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«J’ai dit que je planais en dessinant des cercles. J’ai réfléchi que je ferais beaucoup mieux de prospecter une zone plus étendue. Un chasseur qui se rend dans l’une des jungles de la terre ne la traverse-t-il pas d’un bout à l’autre dans l’espoir de découvrir son gibier? Or, selon mes déductions, la jungle de l’air que je visais devait se situer quelque part au-dessus du Wiltshire, c’est-à-dire sur mon sud-ouest. J’ai effectué un relèvement d’après le soleil, puisque le compas était hors d’usage et que je ne distinguais plus la terre, et j’ai foncé dans la direction voulue. Tout droit, parce que j’avais calculé qu’il ne me restait plus d’essence que pour une heure. Mais je pouvais m’offrir le luxe de l’épuiser jusqu’à la dernière goutte, car un magnifique vol plané me ramènerait sans encombre au sol.
«Soudain, j’ai senti quelque chose de neuf. Devant moi l’air avait perdu sa limpidité de cristal. Il contenait de longues formes tordues d’une matière que je ne pouvais comparer qu’à de la très fine fumée de cigarette. Leurs guirlandes, leurs couro
«Imaginez une méduse telle qu’on en trouve dans les mers tropicales, en forme de cloche mais d’une taille énorme: beaucoup plus grosse, selon moi, que le dôme de l’église Saint-Paul. D’une couleur rose tendre veinée d’un vert délicat, elle avait une essence si subtile qu’elle n’était qu’une configuration féerique sur le ciel bleu foncé. Elle vibrait à une cadence paisible et régulière. Deux longues tentacules vertes, tombantes, qui se balançaient lentement d’avant en arrière et d’arrière en avant, la complétaient. Cette splendide vision est passée au-dessus de ma tête avec une dignité silencieuse; légère et fragile comme une bulle de savon, elle a poursuivi majestueusement sa route.
«J’avais fait virer mon appareil afin de mieux la contempler, mais tout à coup je me suis découvert escorté par une escadre de créatures analogues, de tailles diverses, la première étant de loin la plus grosse. Certaines me parurent très petites; mais la majorité avait la taille d’un ballon de taille moye
«Mais bientôt mon attention a été captivée par un autre phénomène: les serpents de l’air extérieur. Imaginez de longs rouleaux minces, fantastiques, d’une matière qui ressemblait à de la vapeur: ils tournaient et se tordaient à une vitesse incroyable; l’œil pouvait à peine suivre leurs évolutions. Certains de ces animaux fantômatiques pouvaient avoir huit ou dix mètres de long, mais il était malaisé de chiffrer leur diamètre, tant leur contour était brumeux et semblait se fondre dans l’air. Ces serpents de l’air, d’un gris très clair, étaient striés à l’intérieur de lignes plus foncées qui do
«Une expérience plus terrible m’était réservée. Descendant d’une grande altitude, une tache de vapeur de pourpre m’a d’abord paru petite, mais elle a grossi rapidement en se rapprochant de moi. Bien que constituée par une sorte de substance transparente qui ressemblait à de la gelée, elle n’en avait pas moins un contour bien précis et une consistance plus solide que ce que j’avais vu jusqu’ici. J’ai relevé également des traces plus nettes d’un organisme physique: en particulier deux plaques rondes, assez larges, ombreuses, de chaque côté, qui pouvaient être des yeux, et entre eux un objet blanc très solide qui faisait saillie, et qui était aussi recourbé et paraissait aussi cruel que le bec d’un vautour.
«L’aspect global de ce monstre était formidable, menaçant. Il changeait constamment de couleur, virant d’un mauve très clair à un rouge sombre inquiétant. Je ne pouvais nier sa densité puisqu’il avait projeté une ombre en s’intercalant entre le soleil et l’avion. Sur la courbure supérieure de son corps il y avait trois grosses bosses que je ne saurais mieux décrire qu’en les comparant à des bulles énormes; j’ai pensé qu’elles devaient contenir une sorte de gaz extrêmement léger destiné à soutenir cette masse informe et demi-solide dans l’air raréfié. Se déplaçant rapidement, le monstre suivait sans effort la vitesse de mon monoplan; pendant une trentaine de kilomètres, il a plané au-dessus de moi, tel l’oiseau de proie qui se prépare à fondre sur sa victime. Pour progresser, sa méthode consistait à lancer devant lui quelque chose comme un long serpentin glutineux qui à son tour semblait tirer le reste du corps; il était si élastique, si gélatineux, qu’il ne conservait jamais la même forme pendant deux minutes consécutives; mais chaque modification le rendait plus menaçant, plus affreux.
«Je savais qu’il était mon e
«Devant cette attaque, j’ai déchargé les deux canons de mon fusil. Certes je devais ressembler à un chasseur d’éléphants attaquant son gibier avec une petite sarbacane de poche; comment pouvais-je espérer qu’une arme humaine paralyserait une masse aussi monstrueuse? J’ai tout de même été bien inspiré car, dans un grand fracas, l’une des grosses bosses de la bête a explosé sous la décharge de mes plombs. J’avais deviné juste: ces bosses étaient bien gonflées de gaz. En effet mon e