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«Je restai un moment hésitant, regardant alternativement mon illustre visiteur et le précieux écrin qu’il m’avait mis entre les mains.

«- Vous doutez de sa valeur? questio

«- Pas le moins du monde. Je me demandais seulement…

«- Si j’avais le droit d’en disposer ainsi? Rassurez-vous, jamais je n’aurais songé un seul instant à le faire si je n’avais eu la certitude absolue de pouvoir vous le reprendre dans quatre jours. Si je vous le laisse momentanément ainsi, c’est uniquement pour la forme. Trouvez-vous que ce soit un gage suffisant?

«- Amplement suffisant.

«- Rappelez-vous, monsieur Holder, que je vous do

«Voyant que mon client avait hâte de s’en aller, je ne lui demandai pas d’autres explications, et, appelant mon caissier, je lui do

«Quand vint le soir, je me dis qu’il serait imprudent de laisser derrière moi dans mon bureau un objet aussi précieux. Nombre de banquiers ont été cambriolés déjà, et ce qui était arrivé à d’autres pouvait tout aussi bien m’arriver à moi. Dans quelle situation terrible ne me trouverais-je pas en pareil cas? Je décidai donc que, pendant ces quelques jours, j’emporterais toujours l’écrin à l’aller et au retour afin de ne pas le perdre de vue un instant, et, dès ce soir-là, je pris un cab afin de le ramener chez moi, à Streatham. Ce n’est qu’après avoir enfermé l’écrin à clé, au premier étage, dans le bureau de mon cabinet de toilette, que je commençai à respirer plus librement.

«Et maintenant, un mot sur ma maison, monsieur Holmes, car je tiens à ce que vous vous fassiez une idée très nette de la situation. Mon garçon d’écurie et mon groom couchent au-dehors et sont, par conséquent, hors de cause. J’ai trois servantes qui sont chez moi depuis des a

«Voilà pour les domestiques. Quant à ma famille, elle est si peu nombreuse qu’il ne me faudra pas longtemps pour vous la décrire. Je suis veuf et n’ai qu’un seul fils, Arthur, qui ne m’a apporté que des désillusions, monsieur Holmes, les plus pénibles désillusions. Mais c’est peut-être un peu ma faute. On m’a toujours dit que je le gâtais trop, et c’est fort possible. Quand j’ai eu le malheur de perdre ma femme, qui m’était si chère, j’ai naturellement reporté sur lui toute mon affection. Je ne pouvais supporter de le voir soucieux un seul instant, et je ne lui ai jamais rien refusé. Peut-être aurait-il mieux valu, pour lui comme pour moi, que je fusse plus sévère, mais je croyais bien faire en agissant ainsi.

«Comme tous les pères, je n’avais qu’un désir: celui de lui voir prendre la suite de mes affaires; malheureusement, il n’avait aucun goût pour cela. Il était trop capricieux, trop fantasque, et, pour dire la vérité, je n’aurais pas osé lui confier les sommes importantes journellement déposées à la banque. Tout jeune encore, il était devenu membre d’un cercle aristocratique où, grâce à ses charmantes manières, il ne tarda pas à devenir l’ami intime de beaucoup de gens très riches et habitués à jeter l’argent par les fenêtres. Entraîné par leur mauvais exemple, il essuya de si lourdes pertes au jeu et aux courses qu’il en fut maintes fois réduit à venir me supplier de lui faire des avances sur l’argent de poche que je lui accordais, afin d’acquitter ses dettes d’ho

«Et vraiment, je ne suis pas surpris qu’un homme tel que sir George Burnwell ait exercé une si profonde influence sur lui, car il l’a fréquemment amené chez moi, et j’avoue que je le trouvais moi-même excessivement sympathique. Il est plus âgé qu’Arthur et possède infiniment d’expérience; c’est un homme qui a été partout, qui a tout vu et qui possède en outre les avantages d’être un brillant causeur et un très beau garçon. Malgré cela, quand je pense à lui de sang-froid, quand je ne subis plus le charme captivant de sa présence, j’ai la conviction que ses propos cyniques et l’expression que j’ai parfois surprise dans ses yeux le désignent comme un homme dont il faut beaucoup se méfier. C’est mon opinion, et celle également de ma petite Mary, qui possède une clairvoyance féminine très développée.

