Страница 22 из 48
– Mon frère souhaite de tout son cœur que le manoir soit habité, car il pense que ce serait un bien pour les pauvres gens de la lande. Il serait donc très mécontent s’il apprenait que j’ai tenu des propos de nature à décourager Sir Henry. Mais enfin j’ai fait mon devoir; je n’en dirai pas davantage. Il faut que je rentre, sinon mon frère comprendrait que je vous ai vu. Au revoir!»
En quelques secondes, elle avait disparu derrière les rochers épars, et, l’âme pleine de peurs indéfinissables, je repris le chemin du Manoir des Baskerville.
CHAPITRE VIII PREMIER RAPPORT DU DOCTEUR WATSON
Pour mieux retracer le cours des évènements, je vais recopier mes propres lettres à M. Sherlock Holmes; elles sont sur ma table. À l’exception d’une page, qui manque, je les transcris telles que je les ai rédigées; elles montreront les détours de mes sentiments et de mes soupçons avec plus de précision que ne pourrait le faire ma mémoire.
Baskerville Hall, 13 octobre
Mon cher Holmes,
Mes lettres précédentes, ainsi que mes télégrammes, vous ont tenu au courant de tout ce qui s’est passé dans ce coin isolé du monde. Plus l’on reste ici, plus l’esprit de la lande insinue dans l’âme le sentiment de son infini et exerce son sinistre pouvoir d’envoûtement. Quand on se promène pour pénétrer jusqu’à son cœur, on perd toute trace de l’Angleterre moderne, mais on trouve partout des habitations et des ouvrages datant de la préhistoire. Où que l’on aille, ce ne sont que maisons de ces peuples oubliés dont les temples sont, croit-on, les énormes monolithes que l’on voit. Quand on contemple leurs tombeaux, ou les cabanes en pierre grise qui s’accrochent au flanc des collines, on se sent tellement loin de son époque que si un homme chevelu, vêtu de peaux de bêtes, se glissait hors de sa porte basse et ajustait une flèche à son arc, sa présence paraîtrait encore plus naturelle que la mie
Ces considérations sont toutefois étrangères à la mission que vous m’avez confiée, et je doute qu’elles intéressent votre esprit rigoureusement pratique. Je me rappelle encore la parfaite indifférence que vous avez manifestée relativement à la question de savoir si le soleil tournait autour de la terre, ou la terre autour du soleil. Je reviens donc aux faits concernant Sir Henry Baskerville.
Si vous n’avez pas eu de rapport ces jours derniers, c’est parce que jusqu’à aujourd’hui il ne s’est rien produit qui méritât une relation. Puis un incident très surprenant est intervenu, que je vous narrerai en son temps. Mais auparavant il faut que je vous énumère les autres do
L’une d’elles, sur laquelle je ne m’étais guère étendu, est la présence sur la lande du forçat évadé. Il y a maintenant de bo
Dans cette maison, nous sommes quatre hommes valides et robustes: aussi n’avions-nous rien à craindre; mais j’avoue que j’ai été mal à l’aise chaque fois que je pensais aux Stapleton. Ils habitent à plusieurs kilomètres de tout secours. Il y a là une femme de chambre, un vieux domestique, la sœur et le frère, celui-ci n’ayant rien d’un athlète. Ils seraient sans défense devant un gaillard prêt à tout, comme ce bandit de Notting Hill, si seulement il prenait la peine d’entrer. Sir Henry s’inquiète également de leur situation; nous avions suggéré que Perkins le valet allât coucher chez eux, mais Stapleton n’a rien voulu entendre.
Le fait est que notre ami le baro
Il s’est présenté à Baskerville dès de premier jour, et le lendemain matin il nous a conduits à l’endroit où l’on croit qu’a pris naissance la légende du méchant Hugo. Ce fut une excursion de plusieurs kilomètres à travers la lande vers un cadre si lugubre que sa tristesse a peut-être suggéré l’histoire. Une courte vallée bordée de rocs déchiquetés aboutit à une clairière herbeuse. Au centre se dressent deux grandes pierres, usées et terminées en pointe; on dirait les crocs énormes d’une bête monstrueuse. Chaque détail correspond à la scène légendaire. Sir Henry demanda plusieurs fois à Stapleton s’il croyait vraiment à l’intervention du surnaturel dans les affaires humaines. Il parlait sur un ton léger, mais il était très sérieux. Stapleton lui répondit évasivement; certes il ne voulait pas exprimer toute son opinion par respect pour les sentiments du baro
Sur le chemin du retour, nous nous arrêtâmes pour déjeuner à Merripit; Sir Henry fit donc la co