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Lettre à M. le docteur Gustave Kolb, rédacteur de la «Gazette Universelle»

Monsieur le Rédacteur,

L’accueil que vous avez fait dernièrement à quelques observations que j’ai pris la liberté de vous adresser, ainsi que le commentaire modéré et raiso

…Le livre de M. de Custine est un témoignage de plus de ce dévergondage de l’esprit, de cette démoralisation intellectuelle, trait caractéristique de notre époque, en France surtout, qui fait qu’on se laisse aller à traiter les questions les plus graves et les plus hautes, bien moins avec la raison qu’avec les nerfs, qu’on se permet de juger un Monde avec moins de sérieux qu’on n’en mettait autrefois à faire l’analyse d’un vaudeville. Quant aux adversaires de M. de Custine, aux soi-disant défenseurs de la Russie, ils sont certainement plus sincères, mais ils sont bien niais… Ils me font l’effet de gens qui, par un excès de zèle, ouvriraient précipitamment leur parasol pour protéger contre l’ardeur du jour la cime du Mont-Blanc… Non, monsieur, ce n’est pas de l’apologie de la Russie qu’il sera question dans cette lettre. L’apologie de la Russie!.. Eh, mon Dieu, c’est un plus grand maître que nous tous qui s’est chargé de cette tâche et qui, ce me semble, s’en est jusqu’à présent assez glorieusement acquitté. Le véritable apologiste de la Russie c’est l’Histoire, qui depuis trois siècles ne se lasse pas de lui faire gagner tous les procès dans lesquels elle a successivement engagé ses mystérieuses destinées… En m’adressant à vous, monsieur, c’est de vous-même, de votre propre pays, que je prétends vous entretenir, de ses intérêts les plus essentiels, les plus évidents, et s’il est question de la Russie, ce ne sera que dans ses rapports immédiats avec les destinées de l’Allemagne.

A aucune époque, je le sais, les esprits en Allemagne n’ont été aussi préoccupés qu’ils le sont de nos jours du grand problème de l’unité germanique… Eh bien, monsieur, vous surprendrai-je beaucoup, vous, sentinelle vigilante et avancée, si je vous disais qu’au beau milieu de cette préoccupation générale un œil un peu attentif pourrait signaler bien des tendances, qui, si elles venaient à grandir, compromettraient terriblement cette œuvre de l’unité à laquelle tout le monde a l’air de travailler… Il y en a une surtout fatale entre toutes… Je ne dirai rien qui ne soit dans la pensée de tout le monde, et cependant je ne pourrais pas dire un mot de plus, sans toucher à des questions brûlantes; mais j’ai la croyance, que de nos jours, comme au Moyen-Age, quand on a les mains pures et les intentions droites, on peut impunément toucher à tout…

Vous savez, monsieur, quelle est la nature des rapports qui unissent, depuis trente ans, les gouvernements de l’Allemagne, grands et petits, à la Russie. Ici je ne vous demande pas ce que pensent de ces rapports telle ou telle opinion, tel ou tel parti; il s’agit d’un fait. Or le fait est que jamais ces rapports n’ont été plus bienveillants, plus intimes, que jamais entente plus sincèrement cordiale n’a existé entre ces différents gouvernements et la Russie… Monsieur, pour qui vit sur le terrain de la réalité et non dans le monde des phrases, il est clair que cette politique est la vraie, la légitime politique de l’Allemagne, sa politique normale, et que ses souverains, en maintenant intacte cette grande tradition de votre époque de régénération, n’ont fait qu’obéir aux inspirations du patriotisme le plus éclairé… Mais encore une fois, monsieur, je ne prétends pas au don des miracles, je ne prétends pas faire partager cette opinion à tout le monde, surtout pas à ceux qui la considèrent comme leur e





A côté et en regard de cette direction politique de vos gouvernements, ai-je besoin de vous dire, monsieur, quelle est l’impulsion, quelles sont les tendances que depuis une dizaine d’a

Tout cela est vrai. Les e

Voilà donc deux tendances bien décidément opposées; le désaccord est flagrant et il s’aggrave tous les jours. D’un côté vous avez les souverains, les cabinets de l’Allemagne avec leur politique sérieuse et réfléchie, avec leur direction déterminée, et d’autre part un autre souverain de l’époque — l’opinion, qui s’en va où les vents et les flots la poussent.

Monsieur, permettez-moi de m’adresser à votre patriotisme et à vos lumières: que pensez-vous d’un pareil état de choses? Quelles conséquences en attendez-vous pour les intérêts, pour l’avenir de votre patrie? Car, comprenez-moi bien, ce n’est que de l’Allemagne qu’il s’agit en ce moment… Mon Dieu, si l’on pouvait se douter, parmi vous, combien peu la Russie est atteinte par toutes ces violences dirigées contre elle, peut-être cela ferait réfléchir jusqu’à ses e

Il est évident qu’aussi longtemps que la paix durera, ce désaccord n’amènera aucune perturbation grave et manifeste; le mal continuera à couler sous terre; vos gouvernements, comme de raison, ne changeront pas leur direction, ne bouleverseront pas de fond en comble toute la politique extérieure de l’Allemagne pour se mettre à l’unisson de quelques esprits fanatiques ou brouillons; ceux-ci, sollicités, poussés par la contradiction, ne croiront pas pouvoir s’engager assez avant dans la direction la plus opposée à celle qu’ils réprouvent, et c’est ainsi que, tout en continuant à parler de l’unité de l’Allemagne, les yeux toujours tournés vers l’Allemagne, ils s’approcheront pour ainsi dire à reculons vers la pente fatale, vers la pente de l’abîme, où votre patrie a déjà glissé plus d’une fois… Je sais bien, monsieur, que tant que nous conserverons la paix, le péril que je signale ne sera qu’imaginaire… Mais vie