«Il ne me reste plus désormais que son portrait à elle à vous faire. Ce n’est que ma nièce, mais il y a cinq ans, lorsque, par suite de la mort de mon frère, elle se trouva subitement seule et sans appui, je l’adoptai et j’ai toujours veillé sur elle depuis comme si elle était ma fille. C’est mon rayon de soleil; elle est aussi douce et aussi affectueuse que jolie; c’est une excellente ménagère, une maîtresse de maison incomparable, ce qui ne l’empêche pas d’être aussi charmante, aussi tranquille et aussi charitable qu’une femme peut l’être. Elle est devenue mon bras droit, et je ne pourrais plus me passer d’elle. Il n’y a qu’une seule chose pour laquelle elle m’a résisté. A deux reprises, mon fils, qui est très épris d’elle, lui a demandé sa main, et, les deux fois, elle la lui a refusée. Je crois que, si quelqu’un avait dû le ramener dans le droit chemin, c’est bien elle, et ce mariage aurait pu faire de lui un autre homme; mais désormais, hélas! il est trop tard… il n’y faut plus songer!

«Maintenant que vous co





«Ce soir-là, pendant que nous prenions le café au salon, après le dîner, je contai à Arthur et à Mary ce qui m’était arrivé et leur décrivis le précieux trésor que j’avais rapporté en m’abstenant seulement de leur dire le nom de mon client. Je suis certain que Lucy Parr, qui nous avait servi le café, s’était retirée à ce moment-là, mais je ne pourrais jurer qu’elle avait refermé la porte en s’en allant. Mary et Arthur, qui m’avaient écouté avec beaucoup d’intérêt, demandèrent à voir le fameux diadème, mais je jugeai préférable de n’y point toucher.

«- Où l’avez-vous mis? me demanda Arthur.

«- Dans mon bureau.

«- Eh bien! espérons que la maison ne sera pas cambriolée cette nuit, répliqua-t-il.

«- Mon bureau est fermé à clé, repris-je.

«- Bah! n’importe quelle vieille clé suffirait à l’ouvrir. Je me rappelle fort bien, étant gamin, l’avoir ouvert avec celle de l’armoire du cabinet de débarras.

«Comme il avait l’habitude de dire toutes les bêtises qui lui passaient par la tête, je n’attachai aucune importance à cette réflexion. Pourtant, il me rejoignit, ce soir-là, dans ma chambre avec une mine très grave.

«- Écoutez, père, me dit-il en baissant les yeux, pourriez-vous me do

«- Non, ripostai-je d’un ton sec. Je n’ai été que trop généreux avec vous jusqu’ici.

«- Vous avez été très bon, je le reco

«- Eh bien! j’en serai fort aise! m’écriai-je.

«- Peut-être, mais vous ne voudriez tout de même pas me le voir quitter déshonoré. Pour moi, je ne pourrais supporter une telle honte. Il me faut cet argent coûte que coûte, et, si vous me le refusez, je m’y prendrai d’une autre façon.

«J’étais furieux, car c’était la troisième fois dans le mois qu’il me réclamait ainsi de l’argent.

«- Vous n’aurez pas un sou de moi, m’écriai-je, exaspéré.

«Alors il s’inclina et sortit sans un mot.

«Lorsqu’il fut parti, j’ouvris mon bureau et, m’étant assuré que mon trésor était en sûreté, le remis soigneusement sous clé; puis, je me mis à faire le tour de la maison afin de m’assurer si tout était bien fermé, tâche que je confiais habituellement à Mary, mais que je crus bon d’accomplir moi-même ce jour-là. Lorsque je redescendis l’escalier, Mary elle-même était à l’une des fenêtres du vestibule et, en me voyant approcher, la ferma et en assujettit le loquet.