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CHAPITRE 1

Le samedi 10 avril 1993, un peu après huit heures du matin, une jeune adolescente se présenta au commissariat central d'Amsterdam.

Perso

C'était une très jeune fille blonde, d'une douzaine d'a

La petite fille mouillée s'était approchée du bureau de l'agent de service Cogel et était venue planter ses deux yeux bleus en plein dans le regard du jeune flic.

L'agent stagiaire Cogel avait souri le plus gentiment possible devant cette apparition un peu incongrue. Il s'était penché par-dessus le comptoir qui clôturait le service d'accueil et n'avait pas attendu que la fillette ait ouvert la bouche pour lui demander:

– Dis-moi, tu as perdu tes parents, c'est ça?

La petite fille tenait entre ses bras un petit sac de sport auquel elle s'agrippait comme à une bouée.

À la grande surprise de Cogel elle hocha négativement la tête, faillit articuler quelque chose puis se retint, se mordant les lèvres, comme pour s'empêcher au dernier instant de dévoiler un secret.

Le flic ne la vit pas détailler prestement l'organigramme affiché derrière lui. En moins de trois secondes, Alice avait assimilé le tableau et repéré ce dont elle avait besoin. BRIGADE CRIMINELLE. Deux mots en bâto

Elle ne sut pourquoi elle choisit d'emblée le prénom féminin, peut-être son initiale, mais une petite voix futée lui disait à l'intérieur d'elle-même que sa mère n'était sûrement pas étrangère au phénomène.

Pleine d'une assurance nouvelle elle lâcha crânement:

– Je désire voir l'inspecteur principal Anita Van Dyke. C'est très important.

Le jeune agent l'avait regardée d'un air amusé et lui avait lancé:

– L'inspecteur principal Van Dyke? Et c'est à quel sujet, mademoiselle?

Alice avait instantanément détesté le policier, trop mièvre, trop curieux et trop inerte. Elle avait alors pris une profonde inspiration, fermé les yeux un instant puis avait laissé tomber, d'une voix rauque, dure et froide, celle d'une petite fille riche et bien élevée et qui savait se faire respecter.

– Je vous prie de bien vouloir dire à l'inspecteur Van Dyke que c'est au sujet d'un meurtre…

Puis après un bref moment d'hésitation, profitant du silence qui plombait l'espace saturé de néon

– Disons de plusieurs meurtres. Vous pouvez l'appeler, s'il vous plaît?

La tonalité de sa voix venait de cingler l'air comme un petit fouet, punition bien méritée pour ce flic paresseux et qui ne voulait pas comprendre que c'était important.

L'agent se rua sur le téléphone et appela l'inspecteur dans son bureau.

Alice vit le jeune flic bafouiller des excuses et raccrocher le téléphone, le visage empourpré.

Il évita son regard et s'adressa à, elle en faisant le tour du comptoir par le bureau vitré:

– Je vous conduis chez l'inspecteur Van Dyke, suivez-moi.

Alice avait savouré son succès, bien mérité.

Elle avait pourtant parfaitement conscience que les choses sérieuses ne faisaient que commencer.

Le flic la devança jusqu'à l'ascenseur et ils montèrent jusqu'au troisième étage.

Alice se détourna presque dédaigneusement de l'agent Cogel et ne lui adressa pas la parole de toute la montée dans le cube métallique.

La porte coulissa sur une lumière crue, du bruit (des voix, des pas et le cliquètement des machines à écrire) et un distributeur de boissons.

La femme en uniforme qui se servait un café se retourna à l'arrivée de l'ascenseur et jeta un regard intrigué dans leur direction.

Cogel prit à droite et Alice le suivit dans le couloir. De chaque côté, des bureaux vitrés se succédaient, avec des hommes au téléphone, ou qui en interrogeaient d'autres en tapant maladroitement sur des claviers d'ordinateurs. Elle croisa une foule de types qui apostrophaient vaguement Cogel au passage. Salut Erik, comment va ce matin?

Le couloir était moite et chaud et elle rabattit sa capuche en arrière. Elle sentit ses cheveux humides se libérer lentement et retomber sur ses épaules. Les tubes de lumière qui couraient au plafond lui semblaient plus brulants que des alignements de sèche-cheveux.

Finalement elle se retrouva devant une porte de verre dépoli avec une plaque de plastique où s'étalaient les mots entraperçus au rez-de-chaussée.

Le jeune flic toussota avant de frapper respectueusement trois coups brefs au montant de la porte.

