plus en plus fréquents de Catherine.

Le Béguinage de la Vigne, fondé deux siècles plus tôt par la comtesse de Flandre, Jea

Dans les pays de Flandres beaucoup de veuves, de filles que l'on ne pouvait marier, choisissaient le Béguinage de préférence aux couvents réguliers parce qu'il était toujours possible d'en sortir.

La barque s'arrêta sous le pont dont le grand portail d'entrée tenait toute la largeur. Les canaux de la Reie à cet endroit s'élargissaient et formaient un miroir d'eau dans lequel se miraient les longues chevelures pâles des grands saules. Le prieur des Augustins seul descendit et alla se pendre à la cloche...

Il ne fut que très peu de temps absent et revint accompagné de deux femmes en robes noires et cornettes blanches qui portaient un brancard.

1 Il n'a pas changé.

Toujours empaquetée dans son froc de moine, toujours gémissante et secouée de spasmes convulsifs, Catherine y fut couchée mais quand Gauthier et Bérenger voulurent s'atteler aux mancherons de la civière, la plus grande des deux femmes s'y opposa.

— C'est à nous de nous occuper d'elle, dit-elle calmement. Nous vous ferons savoir de ses nouvelles.

— Dieu bénisse votre charité, dame Béatrice, dit le père Cyprien, et veuille que vous n'ayez pas sujet de la regretter.

— Nous sommes pauvres et gagnons notre pain comme le plus humble manœuvrier de la ville. Qui donc pourrait nous vouloir du mal

? Aucun des e



Le vantail de bois se referma. Pour la première fois depuis des mois, Gauthier et Bérenger se trouvaient séparés de Catherine et en éprouvaient une souffrance. Un moment ils restèrent là, plantés devant cette porte qu'il leur était interdit de franchir, les yeux lourds de larmes.

— Si elle allait mourir... balbutia le page. Si nous ne devions plus la revoir jamais ?...

Saint-Rémy eut un petit rire qui so

— Ce que j'aime chez vous c'est votre optimisme ! Vous êtes tous comme ça en Auvergne ? Il est vrai que l'admirable Arnaud de Montsalvy qui est auvergnat lui aussi ne saurait prétendre au titre de roi des joyeux lurons !

— Vous co

— J'ai cet ho

— Qu'il crève ! gronda Gauthier entre ses dents.

Si dame Catherine en est réduite à risquer sa vie presque chaque jour c'est bien à lui et à lui seul qu'elle le doit...

Puis, pour passer sa colère, il se remit à tirer furieusement sur les avirons pour regagner le couvent des Augustins.

Catherine n'avait rien vu, rien entendu de tout ce qui s'était passé depuis qu'on l'avait tirée de l'eau. Le peu de conscience qui lui était revenue s'était vite engloutie dans la mer de souffrance qui avec une incroyable brutalité prenait possession de son corps.

La chute avait endolori tous ses muscles et chacune des contractions que le processus de délivrance lui imposait la tordait comme sur un grill chauffé au rouge. Son ventre déchiré n'était qu'une douleur aiguë irradiée à l'infini.

Qu'on la transportât, qu'on la déshabillât, qu'on la nettoyât du sang qui la maculait, qu'on l'installât dans un lit ne changeait rien à sa torture. Elle n'entendait plus, elle ne pensait plus, elle ne raiso

Parfois, à travers les larmes qui brouillaient sa vue, elle percevait une forme noire et blanche qui passait et repassait, s'arrêtait parfois aussi. Elle sentait alors quelque chose de frais qui, sur son visage, remplaçait un instant la brûlure des larmes, ainsi qu'une senteur d'herbe par-dessus l'odeur fade du sang. De temps à autre quand la douleur un moment faisait trêve, elle plongeait dans un sommeil de bête harassée.

Mais la rémission était courte et, après quelques secondes, lui semblait-il, le bon sommeil disparaissait chassé par les crocs du fauve qui rongeait ses entrailles.

Cela dura des heures, des heures d'enfer dont la malheureuse pensait, ne jamais voir la fin. Au fond de son esprit exténué une seule pensée parvenait encore à percer : elle était morte et, à cause de son sacrilège, elle était condamnée aux éternels tourments. N'aperçut-elle pas, surgissant des ténèbres, un démon barbu dont les yeux de feu s'abritaient sous des broussailles noires et qui lui tendait le poing ?...