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Un jour de l’automne dernier, je m’étais rendu chez mon ami Sherlock Holmes. Je l’avais trouvé en conversation sérieuse avec un gentleman d’un certain âge, de forte corpulence, rubicond, et pourvu d’une chevelure d’un rouge flamboyant. Je m’excusai de mon intrusion et j’allais me retirer, lorsque Holmes me tira avec vivacité dans la pièce et referma la porte derrière moi.
«Vous ne pouviez pas choisir un moment plus propice pour venir me voir, mon cher Watson! dit-il avec une grande cordialité.
– Je craignais de vous déranger en affaires.
– Je suis en affaires. Très en affaires.
– Alors je vous attendrai à côté…
– Pas du tout… Ce gentleman, monsieur Wilson, a été mon associé et il m’a aidé à résoudre beaucoup de problèmes. Sans aucun doute il me sera d’une incontestable utilité pour celui que vous me soumettez.»
Le gentleman corpulent se souleva de son fauteuil et me gratifia d’un bref salut; une interrogation rapide brilla dans ses petits yeux cernés de graisse.
«Essayez mon canapé, fit Holmes en se laissant retomber dans son fauteuil. (Il rassembla les extrémités de ses dix doigts comme il le faisait fréquemment lorsqu’il avait l’humeur enquêteuse.) Je sais, mon cher Watson, que vous partagez la passion que je porte à ce qui est bizarre et nous entraîne au-delà des conventions ou de la routine quotidie
– Les affaires où vous avez été mêlé m’ont beaucoup intéressé, c’est vrai!
– Vous rappelez-vous ce que je remarquais l’autre jour? C’était juste avant de nous plonger dans le très simple problème de Mlle Mary Sutherland… Je disais que la vie elle-même, bien plus audacieuse que n’importe quelle imagination, nous pourvoit de combinaisons extraordinaires et de faits très étranges. Il faut toujours revenir à la vie!
– Proposition, que je me suis permis de contester…
– Vous l’avez discutée, docteur; mais vous devrez néanmoins vous ranger à mon point de vue! Sinon j’entasserai les preuves sous votre nez jusqu’à ce que votre raison vacille et que vous vous rendiez à mes arguments… Cela dit, M. Jabez Wilson ici présent a été assez bon pour passer chez moi: il a commencé un récit qui promet d’être l’un des plus sensatio
Le client corpulent bomba le torse avec une fierté visible, avant de tirer de la poche intérieure de son pardessus un journal sale et chiffo
Mon inspection ne me procura pas beaucoup de renseignements. Notre visiteur présentait tous les signes extérieurs d’un commerçant brita
L’œil vif de Sherlock Holmes me surprit dans mon inspection, et il secoua la tête en souriant lorsqu’il remarqua mon regard chargé de questions.
«En dehors des faits évidents que M. Wilson a quelque temps pratiqué le travail manuel, qu’il prise, qu’il est franc-maçon, qu’il est allé en Chine, et qu’il a beaucoup écrit ces derniers temps, je ne puis déduire rien d’autre! dit Holmes.»
M. Jabez Wilson sursauta dans son fauteuil; il garda le doigt sur son journal, mais il dévisagea mon camarade avec ahurissement.
«Comment diable savez-vous tout cela, monsieur Holmes?
– Comment savez-vous, par exemple, que j’ai pratiqué le travail manuel? C’est vrai comme l’Évangile! J’ai débuté dans la vie comme charpentier à bord d’un bateau.
– Vos mains me l’ont dit, cher monsieur. Votre main droite est presque deux fois plus large que la gauche. Vous avez travaillé avec elle, et ses muscles ont pris de l’extension.
– Bon. Mais que je prise? Et que je suis franc-maçon?
– Je ne ferai pas injure à votre intelligence en vous disant comment je l’ai vu; d’autant plus que, en contradiction avec le règlement de votre ordre, vous portez en guise d’épingle de cravate un arc et un compas.
– Ah! bien sûr! Je l’avais oublié. Mais pour ce qui est d’écrire?
– Que peut indiquer d’autre cette manchette droite si lustrée? Et cette tache claire près du coude gauche, à l’endroit où vous posez votre bras sur votre bureau?
– Soit. Mais la Chine?
– Légèrement au-dessus de votre poignet droit, il y a un tatouage: le tatouage d’un poisson, qui n’a pu être fait qu’en Chine. J’ai un peu étudié les tatouages, et j’ai même apporté ma contribution à la littérature qui s’est occupée d’eux. Cette façon de teindre en rose délicat les écailles d’un poisson ne se retrouve qu’en Chine. Quand, de surcroît, je remarque une pièce de mo
M. Jabez Wilson eut un rire gras:
«Hé bien! c’est formidable! Au début, j’ai cru que vous étiez un as, mais je m’aperçois que ça n’était pas si malin, au fond!
– Je commence à me demander, Watson, dit Holmes, si je n’ai pas commis une grave erreur en m’expliquant. Omne ignotum pro magnifico , vous savez? et ma petite réputation sombrera si je me laisse aller à ma candeur naturelle… Vous ne pouvez pas trouver l’a
– Si, je l’ai à présent, répondit-il, avec son gros doigt rougeaud posé au milieu de la colo
Je pris le journal et je lus:
«A la Ligue des Rouquins. En considération du legs de feu Ezechiah Hopkins, de Lebanon, Pe
«Qu’est-ce que ceci peut bien signifier?» articulai je après avoir relu cette a
Holmes gloussa, et il se tortilla dans son fauteuil: c’était chez lui un signe d’enjouement.
«Nous voici hors des sentiers battus, n’est-ce pas? Maintenant monsieur Wilson, venons-en aux faits. Racontez-nous tout: sur vous-même, sur votre famille et sur les conséquences qu’entraîna cette a
– Morning Chronicle du 11 août 1890. Il y a donc deux mois de cela.
– Parfait! A vous, monsieur Wilson.
– Hé bien! les choses sont exactement celles que je viens de vous dire, monsieur Holmes! dit Jabez Wilson en s’épongeant le front. Je possède une petite affaire de prêts sur gages à Coburg Square, près de la City. Ce n’est pas une grosse affaire: ces dernières a
– Comment s’appelle cet obligeant jeune homme? s’enquit Holmes.
– Vincent Spaulding, et il n’est plus tellement jeune. Difficile de préciser son âge!… Je ne pourrais pas souhaiter un meilleur collaborateur, monsieur Holmes. Et je sais très bien qu’il est capable de faire mieux, et de gagner le double de ce que je lui do