Une voix féminine réso

L'agent Cogel ouvrit précautio

Alice s'approcha lentement du bureau aux lignes dures et sévères, derrière lequel trônait une femme d'une trentaine d'a



Impressio

Elle fit face à l'inspecteur Anita Van Dyke qui la regardait d'une manière grave, mais pas méchante, ni sévère, ni fermée. Elle se détendit un peu et attendit que le jeune flic parle. Elle lui jeta un regard à la dérobée, tentant de se familiariser avec sa présence.

– Assieds-toi, ma petite.

La voix était légèrement voilée, chaude, amicale.

Elle indiqua une des chaises noires, aux lignes austères, qui faisaient face à son vieux fauteuil de cuir. Alice choisit celle de gauche et s'y tint, très droite, comme une élève modèle de collège privé. Elle se concentrait totalement sur la situation, tâchant de ne pas en perdre le contrôle. Ce qu'elle avait à faire était assez difficile comme ça.

Anita Van Dyke plongea ses yeux dans ceux d'Alice qui se sentit passer au sca

C'est normal, pensait-elle, en essayant de conserver son calme, elle veut juste savoir si je mens, si je raconte des histoi…

– Comment te nommes-tu, ma petite?

Alice avait légèrement sursauté, juste parce qu'elle s'était laissée aller à rêvasser stupidement alors qu'il fallait rester vigilante…

– Alice Barcelona Kristensen.

Elle s'était parfaitement reprise et avait répondu presque aussitôt.

– Barcelona?

La voix était toujours douce et sans intonations suspectes.

Alice comprit que la flic essayait de la mettre en confiance, tout en lui arrachant doucement quelques renseignements à droite, à gauche.

– C'est mon père qui a eu l'idée, il adorait Barcelone, mais vous savez, vous pouvez me questio

Elle sembla se détendre un peu plus et elle relâcha le sac de sport en émettant une sorte de soupir.

Anita Van Dyke observa attentivement la jeune adolescente.

Alice Kristensen regardait un point placé dans l'espace quelque part entre le bureau et elle.

– Bon d'accord, alors qu'est-ce que c'est que cette histoire de meurtres, dis-moi?

Alice Kristensen ne répondit pas tout de suite. Elle tritura nerveusement la lanière de son sac de sport qui était retombée sur ses genoux. Puis en relevant légèrement la tête et en regardant l'inspecteur par en dessous, comme si elle avait honte de ce qu'elle avait à dire, elle se remordit la lèvre inférieure et lança d'une voix blanche:

– Ce sont mes parents.

Anita Van Dyke attendit la suite mais rien ne vint. Alice se perdait dans une profonde réflexion intérieure.

– Qu'est-ce que tu veux dire avec tes parents? Ils ont vu un meurtre? Quelque chose s'est passé chez toi? Il faut que tu me dises vite de quoi il s'agit si tu veux que je puisse t'aider efficacement.

Alice tritura de nouveau la sangle du sac et sans même regarder le policier:

– Non… ce n'est pas ça. Heu… Les meurtres… Ce sont mes parents. Ce sont eux qui tuent des gens.

Anita Van Dyke retint son souffle dans le silence qui clouait la pièce comme un cercueil.

Après quelques instants de stupéfaction, Anita avait analysé la situation et avait aussitôt mis en place un premier plan d'opérations, qui assurerait ses arrières.

– Bien, maintenant si tu ne veux pas être venue pour rien, il faut que tu m'écoutes attentivement, d'accord?

Alice avait acquiescé de la tête.

– Bon… tu vas d'abord me raconter les grandes lignes, de quoi il s'agit exactement. Ensuite nous ferons une première déposition que tu devras signer. Puis si tu le veux bien et si tu n'es pas trop fatiguée on reprendra les choses plus en détail, d'accord?

Un nouveau signe de la tête. Il y avait comme un premier accord tacite, une sorte de premier étage de la confiance qui se scellait doucement et Anita comprit qu'elle suivait la bo

– Bien, reprit-elle d'un ton plus cool, franchement amical. Tu ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on enregistre notre conversation?

Elle ouvrait un tiroir d'où elle sortait un petit dictaphone japonais.

Alice réfléchit une demi-seconde avant de faire non de la tête.

Anita posa le magnétophone sur son bureau, appuya sur la touche record et alluma son ordinateur.

Alice contempla un instant, fascinée, le tube bleu de l'appareil jeter ses reflets spectraux sur le visage de la femme-policier.

– Bon, ensuite je dois te dire que tu as tout à fait le droit à un avocat, dès maintenant, et que je vais devoir prendre ta déposition sous la foi du serment, d'accord?

– Oui, d'accord, émit-elle à l'attention du magnétophone… Je n'ai pas besoin d'avocat… Je…je viens juste témoigner de quelque chose…